Alger,Tipasa
LE TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE
Afrique du nord illustrée du 31-1-1920 - Transmis par Francis Rambert

Que l'on se trouve du coté de la Mitidja ou de l'autre côté du Sahel, le tombeau de la Chrétienne apparaît de très loin aux yeux du voyageur cheminant dans la plaine. Au sommet de cette colline qui va de Bérard à Tipasa, sa masse énigmatique s'élève vers le ciel et bosselle l'horizon tranquille de sa mystérieuse éminence.

Puis, à mesure que l'on se rapproche, cette masse confuse prend forme, des détails s'accentuent, et. l'on se trouve en présence d'un vaste, édifice cylindrique à facettes reposant sur un plateau carré surmonté d'un cône à gradins. Les dimensions primitives qui atteignaient quarante mètres pour la hauteur et soixante quatre mètres de. diamètre à la base, ne se sont guère modifiées.

Soixante colonnes engagées, d'ordre ionique très ancien, courent tout à l'entour du monument percé de quatre portes, situées aux quatre points cardinaux.

On pénètre dans l'hypogée par une ouverture pratiquée au-dessus de la fausse porte Est. A peine entré, le visiteur se trouve dans un caveau de forme rectangulaire appelé " caveau des lions". Dans le fond de celui-ci on aperçoit, encore une fouille remontant à l'époque byzantine et, qui s'avance, sur une longueur de sept mètres environ, au-dessous de l'édifice.

Au-dessus d'un passage sont ciselés dans la pierre le lion et la lionne qui ont donné leur nom à. ce premier caveau. Ces animaux symbolisaient, dans les tombeaux de l'ancienne Égypte, le dieu Shou, un des noms du soleil levant, et la déesse Tawnout, fillee de ce dernier.

De ce caveau, part un escalier donnant accès à un couloir spacieux qui mène aux chambres funéraires et où sont aménagées de petites niches, destinées à recevoir, comme dans les catacombes de l'antique Rome, des lampes en ferre cuite.
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2.-A PROPOS DE L'ORIGINE DU TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE
Afrique du nord illustrée du 6-1-1923 - Transmis par Francis Rambert

3.- LE TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE
Afrique du nord illustrée du 1-9-1923 - Transmis par Francis Rambert

ici, juin 2021

4.- Le Tombeau de la Chrétienne et le Mêdracen
Les plus anciens observatoires astronomiques connus de l'Afrique du Nord.

Afrique du nord illustrée du 9-2-1935 - Transmis par Francis Rambert
ici, déc.2021

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A PROPOS DE L'ORIGINE DU TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE

LE TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE

Que l'on se trouve du coté de la Mitidja ou de l'autre côté du Sahel, le tombeau de la Chrétienne apparaît de très loin aux yeux du voyageur cheminant dans la plaine. Au sommet de cette colline qui va de Bérard à Tipasa, sa masse énigmatique s'élève vers le ciel et bosselle l'horizon tranquille de sa mystérieuse éminence.

Puis, à mesure que l'on se rapproche, cette masse confuse prend forme, des détails s'accentuent, et. l'on se trouve en présence d'un vaste, édifice cylindrique à facettes reposant sur un plateau carré surmonté d'un cône à gradins. Les dimensions primitives qui atteignaient quarante mètres pour la hauteur et soixante quatre mètres de. diamètre à la base, ne se sont guère modifiées.

Soixante colonnes engagées, d'ordre ionique très ancien, courent tout à l'entour du monument percé de quatre portes, situées aux quatre points cardinaux.
On pénètre dans l'hypogée par une ouverture pratiquée au-dessus de la fausse porte Est. A peine entré, le visiteur se trouve dans un caveau de forme rectangulaire appelé " caveau des lions". Dans le fond de celui-ci on aperçoit, encore une fouille remontant à l'époque byzantine et, qui s'avance, sur une longueur de sept mètres environ, au-dessous de l'édifice.

Au-dessus d'un passage sont ciselés dans la pierre le lion et la lionne qui ont donné leur nom à. ce premier caveau. Ces animaux symbolisaient, dans les tombeaux de l'ancienne Égypte, le dieu Shou, un des noms du soleil levant, et la déesse Tawnout, fillee de ce dernier.
De ce caveau, part un escalier donnant accès à un couloir spacieux qui mène aux chambres funéraires et où sont aménagées de petites niches, destinées à recevoir, comme dans les catacombes de l'antique Rome, des lampes en ferre cuite.

Aux deux-tiers environ du couloir on rencontre de nouvelles fouilles s'étendant sur une distance de. seize mètres. Les objets qui y furent trouvés, monnaies qui pour les plus récentes dataient de l'époque byzantine, débris de poterie et de plats décorés de symboles chrétiens tels que le monogramme du Christ, la croix gemmée et. la colombe semblent indiquer clairement que cette dernière fouille remonte à l'époque romaine.

En s'enfonçant plus avant, dans la galerie, après un tournant brusque, on pénètre dans les deux caveaux funéraires du centre de l'hypogée;.
La fermeture en était assurée par des portes en forme de dalles qui s'ouvraient à l'aide d'un levier. Toutes ces dalles furent brisées lors de la violation des caveaux.

En 1865, époque à laquelle MM. Berbrugger et Mac Carthy explorèrent; l'hypogée, ces chambres funéraires étaient complètement vides.
De nos jours, quelques archéologues croient fermement à l'existence probable d'autres caveaux souterrains.

La chose ne parait, pas impossible et semble devoir être exacte; si l'on se trouve en présence d'un mausolée destiné à quelque empereur romain. Si, au contraire, ce mausolée est un tombeau indigène, l'hypothèse d'autres caveaux doit être rigoureusement écartée.

Bien des faits, cependant, semblent, légitimer la deuxième version.

La plus vieille mention qui ait été faite au Tombeau de la Chrétienne; remonte en l'an 25 ou 26 de notre ère. A cotte époque, Pomponius Mela relate et consigne dans son ouvrage De Sila Orbis la présence, à l'Ouest d'Iol, sur le bord de la mer, jadis inconnu et illustre à présent pour avoir été la cité royale de Juba, le mausolée commun à la famille royale.

Dans le texte latin, Juba fuit indique que Juba était déjà mort, à l'époque de cette narration. Juba mourut en l'an 23 ; sa femme Cléopâtre Seléné était morte quelques années auparavant, on en déduisit par la suite qu'ils avaient dû être déposés dans ce mausolée.

Si ce fait s'était produit; il est de toute évidence que Pomponius Mela, qui écrivait deux ans après la mort de Juba, l'eut mentionné en relatant dans son ouvrage la présence, à l'Ouest d'Iol, de ce mausolée commun à la famille royale, monumentum commune regiae gentis.

Une autre remarque très importante vient naturellement aussi à l'esprit, de ceux qui soutiennent, non sans raisons, que le Tombeau de la Chrétienne fut la sépulture, de quelque chef indigène. La coutume romaine, tout à l'opposé de la coutume indigène, exigeait que l'on inhumât les morts et les personnages officiels à l'entrée des villes et en dedans de l'enceinte. Or, le Tombeau de la Chrétienne, loin de réaliser cette dernière condition, se trouve, au contraire, éloigné et situé sur une colline des environs de la ville de Juba.

D'autre part, dans ses Acta Sanctae Salsae, un écrivain de l'époque nous dit de quelle profonde vénération les indigènes de la région de Tipasa entouraient les premiers rois arabes du pays, avant l'occupation romaine.

En 1914, des fouilles faites dans une basilique, près de Tipasa, mirent à jour une mosaïque dont l'Afrique du Mord Illustrée donna une reproduction, et sur laquelle se distinguaient, des figures de chefs indigènes du pays. Au centre se trouvaient, représentés un homme, une femme et un enfant enchaînés.
Il ne serait pas étonnant que nous ayons sous les yeux, sur la mosaïque découverte dans l'abside de la. basilique de Tipasa, les traits de ceux qui furent les rois ou les chefs du pays et dont le Tombeau de la Chrétienne aurait été la sépulture.

Il est présumable que ce mausolée fut ouvert lors des premières invasions et depuis la trace, de l'entrée primitive a complètement disparu.
Pendant de nombreux siècles l'histoire est muette sur ce sujet et nul écrit ne mentionne l'existence de ce monument funéraire.
Les premières recherches dont il nous reste un souvenir précis datent de 1555. Elles furent entreprises par Salah Raïs, pacha d'Alger. A cette époque le tombeau était presque intact et Salah Raïs eut l'idée, pour se pratiquer une brèche dans l'édifice, d'en démolir une partie à coups de canon.
Ces recherches demeurèrent infructueuses, comme toutes celles, du reste, qui suivirent jusqu'en 1865, date à laquelle MM. Berbrugger et Mac Carthy parvinrent à résoudre la première partie de ce problème historique et archéologique.

Il ne reste plus.à l'heure actuelle qu'à démontrer l'existence ou la non existence des caveaux que l'on suppose enfouis encore sous le mausolée.

Une série de sondages, faite dans la masse même du monument, jusqu'au niveau du sol el. du niveau du sol jusqu'à une profondeur de H'"0"> par les soins de
MM. Berbrugger et Mac Carthy a démontré que le sol de la galerie intérieure se trouvait à'I 111 03 au-dessus du terrain vierge.

Du sol du monument jusqu'à une profondeur de Nm 03, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'espace recouvert parl a base du mausolée, on n'a rencontré que des couches de grès argileux rouge, de la marne jaunâtre pure et de la marne sableuse ; en conséquence, rien à espérer jusqu'à cette profondeur.

Ce n'est qu'à soixante-trois mètres de profondeur, d'après les constatations que j'ai pu faire au cours de récents travaux hydrologiques entrepris dans les parages immédiats du Tombeau de la Chrétienne, que l'on rencontre une épaisseur de banc calcaire d'une soixantaine de mètres d'épaisseur.

Il faudrait, alors supposer les chambres sépulcrales creusées dans cette couche calcaire, et. leur accès n'en serait permis que par le palier de la porte Est dont les pierres sont, agrafées au moyen d'attaches de bois et de plomb en forme de queues d'aronde, reliées de la même manière que les assises de pierre du monument.

Là, peut être, et seulement là, existe, à une centaine de mètres de profondeur, l'entrée des caveaux.

Espérons qu'un jour prochain de nouvelles recherches éclairciront enfin le mystère dans lequel demeure, obstinément, enveloppé, depuis vingt siècles, le monumentum commune regiae gentis !

 

A PROPOS DE L'ORIGINE DU TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE

A PROPOS DE L'ORIGINE DU TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE

On a parlé souvent de ce mausolée dominant, d'une croupe du Sahel, toute la plaine de la Mitidja. Jusqu'à ce jour on en était réduit à des conjectures sur son origine et sur l'époque à laquelle il fut élevé. Seul un texte de quelques mots, d'un géographe du Ier siècle, indiquait, en signalant les principales villes de l'Afrique septentrionale de son temps, ce monument qui, à cette époque, avait son importance, par ces simples mots Monunentum commune regiae gentis (Monument commun de la famille royale). Depuis cette unique mention du tombeau, rien n'est venu éclaircir son histoire. Ces derniers temps, lors de la restauration partielle de ce mausolée par le Service des Monuments historiques et sous la direction de M. Marcel Christofle, architecte de ce service, de nouvelles découvertes paraissant au premier abord insignifiantes, éclairèrent d'un jour nouveau l'histoire de ce monument. Il s'agissait de traits tracés sur un certain nombre de pierres d'assises du tombeau, que M. Marcel Christolfle prit soin de recueillir au fur et à mesure de leur découverte.

Or, sur les monuments élevés dans la période antérieure à l'occupation romaine et les édifices indigènes, se retrouvent les mêmes signes que ceux rencontrés sur les pierres d'appareillage du Kober Roumia ou Tombeau de la Chrétienne. En identifiant l'alphabet d'où proviennent ces signes, on pourra déterminer l'époque à laquelle ce mausolée fut élevé. En les comparant avec les caractères de l'alphabet phénicien ou punique (car il ne faut pas oublier que le punique était le phénicien des colonies africaines avant l'occupation romaine, ainsi que le mentionnent des historiens tels que Strabon, Procope et Saint-Augustin), on s'aperçoit qu'ils ressemblent étrangement aux caractères phéniciens ou puniques. Il y a toutefois une remarque très importante à signaler, c'est que ces signes ne sont pas isolés et forment des phrases écrites comme les écrivaient les Tamahou, ancêtres des Numides, en relation étroite avec les Égyptiens, dont ils avaient emprunté le système graphique, encore conservé chez les Touaregs, et spécialement réservé aux inscriptions funéraires. En dehors de la similitude des caractères relevés sur les pierres du Tombeau avec l'écriture en usage de nos jours chez les Touaregs, il y a lieu de noter qu'une certaine analogie existe entre le genre de sépulture du Tombeau et celui pratiqué parmi les tribus nomades des Chambaa. Il existe, dans les monuments funéraires de ces peuplades sahariennes, la même orientation Nord-Sud du caveau central, avec petit plateau à l'Est précédant l'entrée et allée tournant autour de la crypte, comme au Tombeau de la Chrétienne ; les mêmes caractères d'inscriptions funéraires s'y remarquent aussi.

Il n'y a rien d'impossible à ce qu'à une époque très lointaine les ancêtres des maîtres du désert aient habité les bords de la mer et que, par suite de refoulements successifs, ils aient été repoussés dans le désert. Si l'on relève, sur la carte archéologique, les emplacements signalés des tombeaux indigènes, depuis la Tunisie jusqu'au désert, on peut suivre la marche des anciens peuples indigènes et constater leur refoulement progressif, ainsi que les endroits où ils ont séjourné le plus longtemps ; ces endroits sont marqués par un grand nombre de bazinas, chouchets et djeddars.

Parmi ces tombes, il y en a de plus importantes les unes que les autres, cylindriques comme le Médracen et le Tombeau de la Chrétienne, avec des diamètres supérieurs à 50 mètres, mais n'ayant pas les mêmes décorations et qui ont pu, elles aussi, être les tombes des principaux chefs indigènes du pays. Il serait utile, pour l'histoire, de faire une étude approfondie de ces nombreuses nécropoles et de se rendre compte si elles appartiennent au même peuple dont le mausolée du Kober Roumia abrita la dépouille de l'un des principaux rois.

Nous donnons ci-contre les principaux signes trouvés sur les pierres d'assises du Tombeau. Nous nous sommes efforcés d'en faire la traduction au moyen d'un dictionnaire Tamaheq ; ils reproduisent assez exactement les termes en usage avant le premier siècle chez les tailleurs de pierre. Le signe n° 1 parait signifier auprès, à côté, contre ; le n° 2, qui est un caractère composé d'un V et d'un D, signifierait dans cet endroit-là ; ce même signe se retrouve sur les pierres de l'amphithéâtre d'El-Djem, en Tunisie. II y aurait là un certain rapprochement à faire pour déterminer l'époque de la construction de ces deux édifices. Le n° 3 parait marquer une destination : le n° 4 se traduit par enfoncer auprès ; le n° 5, enfoncer contre. Un certain nombre de pierres portent le signe n° 6, qui parait se traduire par le verbe excéder, outrepasser, aller au delà ; ce signe se retrouve principalement sur les tambours des colonnes qui entourent le monument ; l'interprétation de outrepasser, excéder et aller au delà serait donc assez justifiée. Le n° 7 signifierait à la place de : la suivante, n° 8, à côté de ; le n° 9, à la place de ; le n° 10, envelopper ; le n° 11, rouler ; d'autres, sous les n° 12 à 16 reproduisent des caractères purement phéniciens, mais dans le genre de l'écriture des Tamalous, et paraissent former des phrases ; des n° 17 à 22 sont simplement des caractères phéniciens séparés.

D'après ces nouvelles découvertes, on est à même de voir que ce mausolée porte sur lui la signature de ceux qui l'ont élevé à la gloire de leur chef, mais ces empreintes ne nous donnent pas, malheureusement, la date de son érection...
Ce qui est certain, c'est que ce Tombeau, par ses signes, est certainement d'origine punique et qu'il existait déjà vers l'an 45 de noire ère, époque où Pomponius Mela vivait.

Dans un prochain article nous verrons en quel honneur ce Tombeau fut élevé et vers quelle époque.

N. D. L. R. - Il n'est pas dans nos intentions le discuter les hypothèses hardies de notre excellent collaborateur, M. Henri Murat, et nous accueillerons, avec le plus vif intérêt, les données nouvelles qu'il apportera sur le mausolée mystérieux. Rappelons, toutefois, qu'à ce jour l'histoire et les légendes le plus généralement admises de ce tombeau sont les suivantes :
" Ce mausolée dont un auteur latin du Ier siècle après J.-C, Pomponius Mela, constate l'existence, dit M. Monmarché, a servi de sépulture à une famille de rois maures, monumentum commune regiae gentis. On admet d'ordinaire, mais sans preuve, certaine, qu'il représente un tombeau punique datant du Iième siècle avant J.-C.

Le peuple arabe a sa légende du Tombeau de la Chrétienne. Un Arabe de la Mitidja, nommé Ben Kassem, ayant été fait prisonnier de guerre par les chrétiens, fut emmené en Espagne, où, vendu comme esclave à un vieux savant, il ne passait pas de jour sans pleurer sur sa captivité. " Écoute, lui dit un jour son maître, je puis te rendre à ta famille et à ton pays, si tu veux me jurer de faire tout ce que je vais te dire. Tout à l'heure, tu t'embarqueras ; quand tu verras ta famille, passe trois jours avec elle ; tu te rendras ensuite au Tombeau de la Chrétienne, et là, tu brûleras le papier que voici, sur le feu d'un brasier et tourné vers l'Orient. Quoi qu'il arrive, ne t'étonne de rien et rentre sous sa tente. Voilà tout ce que je te demande en échange de la liberté que je te rends. " Ben Kassem fit ponctuellement ce qui lui avait été recommandé ; mais à peine le papier qu'il avait jeté dans le brasier fut-il consumé, qu'il vit le Tombeau de la Chrétienne s'entr'ouvrir pour donner passage à un nuage de pièces d'or et d'argent qui s'élevait et filait du côté de la mer, vers le pays des chrétiens. Ben Kassem, immobile d'abord à la vue de tant de trésors, lança bientôt son burnous sur les dernières pièces, et il put en ramener quelques-unes. Quant au tombeau, il s'était refermé de lui-même. Ben Kassem garda longtemps le silence ; mais il ne put à la fin se retenir de conter une aventure aussi extraordinaire qui fut bientôt connue du pacha lui-même. La légende veut que ce pacha ait été Salah Raïs, qui régna de 1552 à 1556. Salah Raïs envoya aussitôt un grand nombre d'ouvriers au Tombeau de la Chrétienne, avec ordre de le démolir et d'en rapporter les trésors qu'ils y trouveraient. Mais le monument avait été à peine entamé qu'une femme, apparaissant sur le sommet de l'édifice, étendit ses bras sur le lac, au bas de la colline, en s'écriant : "Halloula ! Halloula ! à mon secours !" Et aussitôt une nuée d'énormes moustiques dispersa les travailleurs qui ne jugèrent pas à propos de revenir à la charge. Plus tard. Baba Mohammed ben Othmane, pacha d'Alger, de 1766 à 1791, fit démolir à coups de canon, et sans plus de succès, le revêtement Est du Tombeau de la Chrétienne. "


 

LE TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE

LE TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE

Dans un précédent article, notre collaborateur, M. Henri Murat, s'était efforcé de démontrer, par l'examen de certains signes relevés sur les blocs composant le Tombeau de la Chrétienne, que ce mausolée remontait à une lointaine époque postérieure à la construction du Medracen, autre mausolée des anciens rois de Numidie, situé dans le département de Constantine.

Voici la. continuation de l'exposé de M. Henri Murat :
... A côté des preuves épigraphiques quee nous avons apportées ici même, nous allons, autant qu'il sera-possible de le faire, exposer les raisons de notre conviction en nous appuyant sur l'Histoire des rois qui se sont succédé dans la région de Cherchell, afin de donner l'explication la plus claire possible de la mention monumentum regiae gentis que consacre Pomponius Mela au tombeau, dans son ouvrage intitulé De situ orbis.

Quels étaient ou avaient été les rois de celte région '?

Depuis peu d'années. Rome avait divisé la Numidie en deux parties pour récompenser Bocchus des services rendus à la République romaine.
In de ces rois indigènes, Juba Ier , successeur de Hiempsal, mourut à Tapsus.

A sa mort, tout le territoire compris entre la rivière Ampsaga et le méridien de Saldae (Bougie), moins la ville de Cirtha et ses environs, fut accordé à Bocchus IL au détriment de Massinissa, allié de Juba, et qui, par sa famille, avait des droits sur l'ancien royaume de Tarbas. Un autre roi, Rogud, de la même famille, mourut à Méthone et laissa son royaume à Bocchus II. Ce dernier établit sa résidence à Iol (Cherchell) et devint ainsi roi de la région, vers l'an 50 avant J.-C.
Cela est affirmé par un auteur latin. Solin, qui s'exprime en ces termes : Colonia caesarea... a divo Claudio deducta, Bocchi prius regia. " postmodum Jubae... ". Donc, à cette époque, il ne pouvait exister de monumentum commune regiae gentis, puisqu'il n'y avait pas de famille royale dans la province et que le tombeau des rois de Numidie était le Medracen, de la province numide.

On sait que Bocchus fit sa capitale de Iol, qui devait devenir Césarée sous son successeur et qu'il y mourut l'an 33 de J.-C.

Si, comme l'exigeait la coutume à ces époques lointaines, chaque roi devait élever le mausolée où il reposerait après sa mort, Bocchus II a fort bien pu en commencer la construction. En admettant même que celle-ci n'ait été entreprise qu'à sa mort, en 33, ce serait entre les années 45 avant J.-C. et 33 après J.-C. que le monument signalé par Pomponius Mela aurait été bâti, dans un laps de temps de 78 ans environ. Il est ainsi parfaitement admissible que sa crypte ait renfermé les corps du premier roi de la région, Bocchus II et de son successeur, Juba II, qui mourut en 25, de J.-C,

Je fais une restriction au sujet de Cléopâtre Séléné, sa femme, car c'était l'usage de réserver les tombes royales aux têtes ayant régné. Un mur séparait les sépultures des reines et des autres membres de la famille ; il ne serait nullement surprenant de retrouver l'emplacement des tombes des membres de la famille des Bocchus et des Juba dans les environs du monument. Il en est ainsi d'ailleurs pour le Medracen situé, nous l'avons dit, dans les environs de Batna. Au temps des Pharaons, l'Égypte pratiquait ainsi.

La présence des deux caveaux dans le monument rend vraisemblable l'hypothèse de l'inhumation en cet endroit de Bocchus II et de Juba II, sous la réserve toutefois de l'existence d'autres salles funéraires dans la masse ou sous l'hypogée : ainsi, les deux cryptes actuellement accessibles ne seraient que des chapelles anniversaires précédant un spéos.

Une des photos que nous reproduisons montre, littéralement hachée d'inscriptions indélébiles, l'entrée de la grande galerie. On y remarque un lion et une lionne affrontés. Dans les mausolées de l'ancienne Égypte, ces animaux symboliquement opposés, désignaient le dieu Shou et la déesse Tewnoul. Le premier était l'un des noms du soleil levant, c'était la déification de la lumière du disque solaire. Shou était aussi appelé le fils de Ra, parce que le soleil levant, chez les Égyptiens, était le successeur de l'astre de la veille et la déesse Tewnoul était dite la fille du soleil.

Ils étaient placés souvent à l'entrée des tombeaux pour préserver le kâ ou le double des trépassés, des malheurs infernaux. La présence de ces deux animaux à l'entrée de la grande galerie est donc toute naturelle...

Il est permis de conclure qu'il y a, dans l'étude de monument, quantité de rapprochements à faire avec les particularités des tombeaux de l'Égypte ancienne. Les dalles-portes qui se rencontrent dans tous les mausolées égyptiens, l'ouverture au soleil levant, les quatre fausses portes entre autres sont, à cet égard, significatives.

Une seule chose est nouvelle et n'existe ni dans les tombeaux de la vallée du Nil, ni au Medracen, ce sont les voûtes en berceau des caveaux ci des galeries qui révèlent l'influence de l'architecture grecque dont Juba II était un admiraient fervent...

Dans sa majesté le Tombeau de la Chrétienne gardait jalousement le secret de son origine et de ses vicissitudes ; une restauration a été tentée ; elle a retiré au mausolée tout charme et toute poésie.

Les broussailles qui ajoutaient au pittoresque du lieu ont été arrachées ; une affreuse maison enlaidit l'esplanade Nord-Est ; des inscriptions - et quelles inscriptions ! - montrent que les derniers vandales n'ont pas vécu sous le roi Hunéric.

Le Tombeau de la Chrétienne et le Mêdracen
Le Tombeau de la Chrétienne et le Mêdracen
Les plus anciens observatoires astronomiques connus de l'Afrique du Nord.

Le Tombeau de la Chrétienne est avec le Mêdracen du département de Constantine, le monument le plus ancien connu, quoique l'on ignore encore actuellement quelle fut sa destination primitive et le nom de son fondateur.

Un auteur espagnol Pomponius Mêla, dans son ouvrage : De Situ Orbis, dit ceci en latin, et dont voici la traduction littérale : Iol (Césarée, Cherchell), sur le bord de la mer, jadis inconnu ; illustre maintenant pour avoir été la Cité royale de Juba et parce qu'il se nomme Césarée. En deçà (à l'Ouest) , les bourgs de Cartenna et d'Arsennaria, le Château de Quiza, le golfe de Laturus et le fleuve de Sardabale ; au delà (à l'Est), le Monument commun de la famille royale ; ensuite, Icosium (Alger) . La mention de ce monument avec les principales villes du littoral fait supposer qu'il devait avoir une grande importance.

Mais qu'était-il ? C'est ce que se sont demandées et ce que se demandent de nos jours les générations qui se sont succédé dans cette région. Cependant cette citation est pour nous un fil d'Ariane que nous allons suivre aussi loin qu'il va pouvoir nous conduire. "Monumentum" en traduction littérale est un monument, traduit peut-être un peu légèrement par mausolée par Berbrugger. " Commune ", commun c'est-à-dire édifié par plusieurs rois de la dynastie maurétanienne, qui étaient à cette époque Bocchus III et Juba II, ainsi que le dit l'historien latin Solinus : " Bocchus prius, postmodum Jubae " : Premièrement Bocchus III après Juba 1er. Bocchus III régna de l'an 54 avant notre ère jusqu'en l'an 46 avant Jésus-Christ ; soit pendant 14 ans après lesquels il y eut huit années d'interrègne, et ensuite Juba 1er lui succéda en l'an 25 avant Jésus-Christ jusqu'en l'an 23 après, soit pendant 48 années. Suivant les premiers rapports de Berbrugger de l'année 1856 le Monumentum commune commencé par Bocchus III ne fut pas terminé. Une note de Victor Duruy dans son Histoire des Romains, tome III, cite un passage de Dion Cassius auteur grec qui dit ceci : Juba II se fit construire un tombeau sur le modèle du Mêdracen. Ce tombeau dit-il existe encore sous le nom de Tombeau de la Chrétienne.

Voici ce que nous avons découvert dans les récits contemporains de l'époque sur ce monument au point de vue historique. Mais, si nous examinons de près la construction de ces deux monuments, nous voyons entre les deux une certaine similitude au point de vue numérique, géodésique et astronomique, ainsi qu'ont été édifiées les Pyramides de l'Egypte.

Les plateaux carrés servant de base ont chacun 63 m. 94 équivalent à 100 coudées égyptiennes pyramidales sacrées ; les toits tronconiques indiquent la latitude du lieu ; qui est pour le Tombeau de la Chrétienne de 36" 34' 30" et en même temps la hauteur de l'étoile polaire.

Il y eût à l'époque où furent élevés ces deux monuments un grand mouvement astronomique dû aux découvertes de l'astronome Hipparque et de ses disciples de l'Observatoire d'Alexandrie sous la direction de Sesigène ce qui fut probablement la cause de la construction des deux observatoires de la Numidie et de la Maurétanie.

M. Henri Pamart, directeur honoraire du Service topographique dans un très intéressant mémoire publié dans le deuxième semestre de la Revue Africaine de l'année 1920 a mis au point la question géodésique du Tombeau de la Chrétienne ; nous ajouterons à cette étude remarquable la question astronomique et nous arriverons à démontrer l'usage de ce monument comme observatoire de l'époque, comment les gradins servaient de degrés pour le calcul des astres à leur lever et à leur coucher, l'orientation, aux quatre points cardinaux, grâce aux quatre fausses-portes de l'Est, de l'Ouest, du Nord et du Midi, avec leurs plateformes avancées sur lesquelles les Mages astronomes faisaient leurs observations. De là ils suivaient les levers et les couchers des astres en prenant les alignements au moyen des styles des quatre fausses-portes avec les arêtes des 33 gradins qui au nombre de 33 correspondaient à 66 degrés 33 minutes lesquels, retranchés de 90 degrés donnaient l'angle de l'écliptique soit 23" 27.

En suivant la marche des étoiles, chaque jour, qui passaient au-dessus de chaque gradin l'on peut très facilement se rendre compte du fonctionnement d'un observatoire à l'époque d'Hipparque. C'est peut-être les seuls monuments astronomiques qui existent et remontent à près de deux mille ans pouvant être reconstitués.
L'on retrouve actuellement encore, toutes les diverses mesures concernant l'astronomie, telles que la hauteur de l'étoile polaire, avec la rotation de la terre et de toutes les étoiles circumpolaires ; les levers héliaques des Pléiades, de Sirius, le Sethos des Egyptiens, de l'Étoile d'Isis dont les sous-sols du Tombeau de la Chrétienne servaient aux cérémonies d'initiation des récipiendaires de la déesse.

Cet observatoire dont le cylindre était entouré de soixante colonnes dont quatre étaient afférentes aux quatre fausses portes et les 52 autres représentaient symboliquement les 52 semaines de l'année et dont ces deux chiffres 5 et 2 additionnés figuraient les sept jours de la semaine, comme les sept degrés de la galerie des Lions représentaient aussi les jours de la semaine. Le nombre des 60 colonnes engagées, multiplié par 6, donnait les 360 degrés du cercle. Le sinus de l'angle et la hauteur de l'étoile polaire correspondait à la hauteur de chaque gradin qui est de 59 centimètres.

Ce monument astronomique remontant à près de deux mille ans n'est en résumé que la base d'un instrument équatorial de nos jours, à laquelle il ne manque plus qu'un réfracteur ou un télescope. Autrefois c'était les astres qui venaient se mesurer sur l'instrument, tandis qu'aujourd'hui ce sont les instruments qui vont chercher les astres.

Nous trouvons inscrit sur le Monumentum commune regiae gentis le nombre exact des jours de l'année égyptienne, ou année solaire 365,25, c'est-à-dire du passage du Soleil devant la même étoile, en additionnant la moitié de la diagonale du carré de la base avec la moitié du diamètre de la corniche soit 45 mètres 10 plus 63 mètres 10, soit 108,20 ce qui donne en pieds romains de l'époque le chiffre exact de 365,25. (Le pied romain valant 0 m. 295852.)

La distance du soleil à la terre qui de nos jours correspond approximativement à 149 millions est donné sur le Tombeau de la Chrétienne en déduisant de la hauteur de l'entablement la hauteur de la base nous obtenons la somme de 142 millions 700 pour l'an 42 de J.-C. ; ce chiffre a beaucoup varié à travers les siècles depuis 2.000 ans. Les astronomes suivants ont trouvé au XVII° et XVIII° siècles, l'abbé Picard, 66 millions ; La Hire, 219 millions ; La Caille, 132 millions ; Cassini, 138 millions, etc.. Les chiffres les plus approchés ont été ceux donnes par la Grande Pyramide et ceux du Tombeau de la Chrétienne.

Nous terminons par la solution du problème de la distance du rayon polaire au centre de la terre, qui, comme tous les plus grands problèmes astronomiques n'a pu être entièrement solutionné et n'est encore qu'à l'état de probabilité, vu les nombreux impedimenta. L'on s'est alors arrêté au chiffre de 6 millions 356 mille mètres pour la longueur du rayon polaire au centre de la terre, à la reprise des calculs de la fin au XVIII° siècle. Sur le Tombeau de la Chrétienne, il y a 2.000 ans la longueur du rayon polaire ou centre de la terre était donnée par la longueur de la base de l'un des cotés du monument multiplié par 100.000 ; soit 6.394.000 mètres, soit avec une différence de 37.300 mètres en plus. Les Égyptiens avec la pyramide de Gizeh avaient trouvé le chiffre de 6.336.000 mètres. Quantité d'autres révélations soit numériques ou astronomiques peuvent encore être invoquées, mais nous pensons que ce que nous venons de démontrer suffit pour prouver le bien fondé de notre thèse, pour assurer que le Tombeau de la Chrétienne n'a été élevé en principe que pour servir de monument astronomique. Que, par la suite, l'on y ait inhumé Juba II, la chose peut être admise, au pis aller, mais jusqu'à ce jour rien n'est venu prouvé ce fait, tandis que tout prouve astronomiquement parlant que ce monument était primitivement un observatoire.