Alger, Algérie
: vos souvenirs
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Dans les siècles très anciens, selon la légende, un marabout "Boubakeur" se promenant sur les lourds terrains de gypses qui conduisaient aux prémices des zones désertiques aurait planté son bâton dans le sol et le retirant saperçut quil était enduit dun liquide visqueux et odorant. Persuadé quun dangereux serpent hantait les lieux et gardait lendroit, le marabout ne donna pas suite à cette découverte. Sans se préoccuper du fameux serpent légendaire, de toute antiquité des bergers connaissaient cet endroit pour y venir chercher des boues imprégnées dont il frottaient la peau des moutons pour les guérir de la gale et de la pelade ; les chameliers faisaient de même pour leurs chameaux.Cette méthode qui sest perpétuée pendant plusieurs siècles semblent avoir été efficace puisque dans les campagnes on rapportait encore avant lindépendance que soumis à ces soins naturels, la laine des moutons et les poils de chameaux repoussaient "plus beaux quavant". Quelques siècles plus tard les colonisateurs construisirent à proximité de ces terrains les Villes dAumale, de Bou-Saada et le petit village de Sidi-Aïssa. distant dAlger au sud denviron 150 KM . Parmi eux, en 1935, Monsieur Louis PONS fin connaisseur de la région quil parcourait régulièrement, dune ferme à lautre, pour y exercer son art de puisatier prospecteur deau, sintéressa au site désertique de LOued Guétérini, dont on savait vaguement daprès des investigations faites en 1745 par un ingénieur anglais et en 1905 par des ingénieurs et savants allemands et roumains, quil était possible quil contienne du pétrole. Ce puisatier accomplit de nombreuses démarches,et sans aucun soutien financier, réunit autour de lui une équipe douvriers pour creuser un puits près de la rive du fleuve où apparaissaient les suintements. A quelques sept mètres de profondeur des émanations de gaze nécessitèrent linstallation dun système de ventilation et le creusement se poursuivit jusquà treize mètres de profondeur où lon trouva une première couche de terre imprégnée de naphte, denviron un mètre dépaisseur. Le puits consolidé et agrandit permit de recueillir quelques centaines de litres par jour de pétrole brut léger naturellement raffiné par la traversée des couches profondes, phénomène particulier aux terrains à gypses sulfureux.Ce pétrole léger ne nécessitait quun filtrage pour être utilisable dans les moteurs. Monsieur PONS creusa deux autres puits espacés dune dizaine de mètres mais, ne disposant pas de moyens financiers et techniques importants,il se décida à vendre son pétrole aux chauffeurs des cars de la ligne Alger/Bou Saada, au moyen dun petit camion citerne qui faisait le trajet depuis les puits jusquau bord de la route nationale où les cars se présentaient au ravitaillement. On faisait directement le plein dans les réservoirs des véhicules après filtrage au moyen dun chapeau de feutre et dun grand entonnoir ! ..... le système D,pour ainsi dire !....... Par la suite, une société dauto-traction se déclara pour cliente et un propriétaire de chalutiers aussi qui faisait près de 300 Km pour venir chercher son pétrole. Voilà pour lessentiel la clientèle de Monsieur PONS qui y trouvait la récompense de ses efforts, sans pour autant prétendre faire fortune. Cette commercialisation se poursuivit jusquen 1941 année au cours de laquelle le Bureau des recherches minières dépendant du Service des Mines réquisitionna le gisement et Monsieur Pons, sans aucune indemnisation, se trouva privé de ses maigres ressources pétrolières, nonobstant son autorisation officielle et sa patente de producteur professionnel de lépoque. Il faut dire que les commissions darmistices Allemandes et Italiennes présentes à Alger qui portaient alors un grand intérêt à une production de pétrole brut en Algérie. La guerre finie, notre puisatier pétrolier entreprit des démarches pour retrouver ses droits, mais les lois instituées en temps de guerre furent longues à abroger et désespérant dobtenir satisfaction dans un avenir proche, il se rapprocha dun jeune géologue de ses connaissances, Pierre Padovani, pour préparer la future reprise de lactivité de son chantier sous une forme adaptée à lévolution des affaires daprès-guerre. Après avoir étudié la question et en avoir discuté longuement,autour de verres danisette et en dégustant des khémia, ils envisagèrent de fonder une société "Les pétroles de lOued Guéterini" avec un capital qui serait constitué pour lessentiel dapports en nature, à savoir les puits qui se trouvaient encore bouchés et interdits. Pierre Padovani et Jean Mazel qui avaient fait la guerre dans la 1re D.F.I. et leur ami André Rosfelder qui lavait faite comme parachutiste, revenus tous trois des combats , avaient fondé un club "Forces Françaises Libres", club dentraide et damitié et se rencontraient régulièrement autour dune table. Cest ainsi que Pierre Padovani un beau soir fit part a ses amis de lintérêt quil portait aux projets de recherche et dexploitation dun gisement de pétrole brut de Monsieur PONS, gisement situé à Sidi Aïssa. Pierre Padovani était un géologue passionné, il mit au courant ses amis de lexistence du gisement de lOued Guétérini et les invita à visiter le "site". André Rosfelder terminait à lépoque des études de géologie, Jean Mazel qui sétait engagé à 17 ans dans lArmée avait repris des études de droit et tous trois étaient fermement décidés et impatients dentrer dans la vie active dans un secteur nouveau dactivité où tout restait à faire, saluons ici le fameux "ESPRIT PIONNIER" qui ne manquait pas danimer nos compatriotes pieds-noirs. Cest ainsi quun beau matin , ils démarrèrent dAumale dans deux voitures en compagnie de Monsieur Pons et de son fils, pour rejoindre lOued Guéterini et visiter les puits condamnés où lon pouvait voir encore à leur alentour des amas de terre imprégnés de naphte et de vieux équipements pétroliers rudimentaires. En cette saison tout paraissait désolé, aride, désertique et leur première impression fût teintée dun peu de déception qui céda bien vite devant le désir de se lancer avec détermination dans cette affaire, le site en effet "sentait" le pétrole. Monsieur Pons âgé et déçu des lenteurs de ladministration était en principe disposé à abandonner ses recherches de pétrole contre une modeste indemnité, mais il lui tenait à cur que des jeunes relève le défi et prennent la relève. Armés de leur jeunesse, animés denthousiasme et de courage, nos trois amis convaincus que le pétrole existait, se donnèrent pour mission commune dans un premier temps de constituer une société et daccomplir toutes les démarches nécessaires à cet effet.Ce fût alors, le début dun "parcours du combattant" pour trouver des capitaux privés, un siège social et fournir la preuve quil y avait bien un gisement de pétrole à Oued Guéterini. Ils se partagèrent les rôles et pendant que lun ou lautre accomplissait des démarches administratives pour constituer la société et obtenir des permis de recherche et dexploitation, le troisième prenait déjà des contacts pour choisir les matériels, engins et équipements adéquats, et les spécialistes pour constituer léquipe de recherche et le chantier. Entre-temps sous limpulsion dAndré Rosfelder, ils envisagèrent de créer à proximité du gisement un petite unité de raffinerie, ce qui crédibiliserait leur projet de recherche. Ils saperçurent quil leur fallait aussi trouver de leau ..... Bref après des mois de travail et démarches acharnés, avec des moyens financiers plus que limités,ils réussirent à installer un siège social à Alger, à constituer leur société anonyme RAFAL-Raffineries Algériennes", à obtenir une autorisation de recherche temporaire sur la région considérée, à constituer une première équipe de spécialistes et douvriers,à trouver à proximité du gisement quelques hectares de terrain pour lédification future de la raffinerie et ou tout laissait espérer que lon pourrait trouver de leau nécessaire à lexploitation.Et enfin le chantier démarra....... Le premier puits creusé révélaà 1,50 m de profondeur une première imprégnation et plus profondément à 15 m une deuxième couche de 2 à 5 m dépaisseur. Après quelques jours de travaux 500 litres de pétrole brut furent recueillis et soumis aux analyses et présentés en quelques petites bouteilles de liquide, aux actionnaires potentiels.Le résultat des analyses prouva quil sagissait bien dun pétrole brut dexcellente qualité. Les travaux de puisage et de galerie purent alors avancer pour atteindre une production dune tonne/Jour.La question du stockage fût résolue par lachat doccasion dun lot dune vingtaine de cuves métalliques de 150 hectolitres acheté chez un viticulteur. Ces cuves encore en parfait état furent installées sur les lieux de production pour une partie et pour lautre partie sur le terrain destiné à la construction de la future raffinerie. Les bons résultats des analyses des échantillons, les relations des fondateurs, lappui moral du père dAndré Rosfelder homme politique important et intègre, procurèrent à la Société anonyme une cinquantaine de souscripteurs, membres de leur famille et amis et le capital de laffaire passa de sept millions danciens francs à vingt millions, ce qui à lépoque était suffisant pour envisager la poursuite des investissements. Ce nétait pas suffisant cependant pour construire la raffinerie. Mais le Dieu des pétroles régnait. Une "mine de pierres taillées"existait parait-il dans un site désertique de la Région et Jean Mazel en fût informé par un Caïd, noble arabe ami des Français, quil connaissait davant le début de lexploitation et qui sétait toujours enthousiasmépour le projet de recherche quil soutenait avec ardeur et fidélité.Une amitié et une estime indéfectible les liaient. Accompagné de son ami le Caïd, Jean Mazel décida daller à la recherche de la "mine de pierres taillées" et après un long périple, un parcours difficile et maintes difficulté , ils trouvèrent enfin "le trésor". Il sagissait en fait des vestiges dun ancien pont Romain totalement abandonné dans une sorte dimmense plaine nue aride et sans végétation(le cours que ce pont devait surmonter du temps des romains était tari depuis des centaines dannées)et il existait là bel et bien des pierres de taille parfaitement taillées. Cétait inespéré ! Une bonne partie des pierres transportables furent récupérées et servirent ensuite a construire le soubassement de la Raffinerie. Autant déconomie réalisée et les anciens romains ont dû sen réjouir dans leurs tombes, du moins espérons-le ! Au fil du temps les puits et les galeries progressaient et produisaient deux milles litres par jour , production écoulée tous les trois jours au moyen dun gros camion citerne vers la Raffinerie Shell de Maison-Carrée, petite ville située à proximité d Alger, à quelques kilomètres dHussein-Dey. La Raffinerie se construisait peu à peu, doucement mais sûrement. Une organisation du chantier devenait nécessaire. Des repas chauds et des boissons fraîches transportés dAumale dans une camionnette étaient servis à léquipe tous les matins vers dix heures.Comme dans toute entreprise le chantier connu quelques incidents , notamment sa première grève lors dune panne de 48 h.de la camionnette. Un deuxième incident, tragique, dû à limprudence dun ouvrier qui avait allumé une cigarette au fond du puits dans lequel il creusait provoqua une énorme explosion de gaz et la mort dun collègue qui se trouvait sur léchelle du puits et qui fût projeté, en raison du souffle, à une vingtaine de mètres au-dessus du puits. Une ventilation mise en place et un rappel énergique des consignes de sécurité évitèrent quun tel incident dramatique ne se reproduise...... La société progressait et commençait à prendre un bon rythme de croisière, mais il fallait encore la faire connaître par des conférences de presse, des articles dans les journaux et par des visites organisées sur le site de production. Monsieur Rosfelder père et son fils André Rosfelder semployèrent à cette uvre de communication. Des visites comprenant des souscripteurs, de futurs souscripteurs et de personnes intéressées par le développement de cette activité furent organisées et tout ce monde transporté dans un petit car affrétéà son intention put visiter les lieux de production et la raffinerie en construction, avec en cours de journée une pause repas dans le restaurant de la place d Aumale ;au menu et au choix : brochettes dagneau, méchoui, "chorba" etc... le tout dégusté dans la joie du dépaysement et la bonne ambiance pied-noir de "la-bas". Le capital de départ de sept millions danciens francs passa à vingt puis à trente millions. Les recettes cependant restaient modestes face aux frais de fonctionnement et dexploitation et le prix du baril de pétrole ne "fléchait" pas à lépoque ! Le Préfet d Alger à cette époque se décida à visiter officiellement le site. La visite fût organisée avec le plus soin , en présence des autorités locales, des journalistes, des responsables administratifs, il y eut de beaux discours célébrant les fondateurs, la France, lAlgérie, des visites commentées,et des photos furent prises et publiées dans les journaux. Cependant,dans le même temps de lautomne 1948 le Caïd qui suivait avec intérêt les travaux dexploitation, avertit son ami Jean MAZEL de la présence de techniciens qui par voitures et camions sillonnaient la région sondant le sol au moyens de différents instruments et faisant sauter quelquefois des explosifs, manifestement des chercheurs géologues et géophysiciens. Cet avertissement précieux intrigua un peu sans plus les dirigeants de la RAFAL. Et cest alors quune nouvelle tenue secrète jusqualors, éclata au grand jour : La SN REPAL, société Nationale de Recherche et dExploitation des Pétroles en Algérie, société à capitaux essentiellement français et publics, venait dobtenir du Gouvernement Général(le GG) un permis exclusif de recherches sur une immense zone qui englobait le petit périmètre qui avait été accordé à la RAFAL ! Il ne sagissait pas de jouer "David" contre "Goliath", mais" ma parole dhonneur" il fallait savoir se faire respecter : Monsieur Rosfelder père accompagné par les parlementaires du département fût reçu sur sa demande par le Gouverneur Général pour protester contre ce procédé administratif émanant de la Haute Administration qui pouvait sapparenter par la brutalité de son application à un "fait du Prince" alors que le secteur privé représenté par la RAFAL, aurait été tout à fait disposé, sil en avait averti au préalable, à proposeret à trouver une formule de coopération avec lETAT. Cette protestation présentée fermement mais avec tous les égards et le respect du protocole dusage en la matière fût entendue et comprise par le Gouverneur Général. Sans entrer dans une polémique stérile, ce nétait ni le genre de Monsieur Rosfelder père, ni celui du Gouverneur Général, des pourparlers sengagèrent entre les Rosfelder et Monsieur Armand Colot, Directeur Général de la SN REPAL. MONSIEUR Armand Colot, un polytechnicien qui avait été major de sa promotion, homme exceptionnel qui devait conduire plus tard la SN REPAL au sommet de la gloire au SAHARA en faisant découvrir à ses ingénieurs les immenses gisements de Pétrole à HASSI-MESSAOUD et les non moins immenses gisements de Gaz à HASSI RMEL, doué dune intelligence exceptionnelle négocia avec les Rosfelder la création dune société mixte à capitaux souscrits par moitié par lEtat et LA RAFAL, et cest ainsi que naquit sans atermoiements, sauf ceux administratifs et juridiques qui furent de courte durée, La Société des Pétroles dAumale SPA qui conserva tous ses cadres et personnels sur le site pour lancer immédiatement une nouvelle campagne de sondages sur "OUED GUETERINI" Le Géologue en Chef de la SN REPAL, Monsieur ORTYNSKI , autre personnalité de premier rang connu des Géologues du monde entier pour son savoir géologique se tenait en relation avec Monsieur Yordachesco ingénieur plus que compétent de lex RAFAL, qui maintenant exercait ses talents à la SPA, et tous deux parcouraient le site pour choisir limplantation des nouveaux sondages. Au cours du mois dAvril 1949 lun de ces nouveaux sondages atteignit 930 mètres après avoir traversé trois niveaux pétrolifères et dans une nuit des bruits sourds se firent entendre venant des profondeurs ; Monsieur KIEKEN ingénieur géologue fit prévenir immédiatement les dirigeants de la SPA qui se rendirent sur place pour se rendre comptre de ce qui se passait. La sonde avait été arrêtée par mesure de précaution.Le lendemain dans laprès-midi ont entendit un fort grondement suivi dun sifflement strident en continu puis on vit apparaître des jets de boues et soudain une longue colonne de boue puissamment éjectée sortit de la sonde,cétait le pétrole presque brun puis jaune clair qui jaillissait avec force ; léquipe et les dirigeants qui se trouvaient là en furent couverts de la tête au pied, un vrai baptêmeà lor noir ! ....Les ingénieurs et leur équipe domptèrent léruption et le puits fut mis en production. Cétait le premier puits qui donnait un résultat productif intéressant.On fêta dignement lévénement par des réjouissances à Aumale. La SPA continua à sonder et à prospecter sur lOued Guétérini et en 1949/1950 la production sélevait à 25O tonnes/Jour. La Raffinnerie de 40 tonnes ne suffisait plus. Tous les jours un train complet de 300 tonnes partait de Bouïra (où se trouvait la gare la plus proche du Site) pour la Raffinerie SHELL dAlger. La SPA dans le giron de la SN REPAL connut par la suite de brillants succès ; les fondateurs de la RAFAL, incorporés aux effectifs de la SN REPAL ne furent pas les derniers à contribuer sous les ordres de Monsieur Armand COLOT aux immenses découvertes de la SN REPAL, tout en continuant à faire prospérer la SPA. Lauteur de ces lignes qui a eu lhonneur de travailler dans les années 57/62 à la SN REPAL à Alger puis ensuite à Paris, tient tout les éléments de cet article de deux sources principales et non des moindres : premièrement directement de Monsieur Colot qui de son vivant, fervent pro-algérie française, était un AMI autant quun GRAND PATRON pour tous ses employés, cadres et non cadres, et secondement par divers écrits rassemblés au cours de sa carrière à la SN REPAL. Pour terminer jajouterai que bien que portant le même patronyme que Monsieur Louis PONS, fondateur initial du Site dOued Guétérini, je nappartenais pas à la même branche familiale, mais je suis tout de même fière que par son savoir ancestral de puisatier, ce pied noir industrieux ait pu intéresser à son projet, en leur passant "la baguette" et le "flambeau", cette nouvelle classe dhomme jeunes, dynamiques et instruits qui après avoir combattu glorieusement de 1939/1945 pour défendre la France, de retour en Algérie à la fin de la guerre, se sont rendus immédiatement utiles au pays, en faisant confiance au "vieux puisatier" et à lavenir.
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