CHAPITRE II
LES CHEMINS DE FER À VOIE DE 1,055 M
-a) L'origine de la voie de 1.055 m
-----Pour bien comprendre ce qui va suivre,
un assez long détour est nécessaire.
-----Sous le Second Empire, le PO était
propriétaire en régie des usines d'Aubin, dans le bassin
de Decazeville, et était concessionnaire d'une mine de fer à
Mondalazac, dans l'Aveyron, à une quinzaine de kilomètres
au nord-ouest de Rodez. Pour faciliter le transport du minerai de la mine
à l'usine, le PO construisit en 1861 une très courte ligne
de 7 km, allant de Mondalazac à Sallesla-Source, avant-dernière
gare précédant Rodez sur la ligne venant de Capdenac. Cette
petite ligne était à l'écartement de 1,100 m pour
une raison restée inconnue.
-----Tout au plus peut-on supposer qu'il
s'agissait de l'adaptation aux normes françaises du fameux écartement
anglais de 3 pieds 6 pouces, car 1,067 m (exactement 1,0668) est plus
près de 1,10 m que de 1 mètre !
-----Après un début d'exploitation
par chevaux, le PO commanda en 1863 aux Etablissements Gouin deux locomotives
du type 020T qui entrèrent en service en 1864. Ce fut un grand
succès, dont le retentissement dépassa largement l'Aveyron.
La ligne resta minière, bien qu'il ait été un moment
envisagé de l'ouvrir au transport de voyageurs en portant son écartement
à 1,200 m. Non seulement ce projet ne fut jamais réalisé,
mais en 1882 le PO se déchargea de ses intérêts, tant
à Aubin qu'à Mondalazac, et la ligne fut alors définitivement
fermée.
-----Or, à partir de 1860, tout le
monde en France se préoccupe de compléter le réseau
ferré national par des lignes secondaires qui seront dites successivement
économiques puis vicinales.
-----Mais les avis des experts divergent.
Pour beaucoup, il faut suivre l'exemple de la compagnie de l'Est qui a
créé en Alsace un certain nombre de lignes secondaires à
voie normale, lignes qui lui donnent toute satisfaction. En revanche,
pour d'autres, s'appuyant sur l'expérience du PO à Mondalazac,
c'est la voie métrique qu'il faut retenir. La loi du 12 juillet
1865 tranche en faveur des premiers, puisqu'elle impose la voie normale.
Malgré les réductions de coût en faveur de la voie
métrique, ce sont les problèmes de transbordement de la
voie métrique à la voie normale qui ont fait pencher la
balance. Après la guerre de 1870, un changement d'esprit va se
faire progressivement et, à partirde 1875, les réalisations
de lignes à voie métrique, donc à voie de 1 mètre
vont se multiplier en France métropolitaine.
-----Revenons à l'Algérie de
1874. Nous avons vu que la première concession par l'Etat d'une
ligne d'intérêt général est octroyée
à la Compagnie Franco Algérienne pour une ligne de 175 km
d'Arzew à Saïda. Or, cette concession est accompagnée
d'un privilège d'exploitation de 300 000 hectares d'alfa dans la
région des hauts plateaux entourant Saïda. Il s'agit alors
d'assurer le transport de cet alfa jusqu'au port le plus proche qui est
bien Arzew. L'Etat estime que, par suite du trafic prévu, la voie
métrique s'impose, et ce d'autant plus qu'il n'y aura pas de problèmes
de transbordement.
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-----Or,
à cette époque là, le seul exemple valable est bien
celui de la ligne PO de Mondalazac à Salles-la-Source. L'écartement
de 1,10 m est donc retenu en conséquence.
-----Mais le "technocrate" chargé
de rédiger le cahier des charges correspondant était manifestement
peu au fait des problèmes ferroviaires. En effet, au lieu de fixer
1,100 m comme distance entre les faces internes des deux rails, ce qui a
toujours été la règle imposée par le bon sens,
il fixe 1,100 m comme distance entre les axes des deux files de rail ! Par
suite, l'écartement au sens traditionnel se trouve réduit
à 1,055 m. Telle est donc l'origine de ce fameux écartement
qui avait si longtemps intrigué les historiens ferroviaires.
-----Rappelons qu'avant que l'explication ci-dessus
ne voie le jour (transcription erronée d'un écartement de
1,100 m), les hypothèses les plus diverses, voire les plus farfelues,
ont été émises. La plus répandue était
une référence aux 3 pieds 6 pouces anglais (voir ci-dessus),
mais les lignes africaines à cet écartement se trouvaient
beaucoup plus au sud, à des milliers de kilomètres de l'Algérie.
Si néanmoins on avait essayé le passage d'un matériel
donné d'un écartement à un autre, la différence
entre 1,067 m et 1,055 m aurait été suffisante pour provoquer
immédiatement un déraillement. Et pourtant, cette bévue
d'un technocrate incompétent va être à l'origine d'un
nombre très important de lignes construites à cet écartement
de 1,055 m en Algérie, dans les départements d'Oran puis d'
Alger et leurs territoires du sud adjacents.
-----Toutefois, le département de Constantine
l'ignorera en restant fidèle à la voie d'un mètre d'Ain-Mokra.
C'est ainsi que, comme nous allons le voir, le réseau algérien
à voie de 1,055 m atteindra une longueur supérieure à
2 200 km, soit nettement plus que celui à voie normale construit
à la même époque, celui à voie d'un mètre
étant environ la moitié avec 1 100 km.
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