"Perle du Moghreb", "La Grenade Africaine",
les titres les plus flatteurs n'ont pas manqué à cette ville
remarquable par son histoire. Les poètes, depuis des siècles,
l'on chantée : "Le paradis de l'éternité,
ô tlemcéniens, ne se trouve que dans votre patrie et s'il
m'était donné de choisir, je n'en voudrais d'autre que Tlemcen"
(Ibn Khefadja de Cordoue).
Riche d'un passé sous les Romains, les Arabes et les Turcs, elle
fut capitale intellectuelle, religieuse, carrefour entre l'Orient et l'Europe.
Elle eut pour nom Pomaria (les vergers) Agadir (le rempart) Tagrart (le
camp) avant d'être Tlemcen (les sources).
Mais parlons de son histoire à l'époque de l'arrivée
des français en Algérie. Turcs et Coulouglis se combattent
quand Abd el Kader s'empare de la ville en 1833. Une colonne expéditionnaire
française entre à Tlemcen en 1836, mais un mois plus tard
CAVAIGNAC et 500 hommes sont assiégés dans le Méchouar
jusqu'au Traité de Tafna. Il faudra attendre 1842 pour que BUGEAUD
y installe pour plus d'un siècle la présence française.
Les militaires administrent cette ville, devenue subdivision, avec, à
sa tête, des généraux célèbres comme
CAVAIGNAC, MACMAHON et CHANZY. Puis les civils prennent le relais. Le
17 Juin 1854 un décret impérial érige Tlemcen en
commune de plein exercice. La ville européenne va s'organiser grâce
au géomètre DEVRET, non pas à l'écart de la
ville maure, mais en son cur, favorisant ainsi les relations entre
indigènes, israélites et chrétiens. Les religions
du livre occupent en effet une grande place dans l'histoire de la ville.
Dès 1855 on construit la belle et grande Eglise Saint-Michel sur
un terrain vague, à l'intérieur des remparts, et on verra
s'élever plus tard, à proximité, le Palais de Justice,
le Temple Protestant, la Poste, la Banque de l'Algérie, le Collège
de Slane et la Maison du Colon qui voyait affluer, le lundi, les agriculteurs
des villages environnants. En 1857 on comptait trente trois minarets dont
celui de la Mosquée d'El Eubad renfermant le tombeau de Sidi BOUMEDIENNE.
Les israélites fréquentaient plusieurs synagogues dont la
Grande et récente ainsi que le Tombeau du RAB ALN?KAOUA, rabbin
andalou venu à Tlemcen et vénéré comme un
saint. Les grandes figures du catholicisme furent le chanoine Brevet,
curé durant 53 ans, géologue à ses heures, pourvoyeur
du musée et le chanoine FABREGUETTES, curé pendant un quart
de siècle.
Au fil des ans, sous l'impulsion des Municipalités Valleur et Blanc,
avec l'esprit d'entreprise de ses habitants, Tlemcen s'élargit
au delà des remparts ; des faubourgs surgissent : E1 Kaala, Sidi-Chaker,
la Pépinière, Bel Air, Pasteur. De belles allées
: celles des Pins, des Marronniers, des Muriers y conduisent et au pied
du Djebel Sakarathaine, nichées dans une luxuriante végétation,
on découvre les Villa Rivaud et Villa Marguerite où touristes
et convalescents viennent chercher le calme et la fraîcheur.
L'implantation militaire en avait fait une ville de garnison avec trois
régiments avant la guerre de 39 : tirailleurs, artilleurs, spahis
occupaient le Méchouar, la Caserne Bédaud et la Quartier
d'Isly. Tlemcen, l'intellectuelle, fera une grande place à la culture
: n'a-t-elle pas déjà en 1850 une troupe théâtrale
! L'abbé BARGES, les frères MARCAIS, Alfred BEL, André
LECOCQ en sont les historiens avec "Les Amis du Vieux Tlemcen"
animés par Pierre CARDONNE, Directeur des associations agricoles
et Président de l'Aéro Club et Emile JANVIER, directeur
de la Medersa. Elle a ses hebdomadaires : "L'Avenir de Tlemcen",
"Le Petit Tlemcénien", "L'Ouest
Oranais". Et la musique andalouse resurgit du passé
avec les mélopées de l'orchestre du Cheik LARBI.
L'inauguration d'un grand stade, en 1937, témoignait de l'intérêt
porté au sport avec des équipes comme celles de l'U.S.F.A.T.,
de LA FRATERNELLE ou de l'A.S.P.T.T. Tlemcen était aussi la commerçante.
Autrefois Génois, Vénitiens et Catalans y venaient acheter
peaux tannées, laines filées, bijoux. Ses magasins, ses
boutiques, ses cafés s'étalaient autour de la Place d'Alger
et de la Mairie, dans la Rue de France qui rejoignait l'esplanade du Mechouar.
On s'y retrouvait le dimanche pour y "faire le boulevard",
admirer l'artisanat de la Maison Ben Slimane et prendre l'apéritif
ou déguster brochettes et rate farcie. Cette ville avait son charme
: les touristes s'y plaisaient et venaient chercher, dans ce climat sec,
la fraîcheur incomparable sous ses grands arbres ou au Jardin de
la Pépinière. Juchés sur des calèches, ils
visitaient les cascades d'El Ourit et la Tour de Mansourah. Leurs pas
les conduisaient aux Koubbas funéraires dont celui de la Sultane
ou bien au Bois sacré de Sidi Yacoub, avant d'emprunter le chemin
touristique pour admirer du Plateau de Lalla Setti cette ville blottie
dans la verdure de ses arbres, annonçant la plaine jusqu'à
Raschgoun, avec ses oliviers bien alignés et son Col du Juif ouvrant
la voie vers le Maroc. Tlemcen-Les Sources avait son Meffrouch qui alimentait
cette végétation. C'était un "Paradis
terrestre" un "Jardin d'Eden" comme
l'avait surnommée le poète Cl.-M. ROBERT qui écrivait
"Tlemcen est toujours belle et mon cur toujours jeune
Ici je suis heureux et n'aspire à plus rien Ici j'aurai toujours
vingt ans..."
Nous ne pouvons pas en dire autant. Hélas !
Louis ABADIE
La Tlemcenienne c/o Nicaise LOULOU
22 Rue des Calanques
66000 Perpignan.
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