La basilique
DU NOUVEAU DANS LA CITÉ ANTIQUE
Enfouie, il y a encore quelques mois sous deux mètres de terre...
A TIPASA
une basilique été exhumée
Dédiée aux martyrs Pierre et Paul, elle est entourée
de centaines de tombes
Il est des ruines mortes et des ruines
vivantes. Tipasa la Romaine, Tipasa la Chrétienne, demeure étrangement
vivante. Sur ce qui fut jadis la fierté d'un empire, les hommes
se sont acharnés, le temps a lourdement pesé.
Mais ce corps mutilé a une âme. Une âme que nul tombeau
ne peut emprisonner. De cette cité sortie de terre s'élève
un étonnant message. Message d'espérance et message de
foi. Une civilisation renaît au plein jour, dans son éclatante
grandeur.
Il faut découvrir Tipasa à l'heure où le soleil
jette sur la campagne ses premiers rayons. Tipasa, terre de lumière
et terre de contrastes. Le vert des lentisques s'unit à l'argent
des armoises et le bleu de la mer tranche sur l'ocre des rochers. Dans
ce cadre admirable, il n'est pas de désolation. Et chaque matin
nouveau vient chanter l'allégresse d'une résurrection.
A cette miraculeuse renaissance, des hommes ont contribué. En
arrachant à l'oubli les vestiges d'un prestigieux passé.
Sans doute, parce qu'ils étaient, bien plus que tous les autres,
sensibles à ce que, dans " le Génie du christianisme
" Chateaubriand appelle " la poétique des morts "
- ces hommes ont nom : Stéphane Gsell, Albertini, Marcel Christophle,
Louis Leschi - Jean Baradez poursuit leur uvre. En étroite
collaboration avec ces infatigables animateurs que sont MM. Berton et
Rolls, le colonel Baradez chargé de mission par le Gouvernement
général - dirige depuis quatre ans les fouilles de Tipasa.
Ses efforts ont été, au cours des derniers mois, particulièrement
fructueux.
Il nous a guide dans les ruines, tout au long des cinq kilomètres
de sentier qu'il a fait tracer. Le colonel Baradez a réussi à
concilier les exigences de la recherche archéologique avec la
nécessité de mettre en relief le pittoresque du site.
Il afait planter 2.000 arbres qui donneront aux étendues dénudées
une ombre providentielle. Un panorama admirable sert désormais
de cadre à la plus passionnante des découvertes.
I - La basilique des bienheureux
Pierre et Paul
Visite ? Non_ Pèlerinage ! Ce monument que cernent des centaines
de tombes est un haut lieu de la foi, Cette basilique, dont l'assise a
été reconstituée, les chrétiens cle
Tipasa l'avaient consacrée " aux bienheureux martyrs Pierre
et Paul.
Il y a trois ans à peine, l'ouvrage étant enfoui sous deux
mètres de terre. Stéphane Gsell avait signalé l'existence
d'un enclos rectangulaire, quelque part sous les maigres labours qui bordaient
la nécropole de l'Est. Nul encore n'en avait trouvé trace.
La basilique, aujourd'hui exhumée, borde la route qui, de Césarée
menait à Icosium. De cette vole les fidèles accédaient.
par quelques marches, à un martyrium, enclos qui contenait des
sarcophages particulièrement vénérés. Ce martyrium
est accolé au mur de la basilique, mais ne communique pas avec
elle.
Marins, cultivateurs. Commerçants de Tlpasa venaient dans la basilique
honorer le Seigneur. Le clergé sortait processionnellement de la
petite sacristie qui donne sur la travée droite et arrivait, par
l'extrémité opposée à l'autel, dans la travée
centrale, travée séparée des deux autres par des
grilles dont on voit encore les encastrements.
Des centaines de tombes serrées
autour du sanctuaire
Sans doute construite vers le milieu du troisième siècle,
la basilique fut un sanctuaire particulièrement vénéré.
Tout autour d'elle sont venues se serrer des centaines de tombes. Animés
d'une fol ardente, ces chrétiens des premiers siècles se
plaçaient sous la protection des martyrs Pierre et Paul.
Pendant leur vie et après leur mort. Étroitement groupés
autour du sanctuaire, les caveaux emplissent même une petite carrière
où l'extraction des pierres tombales avait été abandonnée.r
Détails parfois naïfs, parfois touchants, toujours émouvants
: uncavalier a été inhumé avec sa monture, des époux
se sont fait enterrer dans des tombes jumelées...
Souvent détruite toujours
reconstruite
Placée à l'extérieur des remparts, la basilique eut
à subir bien des attaques. En l'an 372, les hordes révoltées
de Firmus, après avoir enlevé et incendié Césarée,
firent le siège de Tipasa. Défendue avec acharnement par
les habitants, l'enceinte résista victorieusement aux assauts répétés
des pillards. La basilique - hélas ! Détruite - fut reconstruite
plus belle et plus imposante.
Les Vandales aussi la ravagèrent, mais avec une admirable obstination
les Tipasiens répondirent à cet acharnement de destruction
en réédifiant la basilique et en l'agrandissant jusqu'au
mur d'enceinte,
L'âme de Tipasa est
là présente
Le sanctuaire sort aujourd'hui du néant. Cette basilique exhumée,
quel étonnant symbole ! Triomphe de la Foi sur les ravages du temps
et les persécutions des hommes...
Salsa, dit la légende, avait quatorze ans quand, dans son indignation
de voir adorer une idole de bronze, elle la brisa. et en lança
les débris à la mer. La populace en fureur lapida l'enfant
et la précipita, à son tour, dans les flots. La mer se déchaîna
dés qu'elle reçut le corps de l'enfant. Mais quand, à
l'entrée du port, un navigateur eut miraculeusement retrouvé
la petite morte, la mer s'apaisa et le vent tomba.
L'âme de Tipasa s'élève de ses ruines. Elle est là,
présente, sereine, malgré les vicissitudes, aussi sereine
que la mer après le martyre de la petite Salsa.
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