Alger, Algérie
: vos souvenirs
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Ko / 9 s
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LES AVATARS DE RABAH-POLITIQUE.....MEKTOUB...MEKTOUB.... -------Un jeune
kabyle de bonne famille échappe à lautorité
paternelle et influencé par ses amis PPA prendra la mauvaise route
qui le conduira vers un fatal destin...... -------Grand, "bien baraqué" Sidi Ahmed portait une chéchia à rayures marron clair et blanches, des sarouals gris en coutil à mi-jambes, une djellaba blanche en toile fine, et par-dessus ses épaules, selon la saison, un burnous blanc ou une gandoura de laine à rayures assorties à la chéchia ; il portait aussi une cane quil remplaçait par un grand parapluie noir les temps de pluie, ce qui lui assurait un maintien parfait et une certaine élégance. Ce qui mintriguait le plus dans sa mise, cétait ses escarpins plats qui ressemblaient à des chaussures de femme et me faisaient penser aux escarpins que ma tante Marie, dorigine Lorraine, chaussait pour danser la polka en famille pour les baptêmes, communions, fiançailles et mariages etc.... exception faite de la hauteur des talons. -------Indépendamment de son intérêt pour lagriculture moderne, Sidi Ahmed avait deux sujets de préoccupation dont il entretenait mon père, cétait lavenir de chacun de ses deux fils. Celui qui lui donnait "le plus de fil à retordre" était laîné Rabah-Politique, un jeune homme de 23 ans à lépoque, nerveux, toujours en mouvements et en cavales, ne laidant jamais dans son travail, saisissant la moindre occasion pour séchapper à Maison-Carrée, la ville la plus voisine du Douar, et en revenant toujours avec "des idées tordues" daprès son père. -------Son second fils Djilleli, 13 ans, était un enfant intelligent et obéissant ; il nétait pas coutume denvoyer les enfants des campagnes dans les lointaines écoles françaises, aussi Djilleli après avoir suivi des cours de religion, décriture et de langue dispensés par le Marabout, se trouvait désuvré, à part laccomplissement de quelques petits travaux que son père qui le ménageait beaucoup lui confiait de temps en temps.Il était manifestement son préféré. Dailleurs Djilleli avec son visage toujours souriant, son regard doux et lumineux et son caractère plaisant, avait des dispositions naturelles pour sattirer toutes les sympathies. Il accompagnait son père dans ses visites le plus souvent le jeudi et nous prenions plaisir pendant que nos pères discutaient à nous amuser ensemble avec mes frères pour nous livrer à ces jeux que tous les enfants des campagnes dAlgérie, de France, de Navarre et dailleurs partout dans le monde ont le génie dimproviser sans jouets, tels que traquer les grenouilles et les têtards dans les bassins darrosage, courir pieds nus dans les fossés dirrigations, faire les petits chevaux en courant comme des dératés, monter sur le toit des communs, déguiser les chiens en clown, épuiser lâne en essayant de le faire galoper comme un cheval de course, faire la lutte en croisant des bâtons comme des épées, et essayer dattraper un serpent dans lespoir de lui prendre sa peau et de la faire sécher, opération qui ratait toujours. Sidi Ahmed un certain jour se rapprocha de mon père et lui fît part de son inquiétude pour lavenir de Rabah-Politique, fils dissipé, insoumis à lautorité paternelle, refusant tout mariage,nacceptant aucun travail suivi et dont il venait de découvrir quil faisait parti depuis plus de 4 ans déjà de la cellule du PPA (Parti Populaire Algérien) de Maison-Carrée, comble de lindignation pour son père qui ressentait la conduite de son fils comme une "honte pour sa famille". Et ce jour-là il venait solliciter "entre hommes dhonneur" un arrangement pour que mon père accepte de prendre son fils à la ferme "pour lui dresser les côtes", "avec toi je suis garanti, tu vas le redresser" assurait-il.... Mon père navait pas pour habitude de redresser les côtes de qui que ce soit, mais il avait une certaine autorité et un caractère déducateur qui en imposaient et finalement je ne sais comment il sy prit pour embaucher Rabah-politique comme second de Mohammed notre premier commis- surveillant en chef des enfants Pons, que nous considérions mes frères et moi comme le KGB au service de mon père, tout en lestimant bien cependant. Au début Rabah-Politique sembla sy mettre , on lui apprit à atteler les chevaux, à les panser et les nourrir et à faire quelques autres petits travaux de culture et ramassage des légumes du potager, ces tâches avaient lair de ne pas trop lui déplaire, mais il avait toujours sur son front un pli buté et têtu, complété par un regard de renard sournois et des mâchoires serrées, ce qui donnait à son visage un air inquiétant. Il lui arrivait de demander parfois un jour de congé, mon père le lui accordait, et alors il repartait, selon son père "faire sa politique" à Maison-Carrée, Mais tous deux pensaient quil fallait amadouer Rabah-Politique et lâcher du lest de temps en temps. -------Quand à Djilleli, ma mère sétait mis dans lidée de lui faire passer quelques jours avec elle dans la semaine, pour le distraire et loccuper avec un programme tout simple : la regarder entretenir sa maison dans le but bien précis de lui apprendre "à tenir une maison comme les français"... celapourra te rendre service plus tard si tu travailles dans un hôtel ou un restaurant, lui expliquait-elle, et cette hypothèse était tout à fait plausible, puisque beaucoup de jeunes kabyles sengageaient sans réticence dans ce genre dactivités. Elle le faisait manger, surveillait sa tenue, lui parlait beaucoup en français (elle ne savait ni le kabyle, ni larabe), .... comme ça tu pourras comprendre les clients etc...elle lui faisait entrevoir ainsi un projet davenir auquel Djilleli semblait adhérer et tout se passait bien de ce côté-là, et pour moi aussi, délivrée du rôle de petit bras droit de ma mère. Je pouvais ainsi me livrer à mes occupations favorites entre 11 et 13 ans, faire ma toilette, me coiffer et lire avec passions mes auteurs favoris, installée dans le grand mimosa des quatre saisons, ou bien encore dans mon salon particulier, un large tronc deucalyptus autour duquel des pousses de 2 mètres de haut environ, enlacées de pervenches et de liserons grimpants, misolaient du commun des mortels. En apparence, malgré son caractère renfermé et très peu communicatif avec les autres travailleurs de la ferme, Rabah-Politique semblait sadapter au travail et vouloir continuer dans la bonne direction. Jusquau jour où son père saperçut que Rabah-Politique sortait en douce la nuit du Douar, surtout la veille de ses jours de congé. Intrigué il donna pour mission à quelques hommes de confiance du Douar, mis dans la confidence, de se camoufler dans les fourrés et les allées de roseaux qui bordaient lallée vicinale du Douar jusquà notre ferme, de surveiller la sortie nocturne du "salopard", selon lui, de le suivre discrètement et de lui faire un rapport circonstancié de ce quil aurait pu observer, sans en aucun cas intervenir auprès de lintéressé. Cette mission parfaitement accomplie, plongea dans la colère, la rage et la honte Sidi Ahmed quand il sut de quoi il sagissait. Il ne régla pas la question de lui-même, il tenait à informer mon père de la conduite de son fils et à lui confier le soin de punir le "coupable". En effet, les veilles de ses jours de congé, Rabah-politique avait pris la liberté et lhabitude de sortir la nuit et pendant cette escapade nocturne, de sintroduire dans le jardin potager de la ferme (plusieurs hectares), pour y cueillir tout à son aise des légumes de saison dont il remplissait un grand sac de jute, quil dissimulait ensuite dans une cachette, en dehors de la maison de son père, pour aller le lendemain les donner ou les revendre à ses comparses politiques de Maison-Carrée. Les chiens de garde de la ferme qui le connaissaient bien navaient jamais donné lalerte. -------Son père furieux vint donc demander à mon père de le dénoncer "à la justice française". Il nen est pas question, répondit mon père, il risque la prison, pour lhonneur de ta famille et par amitié pour toi, je ne ferai pas ça... calme-toi... on va parler et trouver une solution. Ils discutèrent longuement, assis sur un tronc darbre qui se trouvait posé sur le sol près du puits et du grand bassin. Curieuse comme pas une, je faisais mine de regarder les reinettes qui sautaient sur le bord du bassin et de men amuser, tout en essayant de saisir leur conversation. Mais ils parlaient à voix basse et jen fus pour mes frais. Finalement, le père de Rabah-Politique , comme je pus le voir par la suite, le jour même dans la soirée, avait arrêté que le coupable devrait venir publiquement présenter ses excuses et demander son pardon à mon père et en présence de tous les ouvriers de la ferme réunis autour de lui, "pour lui faire honte et quil nose pas récidiver". La ténacitéde Sidi Ahmed dans cette intention finit par recueillir laccord de mon père qui craignait le pire pour Rabah-Politique, sil avait dû être livré à la seule colère de son père. La cérémonie envisagée ritualisait en quelque sorte une punition suffisamment éprouvante, et mon père avait fait promettre à Sidi Ahmed que ce serait suffisant.Si Ahmed repartit chez lui en brandissant sa canne de colère. Une demie heure plus tard, il revenait suivi de Rabah-Politique solidement encadré par deux hommes du Douar qui le tenait solidement, non pas de peur quil senfuisse, celaaurait put être dangereux pour lui, mais pour lhumilier. Arrivé dans la cour où mon père se tenait debout entouré de ses ouvriers, Si Ahmed plia son fils à genoux avec force et lui commanda de demander pardon. Il sexécuta le visage contracté avec un air de colère contenue. Mon père sapprocha et sadressa à lui en lui parlant calmement mais fermement en kabyle, il le releva au bout dun moment et demanda aux assistants de se retirer. Cette scène pénible est restée gravée dans ma mémoire. Le lendemain matin Rabah-Politique reprit son travail à la ferme comme si rien ne sétait passé et personne sous les ordres de mon père ne se serait permis de faire la moindre allusion à ce regrettable incident. Mais au bout de quelques mois Rabah-Politique finit par trouver une situation à Maison Carrée, que lui avait sans doute procurée ses amis politiques du PPA ; il quitta définitivement la ferme et la maison de son père qui le renia en le désavouant. -------Bien des années plus tard, vers la fin de la Guerre dAlgérie en lisant le Journal un matin, jai appris la fin de Rabah-Politique qui sétait engagé dans le FLN et qui venait de tomber dans un combat en Basse-Kabylie, combat qui avait fait aussi des morts du côté de nos militaires. -------Javais
depuis longtemps quitté la ferme pour travailler à Alger
et ensuite suivre mon mari à Michelet, mes parents eux-mêmes
assez avancés en âge(nous étions mes frères
et moi leur dernière couvée) avaient changé de Région
pour vivre près dEl-Biar
et je nai jamais su quel a été le destin de Djilleli
"le petit apprenti de ma mère", notre ancien compagnon
de jeux, dautant que pendant la guerre dAlgérie il
nétait pas prudent pour une jeune femme de parcourir plusieurs
centaines de kilomètres pour aller se renseigner sur place. MEKTOUB
...MEKTOUB... chacun a son destin... mais celanempêche pas
de penser de temps en temps aux jours dautrefois. |