une ville
d'Algérie : Tizi-Ouzou
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Pour la première fois, la
grande Kabylie procède à une confrontation de son passé
et de son présent en matière d'art. Et c'est M. Ernst,
préfet d'Alger qui, hier après-midi, a ouvert les portes
du hall des fêtes de Tizi-Ouzou où sont groupés
les témoins des siècles révolus et ceux du temps
actuel. Emouvante exposition que cette rétrospective d'art kabyle ! Il y a là, condensé en deux salles « le témoignage d'une grande civilisation passée qui veut se ressusciter dans le présent ». C'est M. Ernst qui dira cela tout à l'heure, et cette remarque est profondément juste. Dans ces vieux bois ciselés. tatoués, gravés où l'ébéniste kabyle a d'abord effleure la matière, puis ensuite l'a brutalement entamée, on retrouve le souci qu'ont eu les générations successives de s'affranchir de l'influence des invasions anciennes On y retrouve aussi l'évolution matérielle des populations indigènes depuis l'amitié française. La vie, en se stabilisant, a donné au nomade, devenu laboureur, le goût du meuble... Les tapis sans doute y perdent en épaisseur et en importance, mais voici des coffres massifs et pesants ou l'on serre les habits de fête; des tables, des tentures, car le nomadisme détroit, on ne décampe plus au moindre prétexte, et l'agriculture prospère. L'art kabyle va-t-il s'affirmer ? Evoluer ? Ces jolis moules à beurre, creusés en plein bois, ces boites à poudre naïves, ces coupes anciennes, taillées dans l'olivier, si douces au toucher, ces verres à boire en bois en forme de rigoles, ces mesures à huile encore onctueuses d'avoir si longtemps servi, tous ces objets patinés par le temps, frottés de tant de mains aujourd'hui mortes, vont-11e changer de forme avec le progrès Que non pas ! Ils vont disparaitre, tout simplement. Par petites touches. lentement, la civilisation va pénétrez et introduire à sa suite l'objet manufacturé. La polygamie va' décroltre, et avec elle les tisseuses familiales. Le bidon à pétrole va remplacer l'amphore aux lignes pures; la bougie chasse la vieille lampe en terre cuite. Et que vont faire les belles kabyles de ces boites à poudre, sculptées, alors qu'à la ville on en vend de toutes les couleurs? Les amateurs d'archaïsme ont pu crier au scandale, mais la Vie, elle, ne se nourrit pas d'objets de musée. Et l'art intelligent des Kabyles se perdait inexorablement en même temps que s'installait le progrès et que mourait une civilisation qui avait achevé son cycle. C'était là un grand dommage. La Francs ne permit pas qu'il se consommât. Ainsi naquirent les écoles artisanales indigènes, véritables conservatoires des arts mineurs algériens. (suite dans l'article.) |
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