Ténès,terre
de civilisations
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Guides Bleus, Hachette, 1955- 206 km d'Alger, petite ville de 10.500 hab.,siège d'une commune mixte de 78.900 hab;, à 40 m d'alt. sur un plateau rocheux dominant l'embouchure de l'oued Alallah. |
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Tenès, un coin du port |
Monographie succincte de Ténès Quand je pense qu'un auteur P.N. connu écrivait récemment que, contrairement à ce qui fut fait par Lyautey au Maroc, nous n'avons pas, en Algérie, créé de villes à proximité des cités indigènes existantes !; je me pose des questions sur nos contemporains !. Sans parler de nos trois cités régionales, que dire de, par exemple, Tlemcen, Médéa, Blida, Miliana, Bougie, la liste serait trop longue et ... TENES. Cette cité rentre dans l'histoire lorsque les Phéniciens de Carthage y installent un comptoir appelé Cartennae (la ville...). Le site fut choisi pour diverses raisons (embouchure d'un fleuve, abri naturel, etc...) mais en premier lieu parce que ces hardis marins (lls allaient chercher de l'étain en Irlande et atteignirent le golfe de Guinée !) ne naviguaient que le jour. Il leur fallait donc une étape, un havre, chaque nuit. C'est la raison pour laquelle leurs comptoirs sont peu éloignés les uns des autres. Mais, commerçants invétérés et avisés, ils profitaient de celles-ci pour entretenir des relations d'affaires (souvent du troc), avec les autochtones. Donc il existait déjà des habitants à Cartennae lorsqu'ils ouvrirent leur comptoir puisqu'ils commerçaient avec les autochtones. Une date approximative pour "faire bien", il est admis que les Phéniciens ont séjourné en Afrique du nord un millénaire, 1.000 ans ! et ils ont été délogés par les Romains un siècle, 100 ans avant J.C., calculez vous-même!. Ils trouvaient dans ce comptoir, des céréales, du bois, de l'ivoire, du cuir, de l'or, du miel, des meules en calcaire et il existait à proximité des minerais de cuivre, de fer et de plomb.
Les Romains leur succédèrent, mais eux occupent le pays entier. Une route relie Cartennae à Castellum Tingitii. Route gardée par des petits postes fortifiés, les castrums, dont nous retrouveront les ruines. Cartennae devint une cité importante (700 m sur 400 m) que nous reconstruirons dans les mêmes proportions, à quelque chose près. Lorsque le général Changarnier découvrit la ville, le 27 décembre 1842, il signala l'importance des ruines trouvées sur le plateau. Celles-ci servirent en majorité de matériaux de constructions pour édifier les bâtiments élevés par le génie, Hôpital, casernes, remparts, etc. De l'époque romaine deux faits intéressants: -La religion Chrétienne, ne l'oublions pas se répandit en Afrique du nord bien avant de pénétrer en Europe, établit un évêché à Cartennae. Celui-ci adhéra au schisme Donatiste et un prélat ROGATUS en créa un encore plus extrémiste. -Lors de l'invasion Vandale, ceux-ci vinrent mettre le siège devant Cartennae. Or une femme de haute lignée Romaine s'y trouvait. Par prudence, elle enterra ses bijoux dans les caves de sa demeure. Ils furent retrouvés par un agent envoyé en 1936. C'est le plus important trésor de l'époque qui fut découvert intact en Afrique du nord. Mais entre ces deux occupants, les Romains et nous même, ainsi que je l'ai dit plus haut, les autochtones résidaient dans les lieux. La légende raconte que les Pharaons ayant appris que des sorciers très avertis résidaient dans la cité, les firent quérir, pour les opposer aux miracles réalisés par Molse. A la suite des Vandales, puis de Byzance, les envahisseurs arabes prirent, après une résistance acharnée et de nombreux aller et retour, possession du pays et lui imposèrent leur religion, I'Islam (La religion mit tout de meme un siècle à s'implanter et il resta encore des îlots chrétiens et israélites.). Ils ne laissèrent pas de ruines importantes de leur siècle d'occupation (La tribu des Beni-Hilal se chargera d'en faire, des ruines !). Je vous citerai une anecdote: -Un marabout renommé de Milianah, Sid Ahmed Ben Youssef, fit étape dans la ville (le vieux Ténés de notre temps). Les habitants, assez peu croyants, voulurent l'éprouver. Ils lui servirent au repas un plat, dont la viande était un chat. Le saint homme s'en aperçu. Il lança un "sob" retentissant. L'animal, tout rôti qu'il était, décampa au galot à la grande stupéfaction des Ténésiens. Il lança alors l'anathème célèbre: "Ténés, ville bâtie sur du fumier, son eau est du sang, son air est du poison, par Dieu je n'y coucherai point". La ville fut souvent investie par les Espagnols Andalous. Il fallut que les Turcs en prennent possession en 1526.
Lorsque Bugeaud, décide de l'occuper, et en prend possession, le 29 avril 1843, il veut créer un port destiné, comme à l'époque Romaine, à ravitailler Orléansville et exporter les futures production. Il fait construire, en sus des bâtiments dans la ville haute, une jetée en bois à deux étages, de 28 mètres de long. Il l'implante à l'ouest de l'embouchure de l'oued Allala, et la seule preuve, la seule trace que nous avons connue, c'est la présence du bâtiment des Douanes à proximite. Il était persuadé qu'elle deviendrait une cité florissante. Les premières décennies lui donnèrent raison puisque quinze jours après son établissement, le 16 mai 1843, deux cents quarante trois commerçants sollicitent des concessions de lots urbains pour s'établir à Ténés. Dans le même temps des cultivateurs Mahonnais demandèrent eux des parcelles de terrain dans la plaine, à l'est de l'oued, pour établir des cultures maraîchères, dont ils sont les spécialistes. Comme je l'ai dit plus haut, la majorité des ruines servirent à construire les bâtiments militaires. Seules les anciennes citernes ont subsisté. Elles servirent de caves, d'entrepôts et même de .. . prison ! Ténés prospéra jusqu'en 1869, la preuve en est, puisque vers 1850, la population européenne d'Orléansville se chiffrait à 752 habitants et Ténés 1.800. Mais la construction du chemin de fer Alger-Oran porta une rude concurrence au port qui déclina bien vite. La cité repris quelque activité lorsqu'une voie ferrée la relia à la ville du Cheliff en 1910. Mais, en 1927 des inondations coupèrent la ligne qui ne fut pas rétablie. Son économie va alors stagner jusqu'à la fin, 1962. Ses seules activités provenaient des villages du Dahra et des Bissa qui l'entouraient ainsi que sa commune rnixte qui générait un noyau administratif. Son dock céréalier portuaire, ses exportations de vins capiteux des coteaux environnants, son usine de sardines, et surtout, sa promotion comme station touristique. Le port de Ténès, après de multiples projets fut adjugé le 12 mai 1868 à Mr Dessoliers sur une estimation à 2.400.000 Fr, moyennant une remise de 3 %. Mais les travaux furent interrompus en août 1872, sur une décision du Gouverneur Général, par manque de fonds. En 1873 et 1874 des tempêtes détruisirent la plus grande partie des jetées construites. Après de longues discussions, projets et contre-projets (comme un port implanté au bas de la ville, sous l'abattoir), il fut décidé de reprendre les travaux et d'édifier un brise lames. Le nouveau chantier, d'un montant de 2.800.000 Frs fut adjugé à Mrs Alcay et Helfferich, moyennant une remise de 4 %. Les travaux débutèrent en janvier 1880. Après 1927, il devint le petit port que nous avons connu, dans lequel nous nous baignions quelque fois. Le minerais ne descendait plus dans ses wagonnets aériens. De temps à autre un petit cargo à céréales, ou un pinardier venait emplir ses cales au dock ou au chai portuaire. Rarement une balancelle Espagnole débarquait quelques poteries et beaucoup de gargoulettes si appréciées. Le reste du temps était rythmé par le teuf-teuf des moteurs Couach des barques de pêche. La ville et sa plage devinrent surtout une attraction irrésistible pour villes et villages de la vallée du cheliff, même du Sersou ainsi que les centres du Dahra et des Bissa. La colline boisée de pins, sur la route du phare, au-dessus du port se remplit de villas, qui lorsque les propriétaires ne les occupaient pas se louaient à prix d'or. Tous venaient se repaître, durant les étés surchauffés, d'air frais, de la mer, de poissons fraîchement pêchés, et, pour les jeunes, de baignades et de festivités. Ah ! ces fêtes de Ténés, où chacun trouvait son plaisir: les hommes au boulodrome, les mères dans les baraques foraines et chez " Panama " le glacier, et les jeunes au bal. Ce qui eut pour conséquence que la grande majorité des ménages de la région sont issus de festivités où se nouèrent de tendres rencontres. Luc TRICOU |