-------------L'Aurès,
massif montagneux le plus élevé de l'Algérie, est
habité par une population de cultivateurs-éleveurs berbérophones,
plus ou moins sédentaires.
-------------La
grande chaîne montagneuse de l'Ahmar Khaddou, orientée d'Est
en Ouest, divise ce pays en deux grandes régions : celle du Nord-ouest
qui est arrosée par trois oueds permanents et celle du Sud-est
au climat saharien et aux oueds temporaires.
-------------Le
limon et l'eau des vallées de la région Nord-ouest ont permis
aux indigènes de développer l'arboriculture et le jardinage
qui ont fixé les gens au sol et les ont groupés en villages.
Les maisons sont à plan rectangulaire avec un toit en terrasse.
Elles s'étagent les unes au dessus des autres. Très souvent,
au sommet du village, se trouve un grenier collectif, véritable
citadelle. Seuls les Ouled Abdi, qui sont sédentaires, n'ont point
de greniers collectifs ; leurs villages sont parmi les plus importants
de l'Aurès et peuvent compter jusqu'à près de deux
mille âmes. Les tribus du Sud-est n'ont pas de petits hameaux, la
plupart de leurs habitations sont isolées les unes des autres.
La tente en laine et poils de chèvre est un habitat temporaire
utilisé pendant de courts moments afin de se rapprocher des pâturages,
ou à l'occasion des fêtes données pour les mariages
ou pour les circonstances. Quelques familles pauvres ou des bergers s'abritent
pendant les beaux jours dans des grottes naturelles.
-------------Ainsi
le village d'Amentane, l'un des plus importants de l'Aurès, est
construit sur un promontoire dominant un méandre de l'oued Abdi.
Un ponceau traverse l'oued et mène à l'entrée du
village. Des marches conduisent à la rue principale qui aboutit
aux aires à battre, dominées par la mosquée. Mais
prenons une ruelle couverte, très sombre et entrons dans une des
maisons. Je pousse la porte en bois d'abricotier, la serrure à
goupilles n'est fermée que la nuit. Par une pente douce j'arrive
dans la cour centrale, pleine de fumier. La mule est attachée près
de sa caisse de paille ; les poules cherchent leur nourriture dans le
crottin.
-------------Sur
cette cour donnent quatre étables où la nuit les chèvres
sont â l'abri ; au dessus des portes, comme pour toutes les autres,
une formule coranique empêche le malheur d'entrer dans la pièce.
Les murs sont en pierres taillées à la masse et assemblées
par de la terre argileuse et chaînés au moyen de chevrons
en cèdre. Le pilier qui soutient le plafond est un simple tronc
de genévrier écorcé que les bêtes ont poli
et patiné. Ce pilier, par l'intermédiaire d'un sabot et
de trois ou quatre poutres, supporte des branches de même bois non
écorcées. L'une de ces étables est occupée
par une vache de petite taille qui rumine son fourrage. Une chienne hargneuse,
à longs poils feu, fait des bons désordonnés dans
la cour pour m'atteindre tandis que je monte l'escalier de pierres aux
marches boueuses et mal ajustées. Il aboutit au premier étage
de la maison qui sert d'habitation aux membres composant cette famille.
------------Leur
chef, sa femme et ses enfants, la veuve de son frère, les deux
fils mariés et leurs enfants forment trois groupes familiaux ayant
chacun leur foyer.
-------------Ce
premier étage est entièrement construit en briques de terre
et paille hachée, séchées au soleil. Des trous de
lumière triangulaires, disposés en ligne au ras du plafond
ont été réservées au moment de la construction
des murs Le foyer est circulaire, il est maçonné en terre
argileuse dans un angle de la pièce au sol en terre battue. Trois
briques crues servent de trépied. Des écuelles et des pots
en terre cuite sont suspendue aux murs à l'aide de crochets en
bois. Un simple châssis de bois recouvert d'une natte en alfa et
d'une couverture de laine tissée par la veuve, lui sert de lit,
tandis que les autres dorment à même le sol sur des nattes.
Dans un angle de la pièce une outre pleine d'eau pendue à
un trépied formé d'un assemblage de trois branches de genévrier
sert de réservoir pour la cuisine et les ablutions. Sur un portique
quelques outres de farine sont rangées. Un enfant dort dans une
corbeille d'alfa accrochée aux poutres ; une branche de laurier
rose est glissée dans le plafond au-dessus du berceau pour éloigner
les mouvais esprits. Face à la porte, afin de jouir du peu de lumière
qui entre dans la pièce, la veuve a dressé son métier
à tisser. Le moulin à bras, dont la meule inférieure
est fixée au sol, voisine avec le mortier et le pilon de chêne
vert qui servent à écraser les épices.
-------------Une
galerie extérieure en terre battue permet d'accéder à
la réserve à provisions, dont la clé est gardée
par le chef de famille. Ce local diffère des autres par les nombreux
trous d'aération qui perforent tous ses murs.
-------------De
la galerie extérieure, un tronc de palmier entaillé conduit
à la terrasse en terre battue, où une pente légère
dirige l'eau de pluie vers des gargouilles en bois d'abricotier ; un trou
permet à la fumée du foyer de
s'échapper. C'est sur la terrasse que les femmes filent, qu'elles
étalent les dattes ou les abricots pour les faire sécher,
qu'elles déposent leurs, provisions de bois ; c'est là aussi
que par les nuits très chaudes la famille
essaie de dormir.
Thérèse RIVIERE.
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