Pour éviter bien
des discussions...
Il est question d'installer des compteurs de stationnement sur les trottoirs
d'A|ger...
Les contraventions sont
aux automobilistes algérois ce que les puces sont aux chiens,
le phylloxera à la vigne et la grippé à ]'hiver.
Autrement dit, quelque chose de vraiment très affligeant.
La ville souffre de congestion, comme disent les comptes rendus (lorsqu'ils
se veulent imagés) et la valse des " contre-danses "
tourbillonne dans un concert d'imprécations.
Tout mal, dit-on a son remède !
Et s'il parait bien difficile de supprimer les procès, on peut
au moins songer à les organiser. Grâce aux compteurs de
stationnement !
Petit-cousin des horloges enregistreuses et des compteurs de taxi, cet
appareil va (peut-être) devenir familier aux regards algérois.
Il est, en effet, question d'en garnir les trottoirs des artères
les plus fréquentées. Imaginez, au bord du trottoir, une
boite montée sur pied, pourvue d'une manette et d'un cadran.
Vous glissez (obligatoirement) un jeton dans l'appareil, vous manuvrez
la manette, le mouvement se déclenche. Si vous avez droit à
un (petit) quart d'heure de stationnement vous mettrez dans la fente
un petit jeton qui vous coûtera cent sous. Pour une heure, vous
y glisserez vingt francs. A la limite du temps prévu, une éclatante
fiche rouge vient annoncer à tout venant
(mais de préférence aux agents) que vous avez commis l'"
infraction ". Et ce- sera tant pis pour vous...
Finies les discussions (éternelles) entre agents et usagers !
Finis les arrêts d'une heure prolongés - heure par heure
- pendant de longues demi-journées ! Ce qui doit, en principe,
convenir à tout 1e monde : Ni boite à sous, ni boite à
procès, ce compteur ne sera pas non plus une boite à malice.
Inutile d'essayer de finasser avec lui. Il ne tolère aucune fraude.
Si le système est adopté - et nous saurons bientôt
s'il l'est - les appareils pousseront tout au long des trottoirs de
la rue d'Isly jusqu'au parc de Galland. On en garnira aussi les approches
des banques et des établissements publics. Mais comme ces compteurs
content cher (35.000 francs), l'entreprise privée qui sera (peut-être)
chargée de leur installation tentera d'abord une expérience
reduite : 30 à 40 compteurs disposés, par exemple, aux
environs de la grande poste.
Ce système inconnu en Afrique a été tout récemment
introduit en Europe. A Bâle en septembre 1952. Il est, par contre,
très communément employé aux États-Unis.
Il sortit de l'esprit (inventif) d'un journaliste d'Oklahoma : Carl
Magee... qui avait des idées. Ce journaliste soumit son projet
a un professeur de sciences Gerald Hale. Et les deux hommes résolurent
de mettre en commun leurs cogitations afin d'en partager le fruit.
Le fruit était vert. Et acide. Lorsque ces croisés d'un
nouveau genre voulurent faire du prosélytisme du coté
de Mobile (Alabama) les automobilistes furieux se mirent en devoir de
mettre - consciencieusement - en pièces les compteurs à
grands coups de masse. A Carthage (Texas) un shériff atrabilaire
et qui voyait peut-être. en cette institution, une concurrence
déloyale, donna, carabine au poing, la chasse aux ouvriers qui
plaçaient les compteurs.
L'idée pourtant fit son chemin et le système s'imposa.
La plupart des villes américaines l'ont aujourd'hui adopté...
D'autant qu'à l'emploi des compteurs, elles trouvent largement
leur compte. Une part des revenus va en effet à l'entreprise
qui doit assurer l'amortissement de l'installation et son entretien.
L'autre part va à la ville. A Oklahoma, leur berceau. les compteurs
ont, en treize ans, apporté un million de dollars.
Ce qui à Alger, comme ailleurs, force la sympathie. Et peut leur
donner, quelque jour, droit de cité chez nous.