Alger,Tipasa
AUTOUR DES FÊTES ANTIQUES DE TIPASA
LA LÉGENDE DE SAINTE SALSA

Afrique du nord illustrée du 2-6-1923 - Transmis par Francis Rambert
Afrique du nord illustrée du 3 -6-1923

Les fêtes organisées le 24 juin, à Tipasa, par le Syndicat d'Initiative ont remporté un très vif succès. Une foule d'excursionnistes, parmi lesquels on remarquait nombre de personnalités algériennes, avaient répondu avec empressement à l'appel des organisateurs. Ils ne furent point déçus et revinrent enthousiasmés de leur randonnée sur la Côte de Turquoise, randonnée favorisée par une température d'une exquise fraîcheur et un clair soleil qui lit ressortir le coloris merveilleux îles paysages sahéliens. Le spectacle proprement dit, qui comportait des danses d'une haute conception artistique, fut un régal pour les yeux ; une conférence faite par M. le chef de bataillon Delay, à Sidi-Ferruch, près de la plage où, en 1830, débarquèrent les divisions envoyées par Charles X pour donner l'Algérie a la France, fut écoutée avec une attention soutenue et une émotion que nul ne songea à dissimuler.

Au pied du Chenoua, dans le décor splendide où fleurit jadis l'antique cité du roi Hunéric, on honora la mémoire de sainte Salsa, vierge et martyre, patronne de la ville. Voici la légende charmante que, durant le ballet antique, on nous a contée dans des termes dont nous ne saurions altérer l'ingénuité si évangéliquement chrétienne :

- Salsa, originaire de cette ville, naquit de parents païens encore plongés dans les ténèbres du culte idolâtrique. Seule de la famille, elle avait reçu la lumière de la foi et vu briller dans son cœur le soleil de la vérité. Méprisant les dons de la nature qui étaient, en elle, nombreux et charmants, elle dédaigna la noblesse qu'elle tenait de sa naissance, pour que, morte au monde, elle n'eût plus à vivre que pour le ciel. A cette époque, la superstition païenne régnait encore avec toutes ses impostures et la foi chrétienne était rare, mais elle n'en était que plus forte.

Il y avait, dans la ville, un endroit admirablement choisi pour l'emplacement d'un édifice destiné au culte. C'est la colline qui, solidement assise sur sa base de rochers, se dresse au centre de l'agglomération et la domine de tous côtés. Elle s'avance à pic au milieu des flots, leur opposant un double flanc et elle est souvent arrosée de leur écume qui retombe en pluie sur les bords. C'est sur cette éminence que, de tous temps et dès la fondation de la cité, les habitants avaient établi le culte de leurs idoles, ce qui lui avait valu le nom de Colline des Temples, parce que les temples des divers dieux y avaient été réunis comme pour les soustraire au tumulte et au bruit de la ville.


*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1923. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
N.B : CTRL + molette souris = page plus ou moins grande

TEXTE COMPLET SOUS CHAQUE IMAGE

ici,aout 2021

1 500 Ko
retour
 

AUTOUR DES FÊTES ANTIQUES DE TIPASA

AUTOUR DES FÊTES ANTIQUES DE TIPASA


AUTOUR DES FÊTES ANTIQUES DE TIPASA
AUTOUR DES FÊTES ANTIQUES DE TIPASA
LA LÉGENDE DE SAINTE SALSA

Les fêtes organisées le 24 juin, à Tipasa, par le Syndicat d'Initiative ont remporté un très vif succès. Une foule d'excursionnistes, parmi lesquels on remarquait nombre de personnalités algériennes, avaient répondu avec empressement à l'appel des organisateurs. Ils ne furent point déçus et revinrent enthousiasmés de leur randonnée sur la Côte de Turquoise, randonnée favorisée par une température d'une exquise fraîcheur et un clair soleil qui lit ressortir le coloris merveilleux îles paysages sahéliens. Le spectacle proprement dit, qui comportait des danses d'une haute conception artistique, fut un régal pour les yeux ; une conférence faite par M. le chef de bataillon Delay, à Sidi-Ferruch, près de la plage où, en 1830, débarquèrent les divisions envoyées par Charles X pour donner l'Algérie a la France, fut écoutée avec une attention soutenue et une émotion que nul ne songea à dissimuler.

Au pied du Chenoua, dans le décor splendide où fleurit jadis l'antique cité du roi Hunéric, on honora la mémoire de sainte Salsa, vierge et martyre, patronne de la ville. Voici la légende charmante que, durant le ballet antique, on nous a contée dans des termes dont nous ne saurions altérer l'ingénuité si évangéliquement chrétienne :

- Salsa, originaire de cette ville, naquit de parents païens encore plongés dans les ténèbres du culte idolâtrique. Seule de la famille, elle avait reçu la lumière de la foi et vu briller dans son cœur le soleil de la vérité. Méprisant les dons de la nature qui étaient, en elle, nombreux et charmants, elle dédaigna la noblesse qu'elle tenait de sa naissance, pour que, morte au monde, elle n'eût plus à vivre que pour le ciel. A cette époque, la superstition païenne régnait encore avec toutes ses impostures et la foi chrétienne était rare, mais elle n'en était que plus forte.

Il y avait, dans la ville, un endroit admirablement choisi pour l'emplacement d'un édifice destiné au culte. C'est la colline qui, solidement assise sur sa base de rochers, se dresse au centre de l'agglomération et la domine de tous côtés. Elle s'avance à pic au milieu des flots, leur opposant un double flanc et elle est souvent arrosée de leur écume qui retombe en pluie sur les bords. C'est sur cette éminence que, de tous temps et dès la fondation de la cité, les habitants avaient établi le culte de leurs idoles, ce qui lui avait valu le nom de Colline des Temples, parce que les temples des divers dieux y avaient été réunis comme pour les soustraire au tumulte et au bruit de la ville.

Au moment où commence notre histoire, la plupart de ces édifices religieux, délaissés, étaient tombés en ruines. Seul, un temple était resté debout. Là, résidait un dragon d'airain à la tète dorée et aux yeux étincelants de pierreries. Plus tard, il fut remplacé par une synagogue juive ; mais, aujourd'hui, l'emplacement a été purifié par la célébration durant des siècles du culte chrétien.

Un jour, les parents de Salsa se rendirent au temple avec les autres païens pour accomplir leurs rites impies. Ils entraînèrent avec eux la jeune vierge ; mais, chez elle, la vivacité de la foi devançait les années ; elle marchait en tremblant, chancelant sur ses jambes brisées par le chagrin que lui causaient de si coupables erreurs. Son cœur frémissait d'anxiété et d'horreur, agitée qu'elle était peut-être aussi par le pressentiment du martyre ; mais, néanmoins sûre d'avance de la victoire, elle savourait déjà dans le secret de son âme les joies du triomphe.

En arrivant au temple, elle le trouve envahi par les danseurs du culte démoniaque, les murailles enguirlandées de lauriers, les colonnes disparaissant sous la verdure du myrte et du peuplier, les portes encadrées de bouquets de roseaux, les vestibules garnis de tapisseries, les tentures flottant le long du portique et, au milieu de ces décorations, les prêtres païens, vêtus avec un luxe digne de ces coupables réjouissances, étalant leur majesté impie, les yeux hagards, le visage décomposé et promenant sur la foule des regards pleins de dédain et de mépris.

A la vue de ce qu'elle considère comme des abominations, la jeune fille sent son âme bouillonner de colère ; après avoir essayé en vain de contenir le courroux qui soulève son sein, elle interpelle la foule et invective même la divinité du lieu :
- Je porte défi, s'écrie-t-elle, à votre dragon. Refrénez votre fureur insensée, calmez votre violence et fixez vous-mêmes les conditions du combat. S'il est vainqueur, qu'il soit votre dieu ! Mais si je triomphe, il me suffira de vous avoir démontré qu'il n'est qu'une vaine image et par de pieuses exhortations, je vous conduirai de vos erreurs au culte du vrai Dieu !

Les païens se soucièrent peu des paroles de la jeune fille et les libations continuèrent. Au bout de quelques moments, les assistants, succombant à la lourde torpeur de l'ivresse, jonchaient le sol du temple de leurs corps enchevêtrés.

Salsa, qui n'avait point participé à ces réjouissances incorrectes, résolut de mettre à profit l'ébriété générale pour mener à bien un projet qu'elle caressait depuis son arrivée dans le sanctuaire : décapiter le dragon et jeter la tète dans la mer qui mugit au bas de la colline sacrée. Elle y parvint avec la plus grande facilité.

A leur réveil, les païens se répandirent en lamentations et en menaces, mais ne tardèrent pas, la réflexion aidant, à se rendre compte qu'il leur serait facile de découvrir l'auteur du sacrilège, quand il retournerait au temple parachever son œuvre de destruction.

Ils ne se trompaient pas. La jeune fille, victorieuse une première fois, ne tarde pas à revenir à la charge.

La ferveur l'entraîne, sa faiblesse la retient ; mais dans le conflit entre l'esprit et la chair, c'est la piété qui l'emporte et met fin aux hésitations. Elle s'approche du temple, en ouvre les portes, débarrasse le passage, écarte la barrière du sanctuaire : voici la voie libre pour enlever les restes de l'idole qui, décapitée, érige encore dans le temple maudit sa détestable architecture. Elle prie avec passion.

Puis elle rassemble toute son énergie pour descendre de son piédestal le corps du dragon ; car, malgré la perte de sa tête, l'idole continue à jouir, de la part de ce peuple égaré, d'une faveur inébranlable. Ce n'est qu'à grand-peine que Salsa parvient à ébranler la lourde masse d'airain, à la descendre à terre et à la traîner vers le gouffre amer. Enfin, les débris de l'idole roulent dans les Îlots, non sans produire un terrible fracas. Les gardiens apostés accourent, se saisissent de la vierge en poussant de grands cris. Au bruit de leurs vociférations, la foule se précipite en hurlant, ivre de fureur ; les coups tombent sur la pauvre fille qui supporte stoïquement la colère des païens. Vivante, on déchire son corps ; morte, on la traîne sur les rochers ; on lui lie les pieds et les mains et on la tire en tous sens ; acharné contre son cadavre mutilé, le peuple la lapide, la frappe de verges et de coups d'épée. Puis on la précipite dans les flots !...
La mer reçoit le précieux dépôt et, adoucissant ses vagues, elle lui en fait une couche moelleuse.

Si le meurtre de Salsa n'avait pu être tenu secret, l'odieux outrage fait à la morte avait été soigneusement caché par les prêtres.
Presque au même moment, arrivant des rivages gaulois, s'arrête devant le port le vaisseau d'un certain Saturninus.
Or, voilà que, tout à coup, le mugissement de la mer démontée s'élève avec fracas, les Îlots s'agitent et tourbillonnent.
Le navire de Saturninus est couvert par les lames ; l'équipage lutte désespérément, mais il semble qu'il ne va pas tarder à succomber devant la fureur îles éléments déchaînés.
Cependant, au milieu de ces assauts furieux, le capitaine est brusquement envahi par un profond sommeil que traverse un songe effrayant. Il est averti qu'il périra corps et biens s'il ne retire, pour l'ensevelir décemment, le corps de la martyre, qui repose sous la carène même de son navire.
Plusieurs fois, le même avertissement est renouvelé ; l'équipage semble déjà vouloir abandonner le navire que les assauts réitérés de lames incessamment accrues secouent de plus en plus fort.
Saturninus voyant sa perte imminente, se décide enfin à exécuter l'ordre si souvent et si impérieusement intimé.
Il plonge au milieu des flots, dont la surface, par leurs mouvements incessants et par le souffle impétueux des vents, s'était couverte d'écume blanche et avait pris l'aspect tourmenté d'une toison.
Aussitôt, sa main guidée par le ciel rencontre la ceinture de la bienheureuse martyre. Saisissant le cadavre qui flottait entre deux eaux, il remonte à la surface, chargé pour ainsi dire d'un fardeau divin.
A peine les reliques sacrées émergent-elles des flots que la mer se calme, le vent cesse, les vagues s'apaisent, l'écume disparaît, la tempête retient sa fureur, le ciel se rassérène.
On hisse à bord le corps de Salsa ; puis l'équipage entier, laissant à la garde de Dieu les richesses accumulées sur le navire de Saturninus, se rend sur le rivage pour ensevelir la dépouille mortelle de la vierge martyre avec toute la piété et la vénération qu'elle mérite.
Au milieu du peuple édifié et repentant, cette sépulture revêt le caractère d'un triomphe...
Bientôt une basilique, dont les ruines portent encore son nom, recouvrirait pieusement les restes de sainte Salsa.
En même temps, les marins et leur chef célébraient en ferventes actions de grâce l'insigne faveur qu'ils avaient obtenue du ciel d'être d'abord arrachés à une mort certaine et ensuite d'être appelés à publier le martyre de la noble fille dans ce milieu hérétique et idolâtre.
Pour être complet, ajoutons que M. Robert Migot, notre rédacteur en chef, achève actuellement un roman intitulé Sainte Salsa, Martyre, où, tout en respectant scrupuleusement la tradition chrétienne, il fait éclore, à l'ombre des pins parasols du Sahel et dans les murs sacrés de la cité célèbre la plus fraîche et la plus pure des idylles. Nous en publierons prochainement un chapitre.