---------Allant
du Maroc à la frontière égyptienne, de la Méditerranée
à la boucle du Niger - l'Algérie au cur de ce domaine,
- les Berbères vivent dans des régions bien différentes
les unes des autres. Aussi, même si l'histoire n'intervenait pas,
la géographie suffirait à nous faire comprendre la coexistence,
de nos jours encore, chez ces Berbères, de types d'habitation infiniment
variés.
---------Le
nomade vit sous la tente et nous connaissons bien ces tentes du nord,
celles qu'habitent les transhumants du Moyen-Atlas marocain ou les semi-nomades
de l'Aurès algérien. Quelle qu'en soit localement la couleur,
la disposition des supports ou encore, simple indice de richesse, la taille,
elles sont toujours faites de longues bandes d'étoffe cousues côte
à côte et tissées avec
de la laine, mêlée aussi de poils et parfois d'éléments
végétaux.
---------Mais
toutes les tentes berbères ne sont point ainsi faites. Dans l'extrême
Sud, les nobles touareg n'ont point de laine ; les femmes ne savent pas
tisser ; ils vivent cependant eux aussi sous la tente, mais sous des tentes
faites de peaux - 0, 60, 100 peaux, nous dit le Père de Foucauld
- cousues ensemble et posées très bas, sur treize piquets,
l'un au centre, douze, groupés par trois, sur les côtés.
---------La
tente est-elle bien le seul mode d'habitation des berbères nomades
? Il en est un autre que j'ai rencontré chez les touareg du Sud,
le long du Niger en particulier, que M. Le Coeur a retrouvé chez
les Tedda du Tibesti et qu'il a étudié récemment
dans un article fort intéressant d'Hespéris. Ce sont des
sortes de cases faites de nattes sur arceaux, demeures rapidement démontables
et transportables. Nous voici loin de l'Algérie, mais si l'hypothèse
fort séduisante de M. Le Coeur est exacte, ce serait là,
de nos jours, les témoins excentriques des fameux mapalia dont
les auteurs latins nous ont parlé et sur lesquels s'est exercée
la sagacité de Gsell.
---------Voilà
pour les demeures mobiles. Variété encore pour les demeures
fixes. A El Goléa l'on voit, sur le piton isolé qui domine
la palmeraie, les ruines d'un village fortifié, admirablement situé
à cet égard. Qui pénètre dans ces ruines s'aperçoit
que les maisons y étaient mi-souterraines, mi à l'air libre.
Suivant une formule d'Henri Basset étudiant les troglodytes de
Taza, c'est une maison sortie de la grotte. Mêmes ruines à
Metmata, dans le Sud tunisien. Mais mieux encore, aujourd'hui même,
non loin de là, à Chenini, à Douiret, existent des
villages bien vivants, entièrement faits de grottes étagées.
Des constructions, voûtées, il y en a bien, au-dessus du
sol, au-dessus des grottes ; ce sont les ghorfa : elles ne sont pas pour
tous les gens, mais pour les provisions.
---------Au
demeurant, que sont devenus les habitants de Metmata après avoir
abandonné leurs demeures semi-troglodytiques ? Ont-ils bâti
des maisons qui fussent tout entières au-dessus du sol ? Point
du tout ; ils ont fait le contraire ; ils se sont entièrement enfoncés
dans le sol : un puits assez large encore et profond, c'est la cour, avec,
dans un coin, en niche, le foyer ; tout autour de cette cour, trois, quatre
pièces voûtées : chambres d'habitation ou magasins
; parfois même un premier étage - ou un premier sous-sol
- entre le sol et le fond de cette cour ; on descend par une rampe où
est ménagée l'écurie, pour le chameau et le bourricot.
C'est là un type d'habitation non pas en voie de régression,
mais en voie d'extension, jusqu'au Djebel Nefousa, paraît-il, dans
un pays sec et déjà saharien.
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---------Parmi les
maisons tout entières au-dessus du sol, il y a la maison kabyle.
Elle est bien connue avec son toit à double pente, couverte de
ces mêmes tuiles creuses que la maison de Constantine ou de Chechaouen
et surtout, fait indéniable de rapport, indirect ou direct, de
civilisation dans le passé, que la maison provençale. C'est
encore une " maison élémentaire ". On y distingue
bien trois pièces une salle, une étable, une soupente, niais
ces trois pièces ne sont pas encore séparées l'une
de l'autre par de pleines cloisons ; on y distingue bien deux étages,
puisque la soupente est au-dessus de l'étable, mais c'est encore
un étage sans escalier. Bref, bêtes, gens, provisions, tout
cela est encore réuni sous un toit exigu, resserré entre
des murs sans fenêtres et percés d'une seule porte
---------La
maison berbère peut être couverte d'une terrasse : terrasse
à double pente ou terrasse plate. La première se rencontre
entre Cherchel et Ténès, mais surtout dans le Djurdjura
dont la maison à terrasse est si proche de la maison à toit
de tuile. La seconde est de beaucoup la plus fréquente : c'est
celle du Rif ou du pays Chleuh au Maroc, c'est celle, en Algérie,
de l'Aurès, du Mzab, des ksours oranais, voire de Djanet. On ne
saurait naturellement réunir dans une même description tant
de maisons si dispersées. Tout peut varier ; non seulement les
matériaux employés, terre ou pierres avec chaînage
de bois, mais encore la disposition : les pièces sont, ou non,
groupées autour d'une cour ; il y a un, deux, trois étages
même, avec galerie d'ensoleillement, ou point ; ce sont maisons
sans défense individuelle, destinées à un seul foyer,
ou grandes demeures fortifiées, à tour de guet, où
s'entas-sent plusieurs ménages à moins qu'il n'y règne
un maître : la fameuse tighremt marocaine.
---------Nous
ne saurions terminer cette revue rapide de l'habitation berbère,
sans rappeler le gourbi si répandu en Petite Kabylie ou sur le
plateau constantinois. Demeure de sédentaire en matériaux
légers, c'est bien le type le plus misérable de logis. Mais
ici encore il est des degrés : certains, copiant de façon
indéniable la maison à toit de tuile ou la maison à
terrasse, s'en distinguent parfois si difficilement qu'il n'est pas toujours
aisé de trouver quand commence la maison et quand finit le gourbi.
André BASSET.
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