Nous arrivons à
Djidjelli à trois jours de la fin après la plus
longue étape du dernier quartier de notre périple,
sans être plus avancés.
Les deux premiers du classement général,
Couvreur et Dequesne se tiennent toujours à 8 secondes
et sont suivis à 9 minutes par un coureur qui n'est plus
Coppini, mais leur camarade d'équipe Fombellida, lequel,
entre parenthèses, depuis deux jours, parait en forme excellente.
Les deux premiers du classement général se sont
encore suivis de très près durant toute l'étape
et des coureurs éloignés au classement général
en ont profité pour essayer d'aller chercher une victoire
d'étape avec les prix qui s'y rapportent,
....Nous sommes partis à regret de Philippeville où
nous avons reçu un accueil sympathique entre tous. Le soir
de l'arrivée, nous nous étions bien divertis à
la Boule Amicale où l'orchestre typique du chef Bague nous
avait fait oublier, en un moment, tous les soucis de la course.
L'être humain qui, parait-il, est ingrat par essence, oublie
moins facilement les instants oit il a ri franchement. C'est pourquoi,
sans doute, Bagur et ses camarades auront servi une fois de plus
leur bonne ville de Philippeville.
Les 34 coureurs arrivés la veille repartent vers Djidjelli,
libérés par M. Crev eaux, délégué
à l'Assemblée algérienne, et parrain du Tour.
Abbas, Marceliak et Orosco essayent de prendre du champ, mais
sont bientôt rejoints. Larbi, qui se ressent de sa mauvaise
bûche de Souk-Ahras, décolle au train. 24 kilomètres
après le départ, Marcellak repart avec Bourlon et
Amar Lakdar. Bernardoni, qui eouffre de la selle, ne peut endurer
plus longtemps la souffrance et, monte en voiture à l'attaque
du col de l'Estaya. Dans la montée du col, le peloton de
Couvreur, Dequesne et Van Dijek est agité de spasmes si
bien que les trois fuyards qui, cependant insistent, ne réussissent
pas à mettre un espace suffisant entre eux et le peloton.
Au sommet du col, les poursuivants sont à 300 mètres
des trois, emmenés par Amar Lakdar. Au bas de la longue
descente, les fuyards sont rejoints. Au 48è kilométre.
tout rentre dans l'ordre. Pas pour longtemps, puisque à
Tarnalous. 48 kilomètres du départ, Henri Bonnet
s'écharne seul au moment où Zaàf crève.
Ballout essaye d'imiter Bonnet, mais ne tarde pas à être
absorbé.
Boudouma, Abbas et Chibane sont accidentés. La route est
en mauvais état et les accidents de machine ou crevaisons
se succèdent. Ignat et Fernandez en sont victimes .
A la suite d'un bel effort, Zaàf reprend sa place dans
le peloton. Les premiers du classement genéral
ne paraissent guère se soucier de l'avance prise par Bonnet
qui est bientôt à 1'30". Ce que voyant, Hélary,
Vermesch et Bourlon encore piquent des deux 12 km. avant Aïn-Kechera.
Sur une une portion de route particulièrement mauvaise,
Vermesch est victime d'une chute compliquée d'une crevaison
et le peloton le passe. Ackermann est accidenté, puis Coppini,
qui n'avait pas besoin de ça, ayant quitté Philippeville
avec un moral assez bas pour avoir perdu sa troisième place
du classement général. A Aïn-Kechera, seul
Bourlon poursuit Bonnet à 2' 28". Hélary a
réintégré le peloton de Couvreur, Dequesne
et Kebaili qui prase Acevod
; 10 km. avant El-Milta, Bourlon est rejoint à son tour.
Coppini passe dans cette localité avec Abbas et Daenekyndt
qui a été également accidenté, avec
3 minutes de retard sur le peloton, Quant à Bonnet, il
continue à rouler très régulièrement
et son avance est de 3'. Avant d'atteindre la mer, Zaaf quitte
seul le peloton à la poursuite de Bonnet. L'arrivée
est encore distante d'environ 40 km.
Un moment, on pense que Zaàf va être rejoint car
derrière, les premiers du classement général
essayent de se surprendre, mais Zaaf marche bien et, sans s'occuper
de ce qui se passe derrière lui, fonce. A 23 km. de l'arrivée,
Bourlon s'écbappe a son tour. A Taller, 18 km. de l'arrivée,
Bonnet qui gagne la prime, compte encore 1' 50" d'avance
sur Zaàf, 2' 20' sur Bourlon et 3' sur le peloton. Possédant
encore des réserves il est à peu près certain
de résister au peloton jusqu'au bout, mais risque d'être
remonté par Zaàf et Bourlon, d'autant que le vif
et adroit Sforachi quitte lui aussi le peloton à Strasbourg.
Mais Djidjelli est là avec son casino et sa baie majestueuse,
sa plage de sable fin où vient mourir une eau d'un bleu
tres pur ourlée d'écume. Bonnet, qui sent la victoire
à portée de sa main, fournit un dernier effort.
Les Djidjellien., avertis de son exploit, lui font fête.
C'est fini Henri Bonnet a eu son étape.
Les malchanceux : Boudouma, Abbas. Zaàf, Chibane, Fernandez,
Copini, Daenekydnt. Vermesch, Ackermann, Ignat (crevaison et chute).
Bonnet là mérite un grand
coup de chapeau.
Si la performance de Bonnet a dominé toute l'étape,
nous devons signaler d'autres performances accomplies entre Philippeville
et Djidjelli. Zaàf, Bourlon et Sforachi, ce dernier, en
dépit d'un frein cassé, se sont comportés
fort habilement en fin de parcours. Dans
les cinq derniers classements, Zaàf a terminé quatre
fois dans les cinq premiers. Il n'y a pas un autre coureur du
Tour qui puisse en dire autant.
Marcellax, qui gagne le sprint du peloton, avait montré
dans les premiers kilomètres qu'il était décidé
à se défendre en s'échappant avec Bourlon
et Amar Lakdar, ce dernier très bien depuis deux jours.
Cependant on peut dire que le deuxième homme de la course
après Bonnet aura été le doux et aimable
Suisse Weilenmann, Celui-ci aurait dû quitter la course
au moins à Bône, s'il avait écouté
l'avis du médecin. Non seulement Weilenmann est arrivé
à Djidjelli dans les délais, mais encore il a travaillé
comme pas un dans le peloton et a terminé second du sprint
derrière Marcellak. Un tel résultat ne veut pas
dire que le docteur qui l'a visité à Bône
ne connait pas son affaire, mais que ce coureur suisse possède
les plus hautes vertus de courage et d' persévérance.
Deux autres courageux du Tour n'ont pu, eux, résister au
mal, ce sont : Bernardoni Oreste et Barrère, qui abandonnèrent
à bout de souffrance trois étapes avant la fin.
Toute la caravane du Tour, qui ,depuis bientôt vingt jours
de vie commune, est devenue une grande famille, regrette le départ
prématuré de ces deux sympathiques coureurs.
(début, suite dans les articles.)