les Tagarins,
On démolit les portes du sahel - 1931
1°/ une carte postale.
2°/ l'article de l'Écho d'Alger

Depuis quelques jours, des terrassiers armés de pics et de pioches, s'affairent autour des portes du Sahel. Ils ont ouvert là un chantier et s'emploient à jeter bas l'ouvrage ces deux voûtes vestiges d'une époque révolue et survivance de concepts militaires désuets, témoin aussi d'un passé encombrant que le présent bouscule, dans sa marche forcenée.

Ainsi. une à une disparaissent « outragées par le temps, offensées par les hommes » les oeuvres de nos ainés. Constatation de nature à nous imposer, dans la considération de nos propres entreprises, une certaine modestie.

En l'espèce, cependant, voir grand assurera au contraire à l'oeuvre nouvelle une durée moins éphémère, nos petits-fils y peuvent trouver la satisfaction d'intérêts matériels que nous pressentons déjà.
(la suite sous l'article)

Echo d'Alger du 2-7-1931 - Transmis par Francis Rambert
ici, avril 2014

3.-On démolit les portes du sahel - 1931

On démolit les Portes du Sahel...

Déjà le pic et la barre-à-mine les ont à moitié mises à bas et il est probable que leur destruction, déjà bien avancée, sera à peu près consommée quand paraîtront ces lignes.

Avec elles c'est le dernier vestige monumental, si l'on peut dire, de l'ancien Alger français qui disparaît cependant que la ville barbaresque se perpétue clans la Casbah et que l'histoire de l'ancien pays conserve encore quelques témoins.

Les nécessités de la vie ont de ces cruautés. Ces vieilles portes inutiles, archaïques et charmantes qui s'attardaient sur les premières crêtes d'El-Biar, ne constituaient plus qu'une gêne pour la circulation, elles occupaient une place précieuse aujourd'hui réclamée par les gratte-ciel, les immeubles de rapport et les palais administratifs et ne répondaient plus à aucun des motifs qui nous les firent construire : la sécurité d'Alger, la défense de la ville contre une invasion poussée contre elle du côté de la campagne.

Il était donc logique que disparaissent ces vieilles fortifications comme le pont-levis ridicule qui les couvraient, de même qu'ont disparu depuis plus de trente ans les Portes Bab-Azoun et les Portes Bab-el-Oued, leur réplique exacte.

TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.


Afrique illustrée du 11-7-1931 - Transmis par Francis Rambert
ici, juin 2021

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les portes du sahel

 


les portes du sahel


C'est en effet parce que les vétustes portes du Sahel entravent le developpement de notre ville. en compromettant la circulation des tramways et des véhicules, que nos élus, impitoyables, les ont livrées aux démolisseurs.

Leur fin avait été décidée le 4 mai 1927. Au Conseil général d'Alger, et jour-là, MM. Demangeat et B??? soumettaient à l'adhésion de leurs collègues un voeu par lequel l'administration était priée, en attendant le déclassement des fortifications; d'envisager l'élargissement du chemin vicinal n° 12. future route nationale, par la suppression des portes du Sahel reconnues , inutiles.

Les portes du Sahel. précisait le voeu, gênent énormément la circulation entre Alger et El-Biar. Elles la rendent, au surplus. dangereuse. Or, ie déclassement des anciennes fortifications d'Alger permettrait la démolition de ces portes et, par conséquent. l'élargissement de la voie où s'étrangle actuellement le trafic entre la ville et cette partie de la banlieue qui comprend El-Biar. Bouzaréa et toutes les agglomérations du Sahel.

Mais les pourparlers entre t'autorité militaire et la ville d'Alger, pour la cession à celle-ci par celle-là des terrains en instances de déclassement, seront longs, comme tous les pourparlers où l'administration a son mot à dire.

L'autorité militaire reconnait certes l'inutilité des anciennes fortifications et notamment des portes du Sahel ; elle juge légitime le désir des édiles algérois de consacrer à l'extension de la ville des terrains précieux. Néanmoins, la cession n'est pas encore réalisée et il passera bien du charroi sous le pont avant, qu'elle ne le soit.

En attendant cette décision, le conseil général d'Alger demandait donc la suppression des portes.

(la suite dans l'article)


On démolit les portes du sahel - 1931 La démolition des Portes du Sahel

On démolit les Portes du Sahel...

Déjà le pic et la barre-à-mine les ont à moitié mises à bas et il est probable que leur destruction, déjà bien avancée, sera à peu près consommée quand paraîtront ces lignes.

Avec elles c'est le dernier vestige monumental, si l'on peut dire, de l'ancien Alger français qui disparaît cependant que la ville barbaresque se perpétue clans la Casbah et que l'histoire de l'ancien pays conserve encore quelques témoins.

Les nécessités de la vie ont de ces cruautés. Ces vieilles portes inutiles, archaïques et charmantes qui s'attardaient sur les premières crêtes d'El-Biar, ne constituaient plus qu'une gêne pour la circulation, elles occupaient une place précieuse aujourd'hui réclamée par les gratte-ciel, les immeubles de rapport et les palais administratifs et ne répondaient plus à aucun des motifs qui nous les firent construire : la sécurité d'Alger, la défense de la ville contre une invasion poussée contre elle du côté de la campagne.

Il était donc logique que disparaissent ces vieilles fortifications comme le pont-levis ridicule qui les couvraient, de même qu'ont disparu depuis plus de trente ans les Portes Bab-Azoun et les Portes Bab-el-Oued, leur réplique exacte.

Pour la plupart des Algérois d'à-présent, ce rasement de nos fortifications passera inaperçu ; ceux qui voudront bien s'en occuper se demanderont pourquoi on l'a tant différé et seuls les hommes des vieilles générations en éprouveront quelque mélancolie.

Bien plus que leurs sœurs déjà oubliées de BabAzoun ou de Bab-el-Oued, ces portes du Sahel demeurent dans nos souvenirs. Les autres étaient déjà en pleine ville, d'une poésie donc très relative et d'un caractère déjà désuet auquel nuisaient beaucoup les aspects citadins auxquels s'évertuait déjà Alger vers les années 1880.

Mais les Portes du Sahel, perdues dans un coin de verdure, isolées, lointaines, se paraient, pour les enfants que nous étions alors, d'un charme d'agreste et douce poésie. Dans la verdure des arbres, couleur d'ocre et dorées par les soleils couchants, dominant le fossé profond, elles avaient pour nous quelque chose de grand, de martial et de guerrier. C'est dans ce morceau de campagne qu'elles commandaient, Telemly aux ravins bleus, fortifs, ancien parc d'Isly, que se déroulèrent les plus beaux jours de notre jeunesse d'écoliers qu'on menait parfois à la promenade ou qui ne redoutaient point, selon l'inspiration, de faire l'école buissonnière.

Au-dessus, s'était la Fontaine-Fraîche et le mystère de ses chemins creux, au-dessous le Télemly. grand comme un univers, et ces pays qui constituaient alors pour nous le bout du monde : El-Biar et la Bouzaréah.

A mesure que nous avons grandi, tout cela s'est rapetissé ; tout cela, à mesure que notre vision s'élargissait, se diminuait à n'être plus rien : un amas de vieilles pierres patinées par l'ardeur des étés, un coin poussiéreux de banlieue villageoise. Est-ce de nous aimer nous-mêmes que nous nous attachons ainsi aux formes, aux êtres et aux choses qui apparurent les premières à nos yeux, mais ces vieilles Portes du Sahel, le cœur se serre de savoir qu'elles disparaissent, qu'elles n'existent plus. Passager l'être, transitoire la chose, la vie coule, le monde oublie. Et ne nous paraît-il point qu'il y a beaucoup de signification et même comme une philosophie dans ce refrain, en vers mirliton, d'une romance qu'on chantait ces temps derniers :

Ah ! qu'il était beau mon village !...