sur site le 17/4/2002
-Un ''putsch'' ?

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Jacques TORRES Le 14/04/2 002.

Un ''putsch'' ?

Le 22 Avril 1 961 eut lieu en Algérie ce que certains persistent à appeler un ''putsch''.

Ce mot est craché par la plupart des hommes politiques en place comme une injure et, à tout le moins, comme un anathème jeté sur les ''factieux''…
Qu'ils soient gaullistes, de droite ou de gauche, la plupart de ces pantins reflètent ce faisant la sainte panique qui s'est emparée du monde politique français à l'annonce du mouvement insurrectionnel qui avait éclaté à Alger ce jour-là.

Souvenez-vous, Français, des appels pathétiques de la Grande Zohra, de son :
" Aidez-moi ! " comme un râle d'agonie, rappelez-vous les trémolos de Michou la colère, cet ''ex-ardent défenseur de l'Algérie Française'', le souk grotesque de la mobilisation ''spontanée'' Place Beauvau… le secours supplié ''à pied ou en voiture''… pantalonnade lamentable, mais payante !

Français, Françaises, vous avez encore une fois été bernés, trompés, roulés dans la farine pour ne pas dire plus …

Il n'y avait rien de vrai dans les discours de DE GAULLE et des siens à ce propos.

Je défie quiconque de trouver, dans les mémoires des généraux frondeurs, SALAN, CHALLE,
JOUHAUD et ZELLER, la moindre allusion à une tentative de prise du pouvoir gouvernemental.
Lorsqu'on est arrivé au soir d'une vie, lorsqu'on en établit le bilan, a-t-on envie de dissimuler, de mentir ? Le Menteur Suprême lui-même s'est confessé dans ses mémoires…

Si l'on s'en tient stricto sensu au dictionnaire, on ne peut parler de ''putsch'' pour ces évènements du 22 au 25 Avril 1 961 à Alger.
En effet, singulière tentative de renversement de l'état de droit et de prise du pouvoir, que ce coup de force, cette révolution qui ne s'est soldée que par la mort d'un seul sous-officier et encore, semble-t-il dans des circonstances qui paraissent plus accidentelles que voulues…

Comment en est-on arrivés là ?
De reniement en reniement, DE GAULLE abandonne ''la solution la plus française'' au profit de la solution la plus ''algérienne''.
L'affaire SI SALAH qui présentait des possibilités de paix avait été volontairement sabordée par DE GAULLE et ses sbires.
Les mutations des officiers qui s'étaient le plus impliqués dans la guerre d'Algérie - rebaptisés pour la circonstance ''activistes'' - se multipliaient.

C'était indubitablement le signe d'un abandon programmé.
Alors, on vit, vers Mars 61, apparaître le sigle OAS : Organisation Armé Secrète. Singulièrement ressemblant à celui de l'Armée Secrète en France occupée…
Quoi d'étonnant : la plupart des membres de ce mouvement de révolte et de désespoir étaient d'anciens résistants de la France Libre, voire d'anciens déportés comme de SAINT MARC, et d'anciens d'Indochine… Les citer prendrait des pages et des pages …
Leur idéal était d'éviter que l'Algérie ne tombe entre les mains des communistes et n'offre à cette idéologie des bases d'attaque à portée de nos rivages… En 2 002, on en voit le résultat…
Le général CHALLE prend la tête du mouvement. Son plan est simple : en terminer avec les rares restes du FLN en continuant sur la lancée des opérations qui portent son nom et qui avaient été imaginées de la même façon par SALAN.
Ensuite l'Algérie, complètement pacifiée, serait offerte à DE GAULLE et à la France …tous deux mis devant le fait accompli…

On sait ce qu'il advint de ces trop belles idées et quelle fut le résultat de ce sursaut d'honneur et de lucidité de notre armée.
Des historiens se sont penchés sur cette affaire mais quarante et un ans après de nombreux documents restent occultés qui pourraient nous montrer le dessous des cartes de l'époque …

A quelles conclusions suis-je subjectivement parvenu après toutes ces années ?

Un idéal angéliste a fait croire à des militaires que les valeurs d'honneur, de respect de la parole donnée avaient encore cours, comme chez eux-mêmes, dans la totalité de nos armées.
Il fut un temps en effet ou la parole d'homme donnée ou mieux encore, une parole d'Officier valait mieux que tous les contrats du monde !
Une majorité du contingent, travaillée en sous-main par le PCF, noyautée par des cadres véreux, s'est retranchée derrière la légitimité gaullienne pour excuser sa poltronnerie.
Le manque d'information du haut commandement des révoltés à ce sujet a fait qu'on n'a pas pris les mesures idoines : renvoyer dans leurs foyers les appelés des unités contaminées, mobiliser sur place tous les Français et Français-musulmans favorables, suivant ''l'amendement SALAN''.
La consigne donnée aux ''mutins'' était de ''ne pas faire couler le sang français''.
Ainsi on n'a pas passé par les armes les officiers et les généraux félons.
Par crainte d'une dérive, on n'a pas voulu faire appel au soutien des foules algériennes et on a tenu à l'écart les mouvements patriotiques tant en Algérie qu'en métropole.
Lorsqu'on l'a fait, c'était trop tard !

On ne refait pas l'histoire …

Quelles ont été les conséquences de cet échec ?
Tout d'abord, une impitoyable chasse aux sorcières non seulement dans notre armée : embastillements, limogeages, dégradations, suivies de désertions, de fuites à l'étranger, de passage dans la clandestinité de l'OAS, mais encore dans les populations civiles, par l'application des pleins pouvoirs que DE GAULLE s'était attribués grâce à l'article 16.
(Mon expérience de plus de trente années d'officier de réserve me permet de dire que le malaise persiste au sein de nos armes où, malgré tout, des traditions d'honneur et de fidélité subsistent, quoique confidentielles… et battues en brèche par le pouvoir politique.)
Cet article 16 permit la mainmise des barbouzes sur la police officielle. Cette domination se traduisit par des disparitions, des enlèvements, des tortures, des arrestations administratives.
Tout ceci conduisit à l'exaspération et au désespoir des populations Françaises et pro-françaises qui soutinrent et participèrent activement à l'OAS.
De son côté le FLN qui, jusque là, était réduit au silence, reprenait vigueur, participait aux pseudos-mouvements pacifistes tels le MPC, Mouvement Pour la Coopération, officine barbouzarde dirigée par BITTERLIN.
De plus, le gouvernement gaulliste mit en place le plan ''Simoun'' qui consistait à expédier manu militari tous les appelés Pieds-Noirs en Allemagne ou en métropole, privant ainsi de défense valide de nombreuses familles.

On sait les retombées de cette situation : le prétendu cessez-le-feu ou trêve unilatérale, le blocus et le bombardement de BAB EL OUED, quartier populeux et votant traditionnellement ''à gauche'', la monstrueuse embuscade du 26 Mars 62, sans parler des innombrables massacres et actes d'immonde barbarie qui se déroulèrent à partir du 19 Mars et dont la boucherie d'ORAN le 3 Juillet 62 fut un des points d'orgue…
On ne peut passer sous silence les drames personnels vécus par chacun, anonymement, dans sa famille ou dans son quartier et dont les journaux n'ont pas fait état…

Personnellement, ce 22 Avril, comme chaque année, je mettrai mon drapeau en berne.

Je me recueillerai et je me souviendrai avec émotion de mes camarades du camp d'internement administratif de MEDJADJA où le pouvoir gaulliste nous avait enfermés pour exactement les mêmes motifs qui nous avaient valu, à peine quelques mois auparavant, de la part de ces mêmes autorités civiles et militaires, d'officielles félicitations. On nous tressa alors très officiellement des lauriers… qui furent utilisés comme une corde pour nous pendre peu après !