Alger, Algérie
: vos souvenirs
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LE MARIAGE DORGHILLIA ORGHILLIA, une petite fille de 12 ans, ma compagne de jeux à la Ferme des Eucalyptus pendant les vacances, vient mannoncer son prochain mariage avec un Touareg propriétaire de dattiers dans le Sahara, de trente ans son aîné et quelle na jamais vu.Elle voudrait senfuir. Toutes deux nous essayons de trouver le moyen de la faire séchapper à ce triste sort, hélàs nous échouons et ORGHUILLIA toute voilée de bleu partira vers le SAHARA ou le mariage sera célébré.LE MARIAGE DORGHILLIA |
--------Vers les
années 1944 une femme habillée en touareg portant voile bleu,
le visage découvert, très fin à la peau brune, accompagnée
dune petite de dix ans environ, sétait présentée
à la Ferme des Eucalyptus pour demander du travail à mes Parents.
Il était très rare de voir en Algérie du Nord des touaregs,
sinon lorsquils venaient caravane avec leurs chameaux chargés
de dattes du Sahara pour les commercialiser sur les marchés et repartir
en suite avec des produits dalimentation, farines, couscous, etc...
Aussi larrivée dOrghillia et de sa mère était
un événement inhabituel dont je ne connaît pas encore
à ce jour le motif que je ne connaîtrais jamais. Mes parents
ont certainement dû savoir ce quil en était réellement,
mais discrets, ils prenaient leurs décisions sans expliquer aux enfants
le "pourquoi et le comment" lorsque quil sagissait
daffaires qui ne nous concernaient pas.
--------Toujours est-il que la maman dOrghillia fût engagée à la Ferme, installée dans une petite maison qui se trouvait dans un petit bois dEucalyptus, à une trentaine de mètres des bâtiments, en bordure dune allée qui conduisait à la route vicinale qui menait vers le Douar. Mon père lui avait donné pour mission de garder un champ de luzerne de deux ou trois hectares et de lui signaler le passage des troupeaux de mouton qui passaient sur la route vicinale pour rejoindre le Marché de Maison-Carrée et y être vendus. Il était fréquent que leurs bergers sarrêtent au bord de ce champ pour casser la galette et pendant cette pause mon père acceptait quils fassent brouter leurs moutons sur le côté du champ, mais sans lenvahir, et il permettait aussi que les moutons sabreuvent dans le grand fossé darrosage et parfois même, si les troupeaux venaient de loin, quils sabritent pour une nuit sous un grand hangar qui se trouvait bâti à proximité de la cour de la ferme, à droite du bassin de retenue des eaux darrosage (une sorte de petit barrage dans lequel se déversait presque continuellement leau fraîche du puits puisée par une pompe à essence, qui avait remplacée la noria traditionnelle). En principe les bergers surveillaient bien leurs moutons, et ainsi la maman dOrghillia pouvait vaquer tout tranquillement à ses occupations. --------Ma mère lui rendait souvent visite et elles se faisaient entre-elles des petits cadeaux, ma mère lui portait du fil, des aiguilles, des petits objets ménagers etc...et en retour elle recevait quelques makrouts aux dattes ou dautres petites spécialités telle que cornes de gazelle ou encore zalabias. --------Quand à moi, les jeudis et pendant les périodes vacances je mamusais bien volontiers avec Orguillia une ou deux heures par jour, le reste du temps je moccupais à faire mes devoirs, à aller au catéchisme, à lire et à mamuser avec mes frères, mais à ce moment là Orghillia suivant les consignes de sa mère ne participait pas à nos jeux, elle navait pas le droit de samuser avec les garçons. Orguillia était très fine de visage, avec de grands yeux de gazelle, verts noisettes aux reflets dorés, étirés vers les tempes, et depuis quelle était à la ferme, sa mère la coiffait à la mode algérienne de ce temps cest à dire en tirant ses cheveux noirs bleutés sur la nuque pour les former en une longue queue recouverte de ruban qui pendait toute raide presquà sa taille. Je la trouvais très jolie, nous nous amusions à sauter à la corde, à la balle, à la poupée, et peu à peu par geste et en habituant Orghillia à parler français nous arrivions très bien à nous comprendre et un jour Orghillia sexprima tout a fait suffisamment en français pour que nous nous comprenions au mieux. --------Or le temps passait et nous grandissions toutes deux sans trop nous en apercevoir et un jour, alors que je me trouvais tout en haut du mimosa des quatre saisons devant notre maison, installée sur une branche providentielle qui avait une forme adaptée à une position confortable et où je passais de bonnes heures à lire mes livres préférés, jentendis Orghillia mappelant de dessous larbre et me faisant signe de descendre. Jobtempérais immédiatement pensant quelle voulait samuser un moment avec moi. Mais dun air très préoccupée Orghillia mentraîna pour masseoir à ses côtés sur un grand tronc deucalyptus qui se trouvait couché au sol et qui servait de banc tout près du puits. Elle mannonça demblée la nouvelle étonnante : ma mère va me marier et dans quinze jours une caravane du Sahara viendra me chercher et je ne te verrais plus. --------Cette nouvelle
surprenante me sidéra : --------Je me senti
saisir dune surprise extrême. Comment mon père avait-il
pu en écrivant la lettre aider un tel projet, alors quOrghillia
était à peu près du même âge que le mien
? Une sorte dinquiétude sinstalla dans mon cur. --------Jallais
de surprise en surprise : --------Pour moi qui lisait entre deux volumes de Victor Hugo, des histoires à leau de rose écrite par Delly où lon pouvait voir des héroïnes courtisées et ensuite aimées "damour" par des lords ou des princes de qualité, jeunes, beaux et riches, qui les adoraient pour léternité (romans que me passait en douce une des mes camarades de classe et qui me délassaient de la lecture des Misérables de Victor HUGO et autres uvres dauteurs célèbres au programme de la 6ème, tel quHomère), je me sentis toute révoltée et je déclarais avec énergie : --------«Tu ne ne marieras pas avec un vieux, tu dois refuser, tu entends ? refuser, dire non à ta mère et dailleurs moi je vais aller voir mon père et ma mère et je vais leur dire que tu ne partiras pas dici pour aller te marier avec cet homme :tu es trop jeune et tu ne las jamais vu, tu ne te marieras pas je te le garantis !» --------Orghillia effrayée de ma subite intention, me fit comprendre que rien ny ferait et quil valait mieux que je nen parle pas à mes parents car si sa mère lapprenait elle pourrait la punir davoir fait "des histoires". --------Je me calmais peu à peu, cherchant une autre solution, mais soudain Orghillia me dit quelle avait une idée. Elle mexpliqua que si je voulais bien laider, elle se sauverait pour aller travailler comme aide ménagère dans la ville. Orghuilla navait vu la ville que deux fois dans sa vie ; en effet mon père memmenait parfois au grand Marché de Maison-Carrée et par deux fois javais insisté pour quOrghillia vienne avec nous. --------Il suffirait que tu me prête un peu dargent pour prendre le car au Hameau des Eucalyptus. --------Je réfléchis
un moment, javais un peu dargent de poche, le problème
nétait pas là ; je la questionnais --------Je revins au bout dun moment. la maison était grande, ma mère affairée ne mavait vu ni entrer ni sortir ; javais pris le temps de faire une virée dans la cuisine pour prendre un morceau de pain, un ou deux fruits, et de leau dans une bouteille Thermos, pour le voyage dOrghillia. --------Je traversais vivement le jardin et à la suite une sorte de grande place arrondie recouverte de graviers, qui se trouvait entre la maison et le début de lallée, pour rejoindre au plus vite Orghillia, et nous nous engageâmes toutes deux sans réfléchir sur lallée romaine qui menait à la route nationale. Arrivées là, Orghillia me demanda de laccompagner jusquau Hameau des Eucalyptus ou le car sarrêtait et chargeait les voyageurs pour Maison-Carrée. Celà faisait a peu près deux bons kilomètres à parcourir. Je nosais pas refuser pour ne pas la peiner, mais je savais parfaitement que je désobéissait en allant sans être accompagnée par un adulte sur la route nationale. Mes parents nous linterdisaient formellement. Jacceptais la mort dans lâme. --------Nous avions fait à peu près un kilomètre et venions de dépasser lentrée de la ferme de nos voisins, la route nationale comme un large ruban gris allait tout droit devant nous jusqu'au Hameau dans le lointain, quand soudain japerçus à lhorizon fonçant dans notre direction trois motos side-car qui ne tardèrent pas à se trouver à notre hauteur. --------Lune des motos sarrêta, un gendarme en descendit et savança vers nous. Cétait mon oncle qui appartenait à la Brigade de gendarmerie de Maison-Carrée qui se trouvait devant moi ! Je crus que la foudre venait de tomber à mes pieds. --------«Où
vas-tu comme ça ? ou allez-vous toutes les deux toutes seules...
quest-ce que tu fais sur la route ? --------Aussitôt dit, aussitôt fait nous fûmes reconduites "manu militari" en un quart dheure devant la maison. Il ny avait pas à discuter. --------En arrivant, nous trouvâmes ma mère en train dexaminer lhorizon à notre recherche et qui fût toute surprise de nous voir débarquer du side-car de son frère. --------Elles étaient sur la route nationale, se promenant soit-disant comme dhabitude, informa mon oncle. --------Comme dhabitude, jen parlerai à son père, on réglera ça à son retour.Toi Orghillia va chez toi, ta mère doit sinquiéter, je lui en parlerai aussi. --------Je compris que ma mère ne voulait pas régler le problème devant mon oncle, elle linvita à déjeuner, mais il était en mission et regretta de ne pouvoir rester. --------Orghillia sétait enfuie en courant vers sa maison. Cest la dernière fois que je lai vu. En effet sa mère ne la laissa plus sortir dehors, elle était maintenant promise en mariage et nétait plus considérée comme une enfant. Elle devait se plier aux coutumes. --------Quelques semaines après les femmes du douar un beau matin se rassemblèrent chez la mère de la promise. Dans la matinée arriva une caravane de touaregs avec leurs chameaux. Ils ne restèrent pas longtemps à la ferme. En début daprès-midi, je vis sortir de la maison un homme qui tenait dans ses bras une forme entièrement recouverte dun voile bleu. Je devinais que cétait Orghuillia qui partait pour ses noces au Sahara. Lhomme, probablement son oncle, la chargea sur un chameau, et la caravane sébranla accompagnée des youyous stridents des femmes du Douar. Sa mère était du voyage. Je ne les ai jamais revu, ni lune ni lautre, et trois années passèrent, sans aucune nouvelle. Mais un jour le facteur porta une lettre à la ferme, ma mère louvrit. Elle la parcourue rapidement : --------« Orghillia vient de donner naissance à un petit garçon, elle doit avoir seize ans maintenant, cest bien jeune pour avoir un enfant, mais cest ainsi chez eux, ce sont leurs traditions et coutumes, nous ne pouvons pas leur imposer les nôtres et je le regrette bien, ajouta-t-elle.» --------Je navais
rien à dire ni à répondre. Orghillia venait davoir
un bébé ; je commençais moi-même à devenir
une vraie jeune fille, mais je ne mimaginais pas alors que quelques
trois ans plus tard je me marierais moi aussi, mais bien entendu à
la mode de chez nous, cest-à-dire en choisissant moi-même
mon futur époux. |