Urbanisme, architecture à Alger, en Algérie
L'habitation berbère
Algeria et l'Afrique du nord illustrée, revue mensuelle, noel 1938, n°68 .Édition de l'Office Algérien d'Action Économique et Touristique (OFALAC), 26 bd Carnot ou 40-42, rue d'Isly, Alger

 

mise sur site le 8 -11-2005 ...+ sept. 2013

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---------Allant du Maroc à la frontière égyptienne, de la Méditerranée à la boucle du Niger - l'Algérie au cœur de ce domaine, - les Berbères vivent dans des régions bien différentes les unes des autres. Aussi, même si l'histoire n'intervenait pas, la géographie suffirait à nous faire comprendre la coexistence, de nos jours encore, chez ces Berbères, de types d'habitation infiniment variés.
---------Le nomade vit sous la tente et nous connaissons bien ces tentes du nord, celles qu'habitent les transhumants du Moyen-Atlas marocain ou les semi-nomades de l'Aurès algérien. Quelle qu'en soit localement la couleur, la disposition des supports ou encore, simple indice de richesse, la taille, elles sont toujours faites de longues bandes d'étoffe cousues côte à côte et tissées avec
de la laine, mêlée aussi de poils et parfois d'éléments végétaux.
---------Mais toutes les tentes berbères ne sont point ainsi faites. Dans l'extrême Sud, les nobles touareg n'ont point de laine ; les femmes ne savent pas tisser ; ils vivent cependant eux aussi sous la tente, mais sous des tentes faites de peaux - 0, 60, 100 peaux, nous dit le Père de Foucauld - cousues ensemble et posées très bas, sur treize piquets, l'un au centre, douze, groupés par trois, sur les côtés.
---------La tente est-elle bien le seul mode d'habitation des berbères nomades ? Il en est un autre que j'ai rencontré chez les touareg du Sud, le long du Niger en particulier, que M. Le Coeur a retrouvé chez les Tedda du Tibesti et qu'il a étudié récemment dans un article fort intéressant d'Hespéris. Ce sont des sortes de cases faites de nattes sur arceaux, demeures rapidement démontables et transportables. Nous voici loin de l'Algérie, mais si l'hypothèse fort séduisante de M. Le Coeur est exacte, ce serait là, de nos jours, les témoins excentriques des fameux mapalia dont les auteurs latins nous ont parlé et sur lesquels s'est exercée la sagacité de Gsell.
---------Voilà pour les demeures mobiles. Variété encore pour les demeures fixes. A El Goléa l'on voit, sur le piton isolé qui domine la palmeraie, les ruines d'un village fortifié, admirablement situé à cet égard. Qui pénètre dans ces ruines s'aperçoit que les maisons y étaient mi-souterraines, mi à l'air libre. Suivant une formule d'Henri Basset étudiant les troglodytes de Taza, c'est une maison sortie de la grotte. Mêmes ruines à Metmata, dans le Sud tunisien. Mais mieux encore, aujourd'hui même, non loin de là, à Chenini, à Douiret, existent des villages bien vivants, entièrement faits de grottes étagées. Des constructions, voûtées, il y en a bien, au-dessus du sol, au-dessus des grottes ; ce sont les ghorfa : elles ne sont pas pour tous les gens, mais pour les provisions.
---------Au demeurant, que sont devenus les habitants de Metmata après avoir abandonné leurs demeures semi-troglodytiques ? Ont-ils bâti des maisons qui fussent tout entières au-dessus du sol ? Point du tout ; ils ont fait le contraire ; ils se sont entièrement enfoncés dans le sol : un puits assez large encore et profond, c'est la cour, avec, dans un coin, en niche, le foyer ; tout autour de cette cour, trois, quatre pièces voûtées : chambres d'habitation ou magasins ; parfois même un premier étage - ou un premier sous-sol - entre le sol et le fond de cette cour ; on descend par une rampe où est ménagée l'écurie, pour le chameau et le bourricot. C'est là un type d'habitation non pas en voie de régression, mais en voie d'extension, jusqu'au Djebel Nefousa, paraît-il, dans un pays sec et déjà saharien.

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---------Parmi les maisons tout entières au-dessus du sol, il y a la maison kabyle. Elle est bien connue avec son toit à double pente, couverte de ces mêmes tuiles creuses que la maison de Constantine ou de Chechaouen et surtout, fait indéniable de rapport, indirect ou direct, de civilisation dans le passé, que la maison provençale. C'est encore une " maison élémentaire ". On y distingue bien trois pièces une salle, une étable, une soupente, niais ces trois pièces ne sont pas encore séparées l'une de l'autre par de pleines cloisons ; on y distingue bien deux étages, puisque la soupente est au-dessus de l'étable, mais c'est encore un étage sans escalier. Bref, bêtes, gens, provisions, tout cela est encore réuni sous un toit exigu, resserré entre des murs sans fenêtres et percés d'une seule porte

---------La maison berbère peut être couverte d'une terrasse : terrasse à double pente ou terrasse plate. La première se rencontre entre Cherchel et Ténès, mais surtout dans le Djurdjura dont la maison à terrasse est si proche de la maison à toit de tuile. La seconde est de beaucoup la plus fréquente : c'est celle du Rif ou du pays Chleuh au Maroc, c'est celle, en Algérie, de l'Aurès, du Mzab, des ksours oranais, voire de Djanet. On ne saurait naturellement réunir dans une même description tant de maisons si dispersées. Tout peut varier ; non seulement les matériaux employés, terre ou pierres avec chaînage de bois, mais encore la disposition : les pièces sont, ou non, groupées autour d'une cour ; il y a un, deux, trois étages même, avec galerie d'ensoleillement, ou point ; ce sont maisons sans défense individuelle, destinées à un seul foyer, ou grandes demeures fortifiées, à tour de guet, où s'entas-sent plusieurs ménages à moins qu'il n'y règne un maître : la fameuse tighremt marocaine.
---------Nous ne saurions terminer cette revue rapide de l'habitation berbère, sans rappeler le gourbi si répandu en Petite Kabylie ou sur le plateau constantinois. Demeure de sédentaire en matériaux légers, c'est bien le type le plus misérable de logis. Mais ici encore il est des degrés : certains, copiant de façon indéniable la maison à toit de tuile ou la maison à terrasse, s'en distinguent parfois si difficilement qu'il n'est pas toujours aisé de trouver quand commence la maison et quand finit le gourbi.

André BASSET.