Alger, le théâtre des Trois Baudets
Une grande première algérienne à l’Opéra
“La clémence du Pacha”
Divertissement de Gabriel AUDISIO
Musique de Léo BARTES
avec les compagnies d’art dramatique du C.R.A.D.

Une grande première algérienne à l’Opéra
“La clémence du Pacha”
Divertissement de Gabriel AUDISIO
Musique de Léo BARTES
avec les compagnies d’art dramatique du C.R.A.D.

Mlle Geneviève Baïlac, en devenant l’animatrice du C.R.A.D., n’avait cessé de penser à ce projet dont nous voyons aujourd’hui le premier accomplissement : celui de créer un théâtre d’essence algérienne où se confondraient ses troupes d’expression française et arabe. Nos frères musulmans sont mimes et comédiens-nés.

Ne leur manquaient que des éducateurs et un répertoire. M. Mahieddine fut, pour sa part, un de ceux-là en ce qui concerne un théâtre de langue arabe qui, depuis quelques années, en édifie le fonds par des adaptations, traductions et créations.

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La clémence du Pacha de Gabriel Audisio ( livret de spectacle)

Auteurs : Centre régional d'Art dramatique d'Algérie

Editeur : Heintz

Cote : 792 CEN-b

Descripteurs : Art ; Spectacle ; Audisio, Gabriel

Niveau d'autorisation : Public

Langue : Français

Lieu d'édition : Alger ; Oran

Description matérielle : - n.p. : ill. + 2 pages de dessins détachables.

Echo du14-4-1953 - Transmis par Francis Rambert
déc.2023


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Alger, le théâtre des Trois Baudets
Alger, le théâtre des Trois Baudets

Une grande première algérienne à l’Opéra
“La clémence du Pacha”
Divertissement de Gabriel AUDISIO
Musique de Léo BARTES
avec les compagnies d’art dramatique du C.R.A.D.

Mlle Geneviève Baïlac, en devenant l’animatrice du C.R.A.D., n’avait cessé de penser à ce projet dont nous voyons aujourd’hui le premier accomplissement : celui de créer un théâtre d’essence algérienne où se confondraient ses troupes d’expression française et arabe. Nos frères musulmans sont mimes et comédiens-nés.

Ne leur manquaient que des éducateurs et un répertoire. M. Mahieddine fut, pour sa part, un de ceux-là en ce qui concerne un théâtre de langue arabe qui, depuis quelques années, en édifie le fonds par des adaptations, traductions et créations.

Déjà, nous avions vu par les jeunes acteurs arabes du C.R.A.D. la « Farce du pâté et de la tarte » transposée sous notre climat dans un dialecte cocasse fait d’onomatopées tirées de l’argot méditerranéen. Son succès en France et à l’étranger avait prouvé que le jeu des comédiens suffisait à l’expression de la pièce malgré la langue incompréhensible. On aurait pu, à leur sujet, rééditer le jugement de l’historien Charles Sorel sur les comédiens italiens au dix-septième siècle : « Pour ce qu’ils sont fort gestueux et qu’ils représentent beaucoup de choses par l’action, ceux mêmes qui n’entendent pas leur langage comprennent un peu le sujet de la pièce ; tellement que c’est la raison pour quoi il y en a beaucoup à Paris qui y prennent plaisir. »

En demandant à Gabriel Audisio de réaliser cette synthèse recherchée par le C.R.A.D., c’était faire appel au plus méditerranéen de nos littérateurs nord-africains. Comme au début du dix-septième siècle, l’auteur de « Jeunesse de la Méditerranée », d’ « Ulysse », prit son modèle de tragi-comédie
en Espagne. L’argument s’inspire de deux comédies écrites par Cervantès après sa captivité à Alger : « El Trato de Argel » et « Los Banos de Argel ». qui ne serviront que de prétextes. Pour le tour à lui donner un autre modèle - celui-là italien - s’imposait : celui, lointain, des « atellanes ». Nous savons qu’elles étaient des comédies et des farces populaires, des parodies ou des satires politiques.

Les personnages, quelle que fût l’intrigue, gardaient le même caractère, accentué encore par le masque, ce masque qui ne quittera guère le visage des principaux comédiens italiens qu’à la fin du dix-huitième siècle. C’est à cette école que se sont formés les personnages de la Commedia dell’ Arte, héritiers de la tradition et des personnages de la comédie antique, mais marqués des verrues, gestes, intonations, parlers, costumes, non pas de tels hommes d’une ville morte, mais de Venise, de Bergame.

Voilà l’esprit des deux péninsules fondu dans le creuset de cette terre d’Algérie qui, déjà, le contient, en y ajoutant celui de l’Orient malaxé au contact des siècles

La « Clémence du Pacha » est un divertissement dont l’action se situe dans une El-Djezaïr barbaresque. L’ensemble ressortit de l’imagerie populaire. L’intrigue sentimentale, très simple, est entrecoupée de scènes de la rue fort pittoresques qu’animent des personnages typiques et, surtout, pour la couleur et le mouvement, la troupe arabe du C.R.A.D. On jargonne sans retenue avec la truculence et la verdeur inévitables.

L’action commune où Gabriel Audisio a réussi à mêler ce cosmopolitisme méditerranéen qui est le nôtre, ira se dénouer devant le Pacha dont la juridiction pleine de clémence fait appel à une justice teintée de philosophie et de poésie.

En toute création originale, il faut une part de désinvolture. Mlle Geneviève Baïlac, qui assume la responsabilité de la mise en scène, des décors et des costumes, n’en aura pas manqué. Je crains seulement que son décor, ingénieux par son amovibilité, ne représente pas à Paris, où la pièce doit se jouer, l’Alger de l’époque et dont certains vestiges nous restent. Nous-mêmes, le situons-nous approximativement en fonction de ce que nous connaissons. Il y a dans le programme, réalisé par Sauveur Galliéro etquelques peintres algériens, un hors-texte de Piazza pouvant servir d'exemple. Il y avait surtout les documents dont on pouvait s’inspirer, car dans une œuvre de cette nature, avec la portée qu’il convient de lui donner, tout est dans sa présentation et son interprétation.

Tous les comédiens du C.R.A.D. se sont donnés à leur nouvelle tâche avec une belle flamme. Certains même ont fait preuve d’un étincelant brio : Marc Renaudin (le Napolitain), Jean Sivry
(Ali-Raïs), Geneviève Baïlac (Yamina), André Valès (le Marseillais Papasse), Jean-Pierre Brodier (le Lion).

Les autres rôles importants incombaient à Fernand Scania ( Youssouf ), Michel Terrier (Aurélien), François Girard (Mardochée), Ali Chaouli (le Pacha). Mmes Maria Férès et Alice Ridel représentaient la rivalité et la séduction féminines dans les personnage de Zahra l’Algérienne et de Sylvie l’Espagnole. Elles y ajoutèrent le charme de leurs jolies voix. Avec ces acteurs, la foule de yaouleds , badauds, danseurs, marchands, notables, Juifs, Janissaires, etc., réunit cinquante-trois personnes provenant aussi des troupes du C.R.A.D.,Ferkat el Fen Ettemthili et t El Fen ou el Djamal.

Il y a, à ce spectacle d’importance, un adjuvant de qualité: c’est la musique de M. Léo Bartès. Elle est aussi un message d’union dans cette fusion de thèmes populaires méditerranéens que l’érudit musicien a accordés par l’harmonie occidentale. Elle ne sent point le pastiche et sonne, agréablement rythmée, avec un pouvoir évocateur certain. Son exécution était assurée par l’orchestre municipal conduit par M. Jef de Murel. On applaudit aussi au solo du guitariste dans
les coulisses, M. José Martinez.

Le succès, à la première, est venu récompenser d’aussi méritoires efforts et les auteurs, sur scène, comme les organisateurs, ont reçu d’un nombreux public un hommage chaleureux qui impliquait bien une approbation.