Notre propos n'est pas, en quelques lignes, d'épuiser
un sujet dont l'actualité pourrait d'ailleurs sembler contestable,
si on l'abordait sur le plan traditionnel.
Nous songeons simplement, comme tous ceux dont la tâche consiste
à éveiller et épanouir les richesses de cette terre,
à nous pencher sur ce problème du tourisme en Algérie
pour éclairer certains de ses aspects, qui paraîtront insolites
de prime abord, mais qui sont si riches de promesses !...
Le milieu humain de nos grandes
villes, et surtout d'Alger, est un ferment qui est l'élément
majeur indispensable pour l'expansion touristique : car sans vie intellectuelle,
sans activité physique et morale des populations agglomérées,
il n'y a pas de tourisme possible. Celui-ci s'accommode mal, en effet
de la vie solitaire : le touriste a besoin de multiples services pour
son confort, de distractions et d'activités de dépaysement
qui font l'attrait des vacances.
L'Algérie, chacun le sait, peut fournir tous ces besoins aux touristes
traditionnel;, à ceux qui, selon la conception étroite généralement
admise, apportent de l'argent national ou étranger en échange
des services matériels qu' ils reçoivent et des curiosités
qu' ils recherchent pour enrichir leurs vacances, à ceux qui font
travailler en un mot "l'industrie touristique ". Un corps hôtelier
qui s' équipe et se modernise grâce au Plan de Constantine
offre toutes les possibilités et le service d'un excellent personnel
formé sur place par des maîtres avisés.
Dans certaines régions, où la pacification gagne rapidement,
telles que l'Oranie et les monts de Tlemcen, dont toute la banlieue algéroise
et l'Est de l'Algérois, il est possible de remettre en activité
sans grand risque et sous certaines précautions, ce tourisme traditionnel
en l'étendant même aux oasis, lieu de prédilection
des étrangers qui viennent chercher l'exotisme du climat et de
l'islam à quelques heures d'avion de l'Europe.
L`Algérie offre toute la richesse des sites qui font la gloire
des Riviéras européennes, car le fossé méditerranéen
présente au Sud comme au Nord son aspect de faille rocheuse bordée
par les plissements tertiaires dont la mer baigne le pied. Toute la côte
kabyle, celle du Dahra et celle des monts de Tlemcen, offrent des plages
en criques dominées par des montagnes en pente raide qui permettent
d'allier les joies de la mer aux bienfaits et aux délassements
de l'altitude.
Cette terre possède, en outre, sur la rive sur du Nord l'avantage
de jouir de la certitude d'un été et d'un automne ensoleillés
: partout les observations météorologiques révèlent
une constante de 300 jours d'ensoleillement par an en moyenne.
Quelques points bien sélectionnés et équipés
peuvent permettre, le moment venu, de lancer quelques centres de yachting
international, (telle la rade de Djidjelli qui forme un des sommets du
polygone de la Méditerranée occidentale), ou quelque grande
plage, comme la séquence des baignades de 1a Madrague à
Zéralda, ou du Lido à Cap-Matifou.
Le thermalisme d'hiver ou de printemps pourrait être le relais de
celui d'été en métropole, et autour des villes d'eaux
ou des sites donner naissance à l'aménagement de centres
climatiques et de repos, tels qu'il s'en développe de plus en plus
en Suisse et dans les Alpes françaises et italiennes pour satisfaire
loin des villes le besoin impérieux de repos des organismes et
des cerveaux surmenés par le rythme trop rapide de la vie moderne.
L'aménagement de quelques sites bien choisis par les pouvoirs publics
et les syndicats professionnels intéressés permettrait,
en outre, de résoudre un problème impérieux de la
vie des villes modernes, qui se pose avec acuité à Alger,
comme en métropole : celui de l'organisation des loisirs. Les travailleurs
urbains, cadres ou employés, recherchent avec insistance pour eux
et leurs familles des lieux de délassement qui permettent de trouver
à des prix raisonnables les commodités nécessaires
au week-end familial, tout en jouissant du repos à la mer ou à
la campagne.
Ces sites pourraient être utilisés l'été, pendant
la période des vacances, pour aider au développement de
deux formes de tourisme nouvelles nées depuis vingt ans à
peine, et dont nous souhaiterions parler plus longuement, car elles s'adressent
à des couches nouvelles des peuplements humains que le tourisme
traditionnel dont il est parlé ci-dessus n'intéresse pas.
Ce sont le Tourisme Populaire et le Tourisme des jeunes.
Le Tourisme Populaire mobilise pendant leurs vacances les familles des
travailleurs de tous rangs partant à la recherche de lieux de détente.
Ils y recherchent des installations collectives qui leur permettent de
vivre à des prix correspondant à leurs moyens dans des sites
lointains qui leur fournissent le soleil, la mer et la montagne dont ils
sont privés dans les grands centres industriels. L'Algérie
offre abondamment ces trois richesses naturelles et il serait intéressant
de reprendre l'expérience des villages de toile que des organisations
privées avaient tentée avec succès peu avant la rébellion,
en la cantonnant pour l'heure dans les zones pacifiées sur des
périmètres surveillés.
Le Tourisme Jeune s'adresse à une minorité active, êtes
ressources traditionnelles du tourisme classique et que les moyens financiers
écartent encore davantage qui n'intéresse pas par conséquent
l'hôtellerie et ses industries annexes. Par contre, si cette sorte
nouvelle de voyageurs est pauvre d'argent elle est riche de dynamisme
et de force vive.
Les jeunes d'aujourd'hui, parmi eux les étudiants surtout, sont
avides de connaître et plus qu'autrefois désirent très
tôt, souvent dès le collège, voir et sentir sur place
les civilisations différentes de la leur. Ils sont naturellement
attirés par les peuples en mouvement, par ceux dont le dynamisme
modèle des structures et des cadres sociaux nouveaux. Or, l'Algérie
est incontestablement pour l'Europe une des régions-clés
où se modèle son avenir. Le contact d'un Islam traditionaliste,
avec la naissance d'une civilisation industrielle de type occidental,
aux carrefours de l'Afrique, de l'Europe et de l'Orient y crée
des problèmes nouveaux que la très forte démographie
ne laisse pas le loisir d'évoluer dans le calme des études
traditionnelles. Ce dynamisme évolutif et les problèmes
qu'il pose passionnent les jeunes.
Le présent gouvernement s'intéresse à cette soif
de connaître des jeunes, qu'il faut totalement satisfaire en évitant
de laisser à des éducateurs orientés politiquement
et souvent involontairement partisans, le soin de diriger seuls les contacts
culturels de la jeunesse, qui se laisse par sa foi facilement prendre
à certaine forme fallacieuse d'originalité intellectuelle
qui capte son ardent désir de justice et d'Humanisme. Il a créé,
sous l'autorité du Haut Commissariat à la Jeunesse et aux
Sports, le Comité de gestion des organismes d'Éducation
populaire (Cogedep), qui est chargé de gérer et de distribuer
l'aide financière consacrée par l'État aux organisations
de Jeunes qui aménagent - soit sur le sol national, soit à
l'étranger - des contacts culturels.
Les autorités algéroises ont dans ce domaine un rôle
important d'accueil à jouer en dirigeant les séjours des
jeunes métropolitains qui viennent s'informer de nos problèmes
et en leur montrant le charme et le dynamisme de notre ville.
Ce tourisme de culture pourrait aussi dans un proche avenir intéresser
les élites, de plus en plus nombreuses, des jeunes républiques
noires de langue française. Alger leur offre un milieu climatique
et un mode de vie plus proche du leur que ceux de la métropole,
alliés à un milieu universitaire et culturel important qui
peut être facilement adapté à leurs besoins.
Et nous rejoignons par là une des vocations d'Alger, celle d'être
le carrefour des liaisons entre l'Europe et l'Afrique et du transit des
voyageurs entre l'Orient méditerranéen et l'Atlantique -
Mieux que la côte nord dut lac méditerranéen, sa rive
sud remplit ce rôle, car elle est au contact physique individuel
da Sahara et du monde noir, vers lesquels s'oriente d'avenir occidental.
Tout un tourisme d'affaires doit être organisé autour de
ce fait géographique, auquel le climat et les conditions naturelles
décrites ci-dessus donnent une chance exceptionnelle de réussir.
L'accueil des familles des techniciens de passage occupés à
la mise en valeur du pays est très important et peut être
financièrement fructueux.
Ce bref exposé n'a pas la prétention d'épuiser un
sujet qui mérite pour son développement complet des plumes
plus autorisées. Il avait pour but de montrer tout simplement que,
contrairement à une opinion couramment admise, le tourisme ne se
limite pas aux palaces et aux questions d' argent, mais qu il transcende
les conditions matérielles dans le monde moderne pour atteindre
la recherche intellectuelle chez certaines catégories de voyageurs.
Sous cette forme, il est certain que le tourisme doit et peut être
intensifié en Algérie, à Alger en particulier, avec
quelques efforts matériels. La rébellion ne peut y mettre
obstacle, et il peut devenir un élément d'information valable
qui a son importance dans la conjoncture actuelle.
J.CAMOUS,
Directeur de I'O.F.A.L.A.C.
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