TLEMCEN,, "PERLE DU MOGHREB"
UN GRAND ROI BERBÈRE ABOU HAMMOU II (1359-1399)
Afrique illustrée du 6-2-1926
- Transmis par Francis Rambert

UN GRAND ROI BERBÈRE ABOU HAMMOU II (1359-1399)

Pendant la seconde moitié du XIVème siècle qui, à juste titre, peut être considéré, tant au point de vue artistique et littéraire qu'au point de vue scientifique, connue le siècle d'or berbère, Abou Hammou II est une des figures les plus originales et des plus typiques. Émir des Croyants, roi du Maghreb moyen, il fut le Mécène intelligent de la littérature des arts et des sciences.

Tlemcen était alors la capitale du royaume que l'on appelait Maghreb moyen, et qui comprenait à peu de chose près, les deux départements actuels d'Oran et d'Alger. Vers la fin du XIIIème siècle, un chef hardi de la tribu des Beni-Abdelouad, Yagbmoracen, avait fondé ce royaume sous l'égide des souverains hafsides de Tunis, dont la domination s'étendait des confins de l'Égypte jusqu'au coeur même du Maroc. Mais ses successeurs immédiats avaient bientôt secoué se joug, s'étaient déclarés indépendants, remplaçant le nom du sultan hafside dans la prière du vendredi par leur nom et prenant le titre d'Émir des Croyants, Abou Hamniou IL arrière-petit-neveu de Yaghmoracen, fut le septième et le plus grand prince berbère de Tlemcen, bien qu'il eut, durant son long règne de trente ans, à subir toutes sortes de revers.

Il dut conquérir ses états l'épée au poing. En juillet 1352, le sultan du Maroc, fort puissant, avait envahi l'Oranie, renversé la dynastie régnante et annexé à sa couronne tous les pays jusqu'à Constantine. Cependant, la tribu des Beni-Abdelouad, chassée de Tlemcen, sa capitale et retirée dans le désert, ne se résignait pas à sa déchéance. Elle proclama Abou Hammou, le descendant direct de ses princes massacrés. Celui-ci se mit aussitôt à l'œuvre ; pendant quelques années, il organisa et entraîna ses troupes, rechercha l'alliance d'autres tribus puissantes, se ménagea partout des intelligences. Puis, lorsque tout fut prêt, vers l'année de 1358, il se mit en marche à la tète de son armée et des Arabes Beni-Amer, ses alliés, qui avaient fui aussi dans le désert. Brisant toute résistance, il parvint jusqu'aux remparts de Tlemcen qui lui ouvrit ses portes et, le jeudi 31 janvier 1359, il faisait son entrée triomphale dans le palais royal et s'asseyait sur le trône de ses ancêtres. Bientôt, ses lieutenants, par de hardis coups de main, emportait d'assaut les grandes villes : Mostaganem, Médéa, Alger... et tout le Maghreb Moyen reconnaissait son autorité.

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UN GRAND ROI BERBÈRE ABOU HAMMOU II (1359-1399)

UN GRAND ROI BERBÈRE ABOU HAMMOU II (1359-1399)

Pendant la seconde moitié du XIVème siècle qui, à juste titre, peut être considéré, tant au point de vue artistique et littéraire qu'au point de vue scientifique, connue le siècle d'or berbère, Abou Hammou II est une des figures les plus originales et des plus typiques. Émir des Croyants, roi du Maghreb moyen, il fut le Mécène intelligent de la littérature des arts et des sciences.
Tlemcen était alors la capitale du royaume que l'on appelait Maghreb moyen, et qui comprenait à peu de chose près, les deux départements actuels d'Oran et d'Alger. Vers la fin du XIIIème siècle, un chef hardi de la tribu des Beni-Abdelouad, Yagbmoracen, avait fondé ce royaume sous l'égide des souverains hafsides de Tunis, dont la domination s'étendait des confins de l'Égypte jusqu'au coeur même du Maroc. Mais ses successeurs immédiats avaient bientôt secoué se joug, s'étaient déclarés indépendants, remplaçant le nom du sultan hafside dans la prière du vendredi par leur nom et prenant le titre d'Émir des Croyants, Abou Hamniou IL arrière-petit-neveu de Yaghmoracen, fut le septième et le plus grand prince berbère de Tlemcen, bien qu'il eut, durant son long règne de trente ans, à subir toutes sortes de revers.
Il dut conquérir ses états l'épée au poing. En juillet 1352, le sultan du Maroc, fort puissant, avait envahi l'Oranie, renversé la dynastie régnante et annexé à sa couronne tous les pays jusqu'à Constantine. Cependant, la tribu des Beni-Abdelouad, chassée de Tlemcen, sa capitale et retirée dans le désert, ne se résignait pas à sa déchéance. Elle proclama Abou Hammou, le descendant direct de ses princes massacrés. Celui-ci se mit aussitôt à l'œuvre ; pendant quelques années, il organisa et entraîna ses troupes, rechercha l'alliance d'autres tribus puissantes, se ménagea partout des intelligences. Puis, lorsque tout fut prêt, vers l'année de 1358, il se mit en marche à la tète de son armée et des Arabes Beni-Amer, ses alliés, qui avaient fui aussi dans le désert. Brisant toute résistance, il parvint jusqu'aux remparts de Tlemcen qui lui ouvrit ses portes et, le jeudi 31 janvier 1359, il faisait son entrée triomphale dans le palais royal et s'asseyait sur le trône de ses ancêtres. Bientôt, ses lieutenants, par de hardis coups de main, emportait d'assaut les grandes villes : Mostaganem, Médéa, Alger... et tout le Maghreb Moyen reconnaissait son autorité.
En possession de tous ses états, le sultan berbère montra une activité peu commune. Il fallait faire face aux embarras intérieurs, réorganiser l'administration et les finances, assurer la prospérité et la grandeur du royaume. L'ennemi, d'autre part, s'acharnait sur lui et son règne fut une succession ininterrompue de revers et de redressements victorieux. Nous le verrons chassé quatre fois de sa capitale, dépossédé de ses meilleures villes, errer de tribu en tribu, comme un prince mendiant. Mais, jamais il ne se décourage ; l'espoir et la ténacité le poussent chaque fois vers le trône jusqu'au jour où il tombe, accablé par son propre fils. Et malgré ces épreuves il favorise les arts, accueille et encourage les savants, embellit les villes en construisant ou en perfectionnant des palais et des mosquées et par sa justice et ses libéralités, se fait aimer du petit peuple comme des grands de sa cour.
Son premier soin fut de conclure la paix avec le sultan mérinide du Maroc, son ennemi. Dès le mois de février 1361, il lui envoyait son fils aine, Abou Tachefin, avec des présents, parmi lesquels on admirait un certain nombre de chevaux de race. L'ambassadeur reçut un bon accueil dans la capitale marocaine et parvint à négocier heureusement un traité de paix entre les deux souverains : l'autorité d'Abou Hammou était reconnue sur tout le Maghreb Moyen, à l'exception du port d'Oran, Quelques mois plus lard, à la tête d'une armée nombreuse, le roi de Tlemcen s'emparait d'Oran, après un siège de trois jours. De retour dans sa capitale, il recevait une délégation de notables venus d'Alger qui lui offraient leur soumission.
Maître incontesté de tous les États de ses ancêtres, Abou Hammou gouverna pour le plus grand bien de ses sujets. Il voulait partout la prospérité, le respect de l'ordre, la paix. Lorsqu'il passait dans les villes, il jetait l'or à pleines mains ordonnait des réjouissances populaires. Sa cour patriarcale brillait d'un éclat égal à celui de Grenade ou de Cordoue. Nouveau Saint Louis, il aimait à rendre lui-même la justice à ses humbles sujets et chaque semaine, aux portes de son palais, il s'asseyait pour trancher les litiges qui lui étaient soumis. Les historiens arabes nous ont laissé, des fêtes populaires qu'il ordonnait et présidait, des descriptions éclatantes que l'on croirait extraites des Contes des Mille et Une Nuits.
" Il observait avec fidélité l'anniversaire de la naissance de l'élu de Dieu, écrit Et-Ténessy, et il célébrait cette fête avec beaucoup plus de pompe et de solennité que tous les autres rois. Pour cela, il faisait préparer un banquet auquel étaient invités indistinctement les nobles et les roturiers. On voyait dans la salle où tout le monde se réunissait, des milliers de coussins rangés sur plusieurs lignes, des tapis étendus partout et des flambeaux dressés de distance en distance, grands comme des colonnes. Les dignitaires de la cour étaient placés chacun selon son rang et des pages, revêtus de tuniques de soie de diverses couleurs circulaient autour d'eux, tenant des cassolettes où brûlaient des parfums et des aspersoirs avec lesquels ils jetaient sur les convives des gouttes de senteur, en sorte que, dans cette distribution, chacun avait sa part de plaisir et de jouissance.
Vers la fin de la nuit, on apportait des tables servies, qui, par leur forme, ressemblaient à des pleines lunes et, par leur splendeur, à des parterres de fleurs. Elles étaient chargées des plats ; les plus exquis et les. plus variés. Il y en avait pour satisfaire tous les goûts, faire l'admiration de tous les yeux, charmer toutes les oreilles par leurs noms, exciter l'appétit et l'envie de manger à ceux qui n'en avaient pas éprouvé auparavant le besoin, les engager à s'approcher et à prendre part au festin commun. Le sultan passait la nuit entière au milieu des convives, qu'il se plaisait à voir et à entendre ; il ne les quitiait qu'après la prière du matin, dont il s'acquittait dans le lieu même de la réunion. "
Abou Hammou encourageait les arts et les sciences. Il se montrait particulièrement fier des surprises que réservait à ses hôtes la Mendjana, chef-d'oeuvre d'horlogerie mécanique dû au Tlemcenien Aboul Hassan Ali et qui, placée dans son palais du Méchouar, fonctionna publiquement pour la première fois à la fêle du Mouloud de l'an 700 (de l'hégire).
Pour l'embellissement de sa capitale, le souverain fit appel aux artistes et architectes en renom. Il répara et agrandit le grand palais royal, le Méchouar, qu'avait édifié son ancêtre Yaghmoracen. Il dota la grande mosquée d'une bibliothèque attenante au Mihrab. Son père, Abou-Yacoub, étant mort à Alger, il le fit transporter à Tlemcen, le reçut avec les plus grandes démonstrations de deuil et, sur son tombeau, éleva un beau mausolée. Autour de la koubba funéraire, il construisit un oratoire, connu aujourd'hui sous le nom de mosquée de Sidi-Brahim et une médersa. Ces édifices, entourés de jardins, furent enclos dans une même enceinte formant ce qu'on appela la Yaconbia.
Des savants enseignaient le dogme, le droit et les sciences à la Médersa que fréquentait une foule d'étudiants et où Abou Hammou se plaisait, de temps à autre, à venir s'instruire lui-même. Vers 1307, le sultan s'adressait au célèbre historien des Berbères, Ibn Khaldoun, et lui offrait à sa cour le titre et les fonctions de chambellan. Mais celui-ci, agissant avec sa prudence ordinaire, " ne voulant pas, dit-il, s'exposer au péril de cet office et s'abstenant de s'immiscer dans la politique afin de pouvoir diriger son esprit vers l'étude et l'enseignement ", déclina cette offre et envoya son frère cadet. Yahia Ibn Khaldoun, esprit cultivé comme son illustre ainé, vécut dès lors dans l'intimité d'Abou Hammou, dont il devint le secrétaire particulier et le chroniqueur. Il écrivit, en effet, une Histoire de la Dynastie abdelouadite, fort précieuse ; une mort cruelle vint interrompre ses grands travaux : il fut assassiné par Tachefin, fils aîné du roi. Ce prince ambitieux devait, quelque temps après, s'acharner sur son propre père.
Impatient de régner, Tachefln résolut, en effet, de recourir à la violence. Un matin de janvier 1380, avec l'aide de ministres complices, il pénétra dans le palais du méchouar, s'empara d'Abou Hammou, le déposa et se fit proclamer à sa place. Puis, sous bonne escorte, il envoya son père à Oran et le fit enfermer dans la tour de la Casbah. Plus tard, il mandait vers lui des émissaires avec l'ordre de le décapiter. Mais les notables d'Oran avertirent le vieux souverain qui parvint à s'évader. Opportunément harangués par le Khalib ou prédicateur de la grande mosquée, les Oranais prirent les armes, lui jurèrent fidélité, lui fournirent une escorte importante qui s'accrut rapidement et Abou Hammou s'empara de Tlemcen sans coup férir.
Lorsque Tacheiin, occupé en ce moment dans les montagnes de Titéri, apprit ces événements, il revint avec son armée. Abou Hammou, pris au dépourvu et n'ayant pas eu le temps d'organiser la défense, se réfugia dans une tour du méchouar, où son fils le rejoignit. Il obtint la vie sauve, à condition d'aller vivre ses derniers jours dans la ville de La Mecque. Un navire fut nolisé à Oran sur lequel s'embarqua le roi dépossédé. Mais, quand le navire arriva à hauteur de Bougie, Abou Hammou obtint de ses gardiens l'autorisation de descendre à terre. Il en profita pour gagner à ses projets le gouverneur de Bougie qui lui fournit une armée et, de nouveau il s'achemina vers Tlemcen. Il rentra en triomphateur dans sa capitale au début du mois d'août 1388. Un an après, en septembre 1389, il présentait la bataille à son fils appuyé par les forces du sultan marocain et fut vaincu. Dans la mêlée, étant tombé sous son cheval, il fut percé de coups de lances. Les soldats présentèrent sa tête à Tachefin qui la considéra sans sourciller.
Ainsi, après un long règne plein de vicissitudes, mourut le grand roi berbère Abou Hammou II, protecteur des lettres et des arts. Son fils parricide le fit inhumer dans le cimetière du vieux Château. Sa pierre tombale, retrouvée récemment, est au musée de Tlemcen. C'est un beau marbre onyx ; nous en donnons la reproduction. L'inscription maghrébine qu'elle porte gravée dit :
Louange à Dieu seul ! Ce tombeau est celui de notre maître le sultan, émir des Musulmans, le roi juste, le généreux, le célèbre, l'illustre et le noble de race, le très-glorieux, l'incomparable, le très-élevé, très-considérable, très-excellent, très-parfait, notre maître l'émir des Musulmans, le combattant dans la voie du Maître des mondes, notre seigneur Abou Hammou, fils de notre seigneur l'émir célèbre, grand, illustre, parfait, noire maître Abou Yacoub, Que Dieu rafraîchisse sa sépulture et lui pardonne dans sa bonté, son indulgence et sa générosité ! Et que Dieu répande aussi ses grâces sur noire seigneur et maître Mohammed et sur sa famille !