sur site le 17/02//2002
-les chemins de fer en Algérie
pnha n°47 juin 1994
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-------L'idée de création dur chemin de fer en Algérie semble avoir été nourrie par le fait indubitable qu'une voie ferrée reste le meilleur instrument, l'instrument nécessaire à la prospérité d'un territoire.
-------Burdeau, qui adorait la métaphore, n'hésitait pas, à ce sujet, à comparer les chemins de fer à un fleuve susceptible de "charrier sur ses berges colons et capitaux".
-------Il faut cependant rappeler ici que les Romains, dont le sens pratique ne fut jamais en défaut, avaient, déjà, pressenti le problème et la nécessité de le résoudre, en établissant, en Afrique du Nord, un réseau considérable de routes dont la principale unissait Carthage à Tanger.
Précisons qu'au moment de la pénétration française en 1830, il ne restait guère de ces réseaux routiers que des vestiges, et ne subsistaient que d'inqualifiables sentiers, propres aux seuls déplacements de l'homme ou de la bête de somme.
-------Il va sans dire que, dès les premiers jours, l'administration militaire, puis l'administration civile se préoccupèrent de cet état des choses. En 1844, M. de Redon eut, le premier je crois, l'idée de la construction d'une ligne ferrée d'Alger à Blida. Plus tard, un groupe de capitalistes à la tête desquels nous trouvons Lacroix ; et aussi des financiers anglais et allemands, proposa la création d'une ligne de Stora à Philippeville et Constantine, avec prolongement éventuel jusqu'à Sétif d'une part, et Batna d'autre part.
-------Par ailleurs, Goubé s'inquiétait de différentes lignes convergeant sur Oran, avec point de départ de l'Hillil, de Mostaganem et de Tlemcen.
-------Ce n'est qu'en 1854 que Warnier, Ranc, Delavigne, Mac-Carthy et Serpolet, sollicitèrent la concession d'un réseau complet comprenant la ligne d'Alger à Oran et d'Alger à Constantine ; une ligne de Constantine à Bône, avec embranchement sur Philippeville ; une ligne de Tlemcen à Mascara pr Bel-Abbès, avec prolongement sur Mostaganem, Ténès et Bougie. C'était, en somme, le projet de la rocade actuelle. Le général Chaubaud-Latour fut chargé d'examiner ce dernier projet.
-------Chabaud-Latour avait des vues nettes et un sens pratique. "Une nécessité de l'installation de la colonisation, écrivait-il, est l'ouverture préalable de bonnes voies de communication qui permettent aux colons d'exporter leurs produits vers le littoral. Avant l'exécution de ces ouvrages, on ne doit pas, selon nous, encourager de grandes émigrations de sultivateurs de la Mère?patrie vers l'Algérie : ils y épuiseraient leurs ressources, sans pouvoir les reconstituer par une vente convenable de leurs récoltes".
-------Mais les demandes de concessions affluaient entre-temps.
-------James de Rotchild se mettait sur les rangs. Il se proposait d'accepter la concession du réseau entier dans le système de la loi du 11 juin 1842, c'est à dire à la condition que l'Etat ferait exécuter lui-même les terrassements et les ouvrages d'art et ne laisserait au concessionnaire que la seule pose des voies.
-------L'empereur Napoléon III, que la question ne laissait pas indifférent, émit à ce sujet, son avis. IL écrivit
"Les chemins de fer algériens me semblent devoir être faits dans d'autres conditions que les chemins de fer français. Car si d'un côté, dans ma conviction profonde, les chemins de fer sont un des instruments les plus efficaces de civilisation pour l'Algérie, de (autre, le pays n'est pas assez avancé pour faire espérer dès aujourd'hui aux compagnies un bénéfice raisonnable".
-------En fait, l'empereur envisageait la création d'un réseau partant de Tlemcen, aboutissant à Philippeville en passant par Oran et Alger et Constantine avec ligne perpendiculaire à la mer, en direction du sud.
-------L'empereur songeait à l'armée pour mener à bien les travaux de terrassement, se réservant la décision pour ce qui concernait une exploitation ultérieure soit par (état, soit par une entreprise privée.
-------Cependant, idées et projets de Napoléon III ne
trouvèrent pas un écho particulièrement favorable au Gouvernement Général de l'Algérie, à la tête duquel se trouvait le maréchal Randon.
-------Le maréchal avait d'autres vues. Peut-être plus étroites et notamment le morcellement des concessions. Il y eut polémiques, discussions et Chabaud-Latour ne fut pas des moindres à se passionner dans le débat.
-------En fin de compte, une Commission, constituée en 1859 par le ministre de l'Algérie et des Colonies, se prononça pour la concession à une seule compagnie.
-------Mais, pour autant, la mise à exécution des travaux n'en traînait pas moins en longeur. L'opinion publique algérienne s'en émut. Elle réclama ses chemins de fer avec insistance. A telle enseigne d'ailleurs, que le maréchal Vaillant jugea bon de faire adopter par l'empereur le programme d'ensemble élaboré par le général Chaubaud-Latour. C'est ainsi que, le 9 août 1857, parut au "Moniteur" un rapport duquel il convient d'extraire, tout au moins, le passage suivant
"Il paraît résulter d'études statistiques faites avec soin que, parmi les parcours d'Algérie, il en est trois principaux, un par province, sur lesquels les transports en marchandises et en voyageurs suffisent, dès ce moment, pour assurer aux voies ferrées des éléments de vie et de succès. Ces parcours sont ceux qui se trouvent : 1 ° entre Alger, Blida et Amoura, desservant les grands marchés arabes de la plaine du Chélif ; 2° entre Constantine et Philippeville, transit commercial le plus fréquenté aujourd'hui ; 3° enfin, entre Oran et Saint-Denis-du-Sig, section qui sert à l'écoulement des riches produits des pleines du Sig, du Tlélat et de l'Eghris".
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------Ces propositions furent sanctionnées par décret du 8 avril 1857, et afin de leur donner une valeur matérielle, les travaux du chemin de fer d'Alger à Blida commencèrent l'année suivante, en 1858. On utilisa, comme l'avait suggéré l'empereur, la main-d'oeuvre militaire.
-------Entre-temps, on s'occupa de la concession d'exploitation de ce réseau. Un décret du 11 juillet 1860 approuva la concession à MM. Albert Rostand, des Messageries impériales ; Jules Gautier, administrateur des chemins de fer du Dauphiné ; le comte Branicki, administrateur du chemin de fer d'Orléans ; et H. Tope, membre du parlement britannique, qui devinrent les fondateurs et administrateurs de la "Compagnie des chemins de fer algériens".
-------Mais cette compagnie ne put, par la suite, mener son ceuvre dans de bonnes conditions financières. On envisagea alors de la fusionner avec une compagnie métropolitaine, en l'occurrence, la Compagnie P.L.M. Cette fusion fut sanctionnée par un traité en date du 31 mars 1863. Le 1er mai de la même année, le maréchal Randon approuvait le dit traité et passait avec la Compagnie de la Méditerranée une nouvelle convention lui concédant, avec la ligne d'Alger à Constantine, celle d'Alger à Oran par Blida et Saint-Denis-du-Sig.
-------La Compagnie de la Méditerranée s'était engagée à construire les lignes d'Alger à Constantine et d'Alger à Oran dans un délai de dix ans.
-------La première de ces lignes était livrée au trafic le 11, septembre 1870 ; cependant que le tronçon Alger-Blida fut ouvert en 1868. La ligne entière fut exploitée à partir du lel mai 1871.
-------Entre 1863 et 1874 une seule concession, en dehors des principales, fut accordée ; celle de la Compagnie Franco-Algérienne, pour un tronçon de ligne allant d'Arzew à Saïda, avec prolongement prévu jusqu'à Géryville (29 avril 1874).
-------En 1877, le général Chanzy, gouverneur général de l'Algérie, concluait avec la Société des Batignolles une concession des deux lignes de Duvivier à Souk-Ahras et à Sidi-El-Hemissi et de Guelma au Kroubs. Ces lignes furent ouvertes respectivement les 29 juin 1879 et 30 juin 1881.
-------D'autre part, selon le décret du 7 mai 1874, une convention était passée par le département d'Oran avec MM. Seignette et Cie (plus tard remplacés par l'Ouest-Algérien) pour la concession du chemin de fer d'intérêt local de Sainte Barbe-du-Tlélat à Sidi-Bel-Abbès (ligne ouverte le 3 mai 1877).
-------En 1875, le gouverneur Chanzy passait une autre convention avec M. Joret pour la ligne de Constantine à Sétif (ligne ouverte le 20 mai 1879).
-------M. Joret passait également convention, le 31 août 1877, avec le département d'Alger pour concession des lignes de Maison-Carrée à l'Alma et à Ménerville (lignes ouvertes le 5 août 1879 et le 25 septembre 1881).
-------D'autres concessions eurent lieu par la suite, que nous rappelons pour mémoire : Ménerville à Tizi-Ouzou (ouverture par sections, de 1866 à 1888) ; Batna à Biskra (1er juillet 1888) ; BeniMançour à Bougie (24 mars 1889) ; OuledRahmoun à Aïn-Beïda (11 juillet 1889) ; AînBeïda à Khenchela (10 juin 1905), etc...
-------Que d'exploits techniques, que de bravoure. L'Algérie était entièrement traversée par le réseau ferré. -------Puis vinrent les jours sombres.
-------On oubliait vite qu'outre les machines, le chemin de fer est composé d'hommes qui défendirent souvent au péril de leur vie cette terre qui était la leur comme Paul François Alaimo, mécanicien de locomotive diesel qui sera cité à l'ordre de la brigade avec les motifs suivants.
"Conducteur sur la ligne de la Soummam a assuré avec une ténacité et un courage dignes d'éloges la conduite des trains dans cette région difficile malgré les attentats multipliés sur la voie ferrée. S'est distingué le 23 juillet 1958 dans la région d'Allaghan lors de l'explosion
d'une forte mine détruisant plusieurs wagons, en gardant le contrôle du train et préservant ainsi de nombreuses vies humaines. A contribué par cet exemple de bravoure au maintien de la ligne en dépit des entreprises terroristes..."

-------Et lorsqu'elle apparut au grand jour, la perspective de l'autodétermination provoqua, dans le monde cheminot, la même implosion que dans l'ensemble de la communauté pieds-noirs : quelques-uns, fidèles à l'idéal communiste, admirent le principe de l'indépendance, dût-elle les pousser à l'exil quelques mois plus tard... d'autres, selon leurs propres termes, entrèrent "en résistance".
S'il est difficile de quantifier l'ampleur de l'adhésion des cheminots à la cause de l'Algérie française, il est indéniable que toutes les couches de la corporation participèrent à ce combat. On peut citer ce tranctionnaire qui dissimula dans les compartiments moteurs de son diesel telle haute personnalité contrainte de quitter clandestinement Alger après l'échec du "putsch" d'avril 1961, mais aussi, un an plus tard, la mutation précipitée du directeur Jusseau, embarqué "manu-militari" dans un avion militaire en partance pour la Métropole, suite à des faits qui n'ont pu être établis...
-------Et la tension monta, jusqu'à alimenter l'énergie du désespoir : avoir de gravir l'échelle de coupée du bateau, certains étaient allés jusqu'à verser des seaux entiers de sable dans les réservoirs à gazole de ces locomotives qui avaient fait leur fierté...