Jacques TORRES Le 14/04/2 002.
Un ''putsch'' ?
Le 22 Avril 1 961 eut lieu en Algérie ce que certains
persistent à appeler un ''putsch''.
Ce mot est craché par la plupart des hommes politiques
en place comme une injure et, à tout le moins, comme un anathème
jeté sur les ''factieux''
Qu'ils soient gaullistes, de droite ou de gauche, la plupart de ces pantins
reflètent ce faisant la sainte panique qui s'est emparée
du monde politique français à l'annonce du mouvement insurrectionnel
qui avait éclaté à Alger ce jour-là.
Souvenez-vous, Français, des appels pathétiques
de la Grande Zohra, de son :
" Aidez-moi ! " comme un râle d'agonie, rappelez-vous
les trémolos de Michou la colère, cet ''ex-ardent défenseur
de l'Algérie Française'', le souk grotesque de la mobilisation
''spontanée'' Place Beauvau
le secours supplié ''à
pied ou en voiture''
pantalonnade lamentable, mais payante !
Français, Françaises, vous avez encore une
fois été bernés, trompés, roulés dans
la farine pour ne pas dire plus
Il n'y avait rien de vrai dans les discours de DE GAULLE
et des siens à ce propos.
Je défie quiconque de trouver, dans les mémoires
des généraux frondeurs, SALAN, CHALLE,
JOUHAUD et ZELLER, la moindre allusion à une tentative de prise
du pouvoir gouvernemental.
Lorsqu'on est arrivé au soir d'une vie, lorsqu'on en établit
le bilan, a-t-on envie de dissimuler, de mentir ? Le Menteur Suprême
lui-même s'est confessé dans ses mémoires
Si l'on s'en tient stricto sensu au dictionnaire, on ne
peut parler de ''putsch'' pour ces évènements du 22 au 25
Avril 1 961 à Alger.
En effet, singulière tentative de renversement de l'état
de droit et de prise du pouvoir, que ce coup de force, cette révolution
qui ne s'est soldée que par la mort d'un seul sous-officier et
encore, semble-t-il dans des circonstances qui paraissent plus accidentelles
que voulues
Comment en est-on arrivés là ?
De reniement en reniement, DE GAULLE abandonne ''la solution la plus française''
au profit de la solution la plus ''algérienne''.
L'affaire SI SALAH qui présentait des possibilités de paix
avait été volontairement sabordée par DE GAULLE et
ses sbires.
Les mutations des officiers qui s'étaient le plus impliqués
dans la guerre d'Algérie - rebaptisés pour la circonstance
''activistes'' - se multipliaient.
C'était indubitablement le signe d'un abandon programmé.
Alors, on vit, vers Mars 61, apparaître le sigle OAS : Organisation
Armé Secrète. Singulièrement ressemblant à
celui de l'Armée Secrète en France occupée
Quoi d'étonnant : la plupart des membres de ce mouvement de révolte
et de désespoir étaient d'anciens résistants de la
France Libre, voire d'anciens déportés comme de SAINT MARC,
et d'anciens d'Indochine
Les citer prendrait des pages et des pages
Leur idéal était d'éviter que l'Algérie ne
tombe entre les mains des communistes et n'offre à cette idéologie
des bases d'attaque à portée de nos rivages
En 2 002,
on en voit le résultat
Le général CHALLE prend la tête du mouvement. Son
plan est simple : en terminer avec les rares restes du FLN en continuant
sur la lancée des opérations qui portent son nom et qui
avaient été imaginées de la même façon
par SALAN.
Ensuite l'Algérie, complètement pacifiée, serait
offerte à DE GAULLE et à la France
tous deux mis devant
le fait accompli
On sait ce qu'il advint de ces trop belles idées
et quelle fut le résultat de ce sursaut d'honneur et de lucidité
de notre armée.
Des historiens se sont penchés sur cette affaire mais quarante
et un ans après de nombreux documents restent occultés qui
pourraient nous montrer le dessous des cartes de l'époque
A quelles conclusions suis-je subjectivement parvenu après
toutes ces années ?
Un idéal angéliste a fait croire à
des militaires que les valeurs d'honneur, de respect de la parole donnée
avaient encore cours, comme chez eux-mêmes, dans la totalité
de nos armées.
Il fut un temps en effet ou la parole d'homme donnée ou mieux encore,
une parole d'Officier valait mieux que tous les contrats du monde !
Une majorité du contingent, travaillée en sous-main par
le PCF, noyautée par des cadres véreux, s'est retranchée
derrière la légitimité gaullienne pour excuser sa
poltronnerie.
Le manque d'information du haut commandement des révoltés
à ce sujet a fait qu'on n'a pas pris les mesures idoines : renvoyer
dans leurs foyers les appelés des unités contaminées,
mobiliser sur place tous les Français et Français-musulmans
favorables, suivant ''l'amendement SALAN''.
La consigne donnée aux ''mutins'' était de ''ne pas faire
couler le sang français''.
Ainsi on n'a pas passé par les armes les officiers et les généraux
félons.
Par crainte d'une dérive, on n'a pas voulu faire appel au soutien
des foules algériennes et on a tenu à l'écart les
mouvements patriotiques tant en Algérie qu'en métropole.
Lorsqu'on l'a fait, c'était trop tard !
On ne refait pas l'histoire
Quelles ont été les conséquences
de cet échec ?
Tout d'abord, une impitoyable chasse aux sorcières non seulement
dans notre armée : embastillements, limogeages, dégradations,
suivies de désertions, de fuites à l'étranger, de
passage dans la clandestinité de l'OAS, mais encore dans les populations
civiles, par l'application des pleins pouvoirs que DE GAULLE s'était
attribués grâce à l'article 16.
(Mon expérience de plus de trente années d'officier de réserve
me permet de dire que le malaise persiste au sein de nos armes où,
malgré tout, des traditions d'honneur et de fidélité
subsistent, quoique confidentielles
et battues en brèche
par le pouvoir politique.)
Cet article 16 permit la mainmise des barbouzes sur la police officielle.
Cette domination se traduisit par des disparitions, des enlèvements,
des tortures, des arrestations administratives.
Tout ceci conduisit à l'exaspération et au désespoir
des populations Françaises et pro-françaises qui soutinrent
et participèrent activement à l'OAS.
De son côté le FLN qui, jusque là, était réduit
au silence, reprenait vigueur, participait aux pseudos-mouvements pacifistes
tels le MPC, Mouvement Pour la Coopération, officine barbouzarde
dirigée par BITTERLIN.
De plus, le gouvernement gaulliste mit en place le plan ''Simoun'' qui
consistait à expédier manu militari tous les appelés
Pieds-Noirs en Allemagne ou en métropole, privant ainsi de défense
valide de nombreuses familles.
On sait les retombées de cette situation : le prétendu
cessez-le-feu ou trêve unilatérale, le blocus et le bombardement
de BAB EL OUED, quartier populeux et votant traditionnellement ''à
gauche'', la monstrueuse embuscade du 26 Mars 62, sans parler des innombrables
massacres et actes d'immonde barbarie qui se déroulèrent
à partir du 19 Mars et dont la boucherie d'ORAN le 3 Juillet 62
fut un des points d'orgue
On ne peut passer sous silence les drames personnels vécus par
chacun, anonymement, dans sa famille ou dans son quartier et dont les
journaux n'ont pas fait état
Personnellement, ce 22 Avril, comme chaque année,
je mettrai mon drapeau en berne.
Je me recueillerai et je me souviendrai avec émotion
de mes camarades du camp d'internement administratif de MEDJADJA où
le pouvoir gaulliste nous avait enfermés pour exactement les mêmes
motifs qui nous avaient valu, à peine quelques mois auparavant,
de la part de ces mêmes autorités civiles et militaires,
d'officielles félicitations. On nous tressa alors très officiellement
des lauriers
qui furent utilisés comme une corde pour nous
pendre peu après !
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