PAUL-CAZELLES
(ou Aïn-Oussera)
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C'est une création française
ex nihilo, en tant que caravansérail |
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C'est un centre non communal rattaché
à une commune mixte |
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C'est une sous-préfecture
en 1956 |
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En 1954 il y avait 9339 habitants dont
29 Européens |
Les origines des noms
Aïn signifie
source ; et Oussera est le nom arabe
d'une plante dont j'ignore les noms latin et français. Peut-être
une sorte de jonc qui croissait volontiers dans cette zone marécageuse
en saison des pluies.
Cazelles est un patronyme
qui apparaît en 1878, à Boghar, dans la liste des 46 concessionnaires
d'un lot de colonisation. Le concessionnaire se prénomme Antoine.
Paul-Cazelles apparaît, à
Boghar encore, sur la liste des mariages pour 1884,
avec une demoiselle Panis, de Boghar également.
En 1885 le couple accepte de tenir
le caravansérail d'Aïn-Oussera. Il y reste plusieurs années.
En 1895 on le retrouve à Letourneux
où Paul s'installe comme colon, puis est élu maire. Il entre
ainsi en politique. Il n'en sortira plus.
En 1901 il est élu conseiller
général du département d'Alger. Il représente
à Alger le canton de Boghari. Il est régulièrement
réélu. Il meurt en 1931.
Ce n'est qu'en 1935
qu'Aïn-Oussera devient Paul-Cazelles à la demande de quelques
conseillers généraux amis du défunt. Le gouverneur
général Carde (le seul G.G. né en Algérie)
accepte cette proposition. Le nouveau nom s'est imposé dans les
documents officiels, mais sans que l'autre soit jamais oublié.
D'ailleurs ce nom fait un retour officiel étonnant, sous la forme
Oussera, sans Aïn, dans la publication, faite en 1958, des résultats
du recensement d'octobre 1954. Dans cette liste, l'arrondissement est
bien celui, tout neuf, de Paul-Cazelles ; mais dans cet arrondissement
il n'y a pas de commune de Paul-Cazelles ; seulement Oussera.
Le nom Paul-Cazelles n'a pas survécu à l'indépendance.
En 1962 ou 1963 il redevient Aïn-Oussera.
Aïn-Oussera avant les Français
Il n'y a là rien d'autre que ce que propose la
nature : des sources magnésiennes, un marécage en saison
humide et des moustiques la majeure partie de l'année.
Il n'y a même pas un souk régulier.
Il y avait sûrement, surtout à la fin de l'hiver et à
la fin de l'été des troupeaux de chameaux et de moutons
qui passaient par là, conduits par leurs maîtres Ouled Naïl
ou Larbaa de l'Atlas saharien.
Mais pas de résidents permanents. Je n'ai pas non
plus trouvé la trace d'un quelconque fortin turc de protection
de la piste vers les établissements turcs de l'Atlas saharien dépendant
du bey du Titteri.
Aïn-Oussera, puis Paul-Cazelles sous les
Français 1853-1962
C'est d'abord un gîte d'étape militaire créé
sur ordre du gouverneur général Randon après la prise
et l'occupation de Laghouat fin 1852. Il y en avait un tous les 20 ou
30km. Il paraît avoir été créé durant
l'été 1853 peu après
le passage de Fromentin qui, le 27 mai 1853, avait bivouaqué en
ces lieux et n'y avait vu qu'un " triste marais ".
Ce gîte prospéra mieux que les autres et
fut bientôt transformé en caravansérail tenu par des
gérants civils, avec logements et nourritures pour les personnes,
pour leurs montures et pour les chevaux qui tiraient les diligences ou
les chariots.
Pourquoi ce caravansérail a-t-il mieux réussi
que les autres, avant même l'arrivée des Cazelles ? Parmi
les réponses possibles je sélectionne :
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La bonne distance de Boghari (55 km)
qui impose une halte nocturne à tous les rouliers |
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L'abondance de l'eau en toutes saisons,
même si elle est magnésienne |
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La place : l'espace enclos
ayant la forme d'un carré d'environ 70 m de côté |
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Une bonne protection militaire
sur l'un des côtés de ce vaste quadrilatère |
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Une bonne gestion sans
doute, par des gérants civils choisis par le bureau arabe de
Boghar dont dépendait, à l'origine, cet établissement.
Parmi ceux-ci l'histoire a retenu le nom des Paul-Cazelles venus à
Aïn-Ouserra peu après leur mariage célébré
à Boghar en 1884. |
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Et enfin la création
d'un marché aux moutons fréquenté par les nomades
en route vers les pâturages du nord dont l'accès leur
fut garanti par le sénatus-consulte de 1863. A l'origine il
se tenait le vendredi ; ensuite ce fut un souk el Arba du mercredi. |
Ce caravansérail a connu un succès suffisant
pour que viennent spontanément s'installer à côté
des commerçants, des transporteurs et des éleveurs de moutons
; si bien qu'au tournant du siècle Aïn- Oussera, sans avoir
l'aspect d'un vrai village, avait son école, sa poste et sa gendarmerie
et bientôt sa recette des contributions.
En 1905 Aïn-Oussera
ne dépend plus de Boghar mais de la commune mixte de Chellala,
dont le chef-lieu, Reibell, est situé à 74km vers le sud-ouest.
En 1916 c'est l'arrivée
de la ligne de chemin de fer qui relie Aïn-Oussera à Boghari,
et donc à Blida et à Alger. Cette date, en pleine guerre,
est capitale car elle a fait perdre au caravansérail sa raison
d'être, surtout à partir de 1921 quand la ligne atteignit
Djelfa. Les locomotives n'avaient pas besoin de ses écuries ; et
les voyageurs de passage ou en transit n'avaient pas besoin d'y dormir.
Par contre le train fut favorable à l'essor de la cueillette de
l'alfa et de l'élevage ovin. La gare eut son entrepôt.
En 1923 est menée,
par l'Institut Pasteur d'Alger, une campagne d'éradication des
moustiques qui diminua le risque paludéen. Cet Institut avait,
au début du siècle, acquis une certaine expérience
dans cette lutte, en traitant les marais du nord de la Mitidja, d'Attatba
à Birtouta.
En 1935 Aïn-Oussera
devient Paul-Cazelles.
Vers cette date a été aménagée sommairement
une piste d'aviation qui permettait l'utilisation de petits avions. Parmi
les utilisateurs figurait alors un éleveur de moutons, Monsieur
Batailler qui demanda instamment, et obtint, une amélioration de
la piste qui permit de transporter par avion les carcasses de mouton jusqu'aux
clients algérois. En 1912 les moutons rejoignaient à pied
la gare de Boghari ; en 1916 ils prirent le train, vivants, et vers 1935
ou 1940, l'avion, mais morts. Après 1945 on ajouta à la
piste un bâtiment et des équipements qui la transformèrent
en véritable aérodrome.
En 1940 fut ouvert
un camp de détention. Les personnes enfermées là
l'ont été pour des motifs changeants avec l'époque,
mais le camp persista jusqu'en 1962, et peut-être au-delà.
J'y reviendrai.
En 1951 l'aérodrome
de Paul-Cazelles est l'un des 4 aérodromes de classe B d'Algérie.
En 1956 Paul-Cazelles
qui n'était même pas chef-lieu de commune, devient chef-lieu
d'arrondissement. A quoi attribuer cette brutale promotion ? Je n'ai pas
de réponse sûre ; sans doute au désir des autorités
de donner un sous-préfet à la région des hautes plaines.
En ce cas, avec sa RN1 et ses cars blidéens, son train, son aérodrome
de classe B et ses 6 pistes en étoile, Paul-Cazelles était
le site le plus approprié pour héberger la sous-préfecture.
Il y eut aussi une SAS.
Le réacteur
est le grand bâtiment à gauche.
Les 6 tours de refroidissement sont à droite
La cheminée localise le bâtiment d'enrichissement
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Je devrais, pour respecter la date butoir de 1962, clore
ici mon discours. Je n'en fais rien cependant pour évoquer une
construction surprenante que dévoila un satellite américain
dans une mission de routine, en 1991 : un réacteur
nucléaire. On apprit ensuite que ce réacteur
" Es salam " avait été offert par la Chine
et que sa puissance était suffisante pour y mener des études
sérieuses pouvant conduire à l'enrichissement
du plutonium et à la fabrication d'une bombe nucléaire.
Les Etats-Unis et l'AIEA s'inquiétèrent et obtinrent que
l'Algérie renonce à un tel programme. Depuis 1995 ce réacteur
ne semble plus inquiéter personne. Des photos du site, précises,
sont visibles sur google earth. Je n'ajoute qu'une photo prise au sol.
Le cadre géographique et les activités
induite
Paul-Cazelles se trouve
au centre d'une zone très plate dans toutes les directions |
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d'une zone élevée : plus
de 700m d'altitude |
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d'une zone très venteuse en toutes
saisons |
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d'une zone très sèche,
mais près de bonnes sources |
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d'une zone steppique, pays
du mouton et de l'alfa |
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d'une zone très peu
peuplée : il y a de la place |
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à mi-chemin de la
traversée des hautes plaines. |
Le cadre géographique
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meilleure lecture (120
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Il n'y a pas de chaînons montagneux visibles à
l'horizon. Les djebels ou les kef les plus proches sont à 35 km
au nord (dj. Gourine), à 30 km au sud (ride des Sebaa Rous) à
65km à l'ouest (dj Ahmar Kradou) et 30 km à l'est (kef el
Birine). C'est un site en manque de pittoresque.
Le climat est encore méditerranéen par sa
sécheresse estivale (trois mois presque sans pluie) mais un peu
continental par son aridité et par ses amplitudes thermiques ;
7° en janvier et 28° en juillet-août. 7° ce n'est pas
très froid, mais il peut geler la nuit et le vent accentue l'impression
de froid ; 28° de moyenne c'est torride avec des maxima diurnes entre
35° et 40°. Paul-Cazelles reçoit 250mm de pluies par an
; ce total exclut toutes cultures non irriguées, sauf au fond de
quelques dayas. Mais il permet la pousse des pâturages et de l'alfa
(stipa tenacissima). C'est d'ailleurs vers Paul-Cazelles que commence
la grande zone alfatière de l'Algérois.
Ces conditions géographiques et l'évolution
historique, notamment des transports, expliquent le choix des activités
présentes à un moment ou à un autre, à Paul-Cazelles,
entre 1853 et 1962. En respectant les dates de leurs apparitions ces activités
furent les suivantes.
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L'hébergement
dans un caravansérail de qualité. Cette activité
a tenu aussi longtemps que la traction animale est restée indispensable,
faute d'alternative : c'est-à-dire un bon demi-siècle.
Ce n'est pas mal du tout |
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Le marché
(aux moutons surtout) du vendredi, puis du mercredi. Il
a tenu jusqu'en 1962 et sûrement même au-delà.
Il s'est développé en même temps que l'élevage.
Il a justifié, dans les années 1930, le rachat par un
éleveur français prospère, de l'ancien caravansérail
désaffecté. Il y a installé un abattoir et un
entrepôt frigorifique où stocker les carcasses de mouton
avant leur envoi vers Alger en avion. Ce trafic a sans doute joué
un rôle dans le choix fait de transformer une sommaire piste
d'aviation en vrai aérodrome. |
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La
cueillette de l'alfa n'a vraiment commencé qu'après
1919, quand le train a permis le transport des bottes d'alfa vers
le port d'Alger ou vers l'usine de la Celunaf à Baba Ali. |
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L'abondance des terrains libres et bon marché,
ajoutée à une bonne desserte multi-modale explique
sans doute une spécialisation tardive qui valut, après
1940, une réputation sulfureuse à Paul-Cazelles à
cause de la présence de l'un des trois plus grands
camps de détention d'Algérie (avec Bossuet
et Djorf). Ce fut un camp d'internement administratif à éclipses,
mais toujours prêt à resservir en fonction des aléas
de l'histoire. La mise en place remonte au régime de Vichy,
dont les représentants à Alger, l'amiral Jean
Abrial, de juillet 1940 à juillet 1941 et
Maxime Weygand, de juillet à novembre 1941, paraissent
avoir fait du zèle. Abrial y fit enfermer les " opposants
au régime ", notamment des francs-maçons, des
communistes, des étrangers réfugiés sans contrat
de travail. Parmi ces derniers les républicains espagnols
étaient particulièrement suspects. Le cas des juifs
nés en Algérie est un peu à part. Ils n'étaient
plus français depuis l'abrogation, le
7 octobre 1940, du décret Crémieux du 24
octobre1870. Désormais ils ne sont plus citoyens français
mais juifs indigènes, ainsi qu'il est mentionné sur
leurs cartes d'identité. Il y eut alors en Algérie
trois ou quatre catégories de juifs : les juifs réfugiés
de métropole et citoyens français, les juifs indigènes
sujets français, les juifs étrangers et ceux du Sahara
qui n'avaient pas été concernés par le décret
Crémieux.. Les juifs étrangers furent le plus souvent
envoyés dans un camp, les juifs indigènes parfois
en cas de suspicion de communisme ou de franc-maçonnerie.
L'arrivée des Américains en novembre 1942 fut suivie
assez vite de la libération des détenus, mais plus
tardivement de l'abrogation de toute la législation d'exception
de Vichy. Le décret Crémieux ne fut rétabli
que le 24 octobre 1943, à
l'initiative de de Gaulle qui partageait avec Giraud la coprésidence
du CFLN à Alger.
Des prisonniers de guerre allemands ont sans doute
occupé les lieux jusqu'en 1945 ou 1946.
Le camp de Paul-Cazelles reprit du service de 1955
à 1962. En application de la loi d'urgence du
3 avril 1955 les autorités administratives purent y faire
détenir sans jugement " les personnes dont l'activité
s'avère dangereuse pour la sécurité ou l'ordre
public ".
A Paul-Cazelles, comme sur 10 des 11 camps du même genre,
il n'y avait que des hommes. On distinguait le personnel de surveillance
extérieure formé de militaires ou de gendarmes, et
le personnel de surveillance intérieure recruté sur
place, difficilement vers le fin : en février 1961 il n'y
eut plus de candidats volontaires pour cet emploi à Paul-Cazelles.
Il y avait aussi un officier d'action psychologique dépendant
du 5è bureau et chargé de prêcher la bonne parole,
voire de transformer d'anciens rebelles en soldats de la France.
Le matin le salut aux couleurs était obligatoire pour l'encadrement,
mais facultatif pour les détenus. Je ne sais pas à
quelle catégorie appartenait le camp de Paul-Cazelles ; CDA
(centre de détention administrative) ou CARS
(centre d'assignation à résidence surveillée).
Au printemps 1962 le camp changea de résidents
; les nationalistes du FLN furent remplacés par les suspects
de l'OAS.
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Pour ce qui concerne la desserte
par les transports publics il n'y eut nulle part en Algérie,
de bled mieux desservi : seuls les paquebots n'y ont jamais accosté.
Il y avait les auto-cars
blidéens de la ligne de Djelfa et ceux de la société
des transports tropicaux qui partaient traverser le Sahara. Paul-Cazelles
est à 210km d'Alger, 119 de Médéa et 95 de Djelfa.
Il y avait les trains de la ligne
de Blida à Djelfa.
Et il y avait enfin l'aérodrome qui
pouvait recevoir à peu près tous les types d'avions de l'époque,
je suppose, en tant qu'aérodrome de classe B, (c'est- à-dire
d'intérêt national). Seul Alger Maison-Blanche était
de classe A (intérêt impérial). Il y en avait 55 de
classe C (intérêt régional) et 22 de classe D (intérêt
local). Cette classification date de 1951 et figure dans un " document
algérien " publié par les services d'information du
Gouvernement Général. Les 4 aérodromes de classe
B étaient Paul-Cazelles, Bône, Oran et Aoulef dans le Tidikelt.
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