-les chemins de fer en Algérie
DES LOCOMOTIVES GARRATT
+ Texte ( Algérianiste n°121. Auteur : Edgar Scotti)
mise sur site sept. 2012 ...+ juin 2019

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Voir aussi, à propos des Garratt:
LA CLINIQUE des MACHINES - CENT LOCOMOTIVES y viennent chaque mois faire remettre leurs entrailles à neuf. Envoi de Henry Doucet.




GARRATT CFA 231-132 BT 10
DES LOCOMOTIVES GARRATT

L' algérianiste n°121.-

Ces machines articulées, au profil tubulaire, furent mises en service dans les années trente sur la « Grande Rocade longitudinale » de 1 300 km de long. Elles s'ajoutaient à d'autres Garratt, plus petites, à double tender de forme cubique. Ces dernières tractaient des trains de la ligne à voie étroite Blida- Djelfa.

Je suis persuadé, que M. C. B. n'aura aucune difficulté à se procurer des photos de ces locomotives dotées du système de chargement mécanique du foyer qui se substituait aux bras et à la pelle du chauffeur. Sa judicieuse question nous permet de réactiver le halètement de leurs jets de vapeur, de l'odeur de leurs fumées qui se mêlaient parfois aux effluves suaves, émanant de l'usine des « Cafés Nizière ». Tous les soirs, rue de l'Union, rue Rigodit, et dans toutes les rues du quartier, mécaniciens et chauffeurs, anciens du PLM venus aux CFA, se retrouvaient, panier d'osier en mains, treillis bleu, casquette délavée surmontée des lunettes, foulard rouge noué autour du cou, pour préparer leur « Garratt » du train de nuit de Constantine ou d'Oran.

Cette machine articulée comprenait un tender à eau devant la machine et un tender à charbon derrière. Le chargement mécanique du foyer constituait déjà une incontestable avancée technique par rapport aux locomotives de la fin du xixe siècle, que nous décrivait Émile Zola.

Cependant bien que peu ou mal connu, le travail des hommes y était pénible à un point que l'on ne peut imaginer aujourd'hui. En raison des conditions de l'armistice imposant une pénurie de bon charbon de « Cardiff », ces puissantes machines brûlaient un mauvais combustible de Kénadza contraignant souvent à un arrêt en pleine voie pour nettoyer les grilles du foyer. Nous conservons le souvenir des convois s'essoufflant, immobilisés dans la rampe de Saint-Lucien avant d'arriver à Sidi-Bel-Abbès. Après l'arrêt en gare, les machines sillonnaient allègrement la plaine en direction de Détrie et Boukanéfis ponctuant leur marche de volutes de fumée blanche. Mais que dire de la rampe de Bouïra que, les convois à court de vapeur, devaient redescendre en marche arrière sur les freins, pour débarrasser leurs grilles du mâchefer, sur le palier d'Aomar afin de reprendre leur potentiel de puissance avant d'entrer en gare, avec un retard considérable. Le mécanicien devant les cadrans de ses manomètres et à la commande du sifflet vapeur ainsi que le chauffeur, étaient contraints de se pencher à l'extérieur pour voir la voie dont la vue était bouchée par le tender, démuni d'écran lève-fumée. Au- delà de cet assemblage de tôles, de bielles et de cylindres d'acier fumant, crachant leur vapeur, il convient de ne pas oublier l'histoire occultée des hommes qui assurèrent leur arrivée et leur départ des grandes gares comme des plus petites, telles celles de Tiaret où il y en avait deux, une « grande » à voie normale et une « petite » à voie étroite. À Alger, notamment à Belcourt, mécaniciens et chauffeurs des CFA formaient avec leurs machines et les bâtiments, un ensemble groupé autour de la halte des « Ateliers ».

Dans les années trente, les conditions de travail y étaient encore très pénibles. À compter de novembre 1942, une centaine de locomotives américaines avec leur cloche, lointaine réminiscence de celles des films du FarWest, éclipsèrent les « Garratt » dans l'intérêt des soldats de garde aux aiguillages. À l'intérieur des machines, dans la fumée et la chaleur étouffante des plaines algériennes beaucoup d'hommes des CFA laissèrent leur vie, notamment, en gare de Maison-Carrée en juillet 1943, lors de l'explosion d'un train de munitions.

Edgar Scotti 31000 Toulouse (†)
[Voir également l'algérianiste n° 94: « Les locomotives Garratt », de Gérard Ducruc.] L'équipe de la chronique.