sur site le 22-04-2003
- Les chemins de fer à voie métrique d'Algérie
CHAPITRE II
LES CHEMINS DE FER À VOIE DE 1,055 M
- a) L'origine de la voie de 1.055 m
Article paru dans la revue bimestrielle de la F.A.C.S, UNECTO : "Chemins de fer régionaux et urbains, n°286, 2001/4"
Auteur : Olivier Fourniol

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CHAPITRE II
LES CHEMINS DE FER À VOIE DE 1,055 M

-a) L'origine de la voie de 1.055 m

-----Pour bien comprendre ce qui va suivre, un assez long détour est nécessaire.

-----Sous le Second Empire, le PO était propriétaire en régie des usines d'Aubin, dans le bassin de Decazeville, et était concessionnaire d'une mine de fer à Mondalazac, dans l'Aveyron, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Rodez. Pour faciliter le transport du minerai de la mine à l'usine, le PO construisit en 1861 une très courte ligne de 7 km, allant de Mondalazac à Sallesla-Source, avant-dernière gare précédant Rodez sur la ligne venant de Capdenac. Cette petite ligne était à l'écartement de 1,100 m pour une raison restée inconnue.
-----Tout au plus peut-on supposer qu'il s'agissait de l'adaptation aux normes françaises du fameux écartement anglais de 3 pieds 6 pouces, car 1,067 m (exactement 1,0668) est plus près de 1,10 m que de 1 mètre !
-----Après un début d'exploitation par chevaux, le PO commanda en 1863 aux Etablissements Gouin deux locomotives du type 020T qui entrèrent en service en 1864. Ce fut un grand succès, dont le retentissement dépassa largement l'Aveyron. La ligne resta minière, bien qu'il ait été un moment envisagé de l'ouvrir au transport de voyageurs en portant son écartement à 1,200 m. Non seulement ce projet ne fut jamais réalisé, mais en 1882 le PO se déchargea de ses intérêts, tant à Aubin qu'à Mondalazac, et la ligne fut alors définitivement fermée.
-----Or, à partir de 1860, tout le monde en France se préoccupe de compléter le réseau ferré national par des lignes secondaires qui seront dites successivement économiques puis vicinales.
-----Mais les avis des experts divergent. Pour beaucoup, il faut suivre l'exemple de la compagnie de l'Est qui a créé en Alsace un certain nombre de lignes secondaires à voie normale, lignes qui lui donnent toute satisfaction. En revanche, pour d'autres, s'appuyant sur l'expérience du PO à Mondalazac, c'est la voie métrique qu'il faut retenir. La loi du 12 juillet 1865 tranche en faveur des premiers, puisqu'elle impose la voie normale. Malgré les réductions de coût en faveur de la voie métrique, ce sont les problèmes de transbordement de la voie métrique à la voie normale qui ont fait pencher la balance. Après la guerre de 1870, un changement d'esprit va se faire progressivement et, à partirde 1875, les réalisations de lignes à voie métrique, donc à voie de 1 mètre vont se multiplier en France métropolitaine.
-----Revenons à l'Algérie de 1874. Nous avons vu que la première concession par l'Etat d'une ligne d'intérêt général est octroyée à la Compagnie Franco Algérienne pour une ligne de 175 km d'Arzew à Saïda. Or, cette concession est accompagnée d'un privilège d'exploitation de 300 000 hectares d'alfa dans la région des hauts plateaux entourant Saïda. Il s'agit alors d'assurer le transport de cet alfa jusqu'au port le plus proche qui est bien Arzew. L'Etat estime que, par suite du trafic prévu, la voie métrique s'impose, et ce d'autant plus qu'il n'y aura pas de problèmes de transbordement.

  -----Or, à cette époque là, le seul exemple valable est bien celui de la ligne PO de Mondalazac à Salles-la-Source. L'écartement de 1,10 m est donc retenu en conséquence.
-----Mais le "technocrate" chargé de rédiger le cahier des charges correspondant était manifestement peu au fait des problèmes ferroviaires. En effet, au lieu de fixer 1,100 m comme distance entre les faces internes des deux rails, ce qui a toujours été la règle imposée par le bon sens, il fixe 1,100 m comme distance entre les axes des deux files de rail ! Par suite, l'écartement au sens traditionnel se trouve réduit à 1,055 m. Telle est donc l'origine de ce fameux écartement qui avait si longtemps intrigué les historiens ferroviaires.

-----Rappelons qu'avant que l'explication ci-dessus ne voie le jour (transcription erronée d'un écartement de 1,100 m), les hypothèses les plus diverses, voire les plus farfelues, ont été émises. La plus répandue était une référence aux 3 pieds 6 pouces anglais (voir ci-dessus), mais les lignes africaines à cet écartement se trouvaient beaucoup plus au sud, à des milliers de kilomètres de l'Algérie. Si néanmoins on avait essayé le passage d'un matériel donné d'un écartement à un autre, la différence entre 1,067 m et 1,055 m aurait été suffisante pour provoquer immédiatement un déraillement. Et pourtant, cette bévue d'un technocrate incompétent va être à l'origine d'un nombre très important de lignes construites à cet écartement de 1,055 m en Algérie, dans les départements d'Oran puis d' Alger et leurs territoires du sud adjacents.

-----Toutefois, le département de Constantine l'ignorera en restant fidèle à la voie d'un mètre d'Ain-Mokra. C'est ainsi que, comme nous allons le voir, le réseau algérien à voie de 1,055 m atteindra une longueur supérieure à 2 200 km, soit nettement plus que celui à voie normale construit à la même époque, celui à voie d'un mètre étant environ la moitié avec 1 100 km.