Staouéli - Alger, ses alentours :
Escalades à Baïnem
Une école d'alpinisme aux portes d'Alger
Textes, illustrations, légendes : "Alger-Revue, printemps 1960"

sur site le 10-11-2007

96 Ko
retour
 
Malgré l'encouragement souriant du mari, cette jeune femme vacille, point trop rassurée.
Malgré l'encouragement souriant du mari, cette jeune femme vacille, point trop rassurée.
Un "6è degré" particulièrement ardu.
Un "6è degré" particulièrement ardu.

Dès 1930 la section algéroise du CA.F. (Club Alpin Français) organisait des " collectives ", fortes de 30 personnes, qui par El-Biar et la Bouzaréah rejoignaient à pied en chantant les Roches de Baïnem (massif principal). On grimpait un peu sur les parois alors très mal nettoyées et encombrées de végétation.
Parmi les grimpeurs connus qui participaient à ces sorties il faut citer surtout : Fourestier (Directeur du Centre d'apprentissage de N.D. d'Afrique) l'un des meilleurs alpinistes français d'avant-guerre, qui fit de nombreuses " premières " dans le Dauphiné. Lebreton son compagnon d'ascensions alpines. Frison-Roche connu comme journaliste et écrivain.

L'équipe, d'ailleurs, allait le plus souvent possible dans le Djurdjura puis le Bouzigza et les rochers de Baïnem gardèrent très longtemps leur caractère d'école d'escalade pour débutants ou de but de randonnée. Cependant quelques voies difficiles existaient déjà. Bouvier et Vaucher, auteurs de la plus difficile ascension du Djurdjura, en ouvraient d'autres.

La guerre 39-44, avec le manque d'essence, redonnait un peu d'intérêt à Baïnem. Puis après une éclipse, les événements actuels qui rendent peu recommandables l'accès des massifs montagneux redonnaient ces dernières années de l'intérêt à nos roches algéroises. L'incendie criminel de la forêt, en nettoyant les rochers donnait aux grimpeurs un appoint inattendu.

C'est l'époque où les alpinistes algérois Aulard (actuel président de la section locale du C.A.F.) Davy, Farrugia, Boissonas réalisent de belles premières dans le Hoggar. Un Marseillais habitué des calanques Sex ouvre 2 voies artificielles au rocher du Tomahawk (Bains-Romains).

Enfin l'année 1959 marque un grand tournant. Des grimpeurs métropolitains effectuant leur service militaire à Alger vont faire de Baïnem une très belle et complète école d'escalade. Habitués aux Alpes et aux difficiles écoles que sont le Saussois et Fontainebleau, ils vont systématiquement rechercher les voies difficiles qu'ils ouvriront par dizaines. C'est là que se situe la découverte et l'équipement de la falaise de la Muraillette. Parmi ces grimpeurs citons les parisiens Jonot, Raynal, Santamaria et l'Orléanais Guy Richard.

L'avenir de Baïnem semble assuré. En effet la nouvelle génération d'Algérois va parachever le travail de ses devanciers. Faisons confiance à son chef de file le brillant Alain Michel (fils d'un pionnier de l'Alpinisme Algérois) qui à 17 ans conduit sa cordée avec une rare élégance.

LE MASSIF PRINCIPAL (classiquement rochers de Baïnem)
1) Aspect - situation - accès
C'est un front rocheux de plus de 3o m. de haut constitué par l'imbrication de 3 parois (" haute falaise " - " moyenne falaise " et " longue falaise ") et qui couronne la colline signalée (rocher Daillet) à l'aplomb du Cap- Caxine.
On peut y accéder directement depuis le phare par de raides sentiers à travers vignes puis broussailles. Ou en automobile par la route de la Forêt : rejoindre l'ancien poste de radar puis poursuivre par une piste. Une courte montée au faîte du mamelon amène au sommet des falaises.

2) Roches - voies d'escalades
Le rocher est un calcaire métamorphique à gros grains truffé de cristaux de calcite et très fissuré. Il détermine des cheminées, des lames, des feuillets, des dièdres, de petites plates-formes quadrangulaires et quelques surplombs géométriques, tout comme le granit de Chamonix. II donne aussi de belles dalles
percées de trous comme les calcaires classiques. C'est donc un terrain d'escalade varié que l'on peut comparer (en plus petit) aux prestigieuses écoles des Ardennes belges. Bien que ce rocher se pitonne assez bien on a maintenant tendance à sceller certains pitons pour plus de sécurité.

Les voies hautes de 15 à 30 mètres sont très nombreuses puisque dans la seule " haute falaise " il y en a plus de 40. On les fait la plupart du temps d'une seule traite sans relais intermédiaire. Le gros intérêt réside dans l'étalement du registre des difficultés : contrairement à des écoles célèbres comme le Saussois, on dispose de tous les degrés de difficultés ; et les débutants pourront dès la première séance trouver du plaisir à escalader une raide paroi par des voies de leur niveau (1e et 2me degré) ; tandis que les grimpeurs chevronnés disposent maintenant de plusieurs voies de niveau supérieur (6e degré). Chacune de ces voies possède un nom traditionnel donné suivant son caractère ou une anecdote ayant marqué son ascension : ainsi une dalle oblique, lisse comme un miroir, - s'appelle- la " Psyché " ; un pilier surplombant dont le piton d'assurance semble hors d'atteinte s'appelle le " mât de cocagne ".

Le massif principal est l'école classique de la forêt de Baïnem. Par beau temps c'est souvent une quinzaine de grimpeurs qui lui donnent l'assaut chaque dimanche. L'agrément du site et la proximité de la route carrossable en font aussi un but de promenade pour les touristes.

Cliquer sur l'image pour l'agrandir
Carte altimétrique de la région Baïnem-Cap-Caxine,
Carte altimétrique de la région Baïnem-Cap-Caxine, montrant les accès des principaux lieux d'escalades, la route carrossable est figurée en gros trait noir, les cheminements terrestres en traits espacés. N° 1 : Massif principal (rocher Daillet) - N° 2 : Muraillette - N°3 : Les Carrières.
Voici une partie de la haute falaise du Massif principal qui présente la curieuse particularité d'offrir, rapprochées, des " voies" de tous degrés de difficultés, du premier au 6e.
A l'instar des hauts lieux d'alpinisme, elles portent un nom. 1) l'arête du grand gendarme (6e supérieur); 2) l'Améliorée (5e supérieur); 3) l'arête du Fou (4e degré) ; 4) le Plaisir des Dames (3e degré) avec ses trois sorties en 4e, 5e supérieur et 4e supérieur ; 5) le Grand Dièdre (3e supérieur) ; 6) La Psyché (6e degré) ; 7) le Cesse-Pied (4e supérieur); 8) la voie de l'olivier (4edegré); 9) le Gazogène (5e supérieur); 10) " La faille sans nom " (2e degré).
A noter les " traversées horizontales".
Voici une partie de la haute falaise du Massif principal qui présente la curieuse

LA MURAILLETTE
1) Aspect - situation - accès
C'est une falaise haute de 10à 15 mètres et extrêmement raide qui (exposée à l'Est) domine le ravin qui débouche entre le Cap-Caxine et le Grand Rocher. Encadrée de carrières elle est située à l'aplomb d'une grande tour carrée caractéristique.

On la rejoint directement à pied par des sentiers ou en auto en faisant un détour (route du plateau de Guyotville).

2) Rocher - voies
Le rocher est un calcaire métamorphique à grain fin, souvent concrétionné. Il donne des dalles lisses où la progression se fait grâce à de petits trous ou de petites écailles, et de nombreux surplombs marqués parfois par de gros trous ronds. C'est le terrain qu'on rencontre dans les plus difficiles voies du Saussois. En fait la " Muraillette " est une sorte de banc d'essai de la haute difficulté, une sorte de " digest " des procédés d'escalade. Sur un développement de falaise de 50 M. il existe 25 voies équipées par 40 pitons. La voie la plus facile est du 3me degré. Il en existe plusieurs du 4me degré. Toutes les autres sont du 5me ou 6me degré. Certaines se font en escalade artificielle avec étriers. Il est possible aussi d'effectuer la " traversée " horizontale de toute la paroi (très difficile 5me degré).
(Le rocher est très difficile à pitonner. Les pitons sont souvent scellés).

Quelques dizaines de mètres à l'Ouest de Muraillette dans une immense carrière face à la mer on peut combiner 2 voies effectuant, ainsi la plus grande dénivelée d'escalade la forêt de Baïnem : on enchaîne un premier ressaut, surplombant au départ, la " Dalle de marbre " (20 m) et un " couloir " très lisse de 25 m dénommé l'" avaloir " (à cause du puisard artificiel qu'il surplombe).

La Muraillette est un terrain de " haute école". Paradis des chevronnés, elle permet aux grimpeurs moyens de se perfectionner dans toutes les techniques. Sa découverte et son équipement (en 1959) marque un pas décisif dans l'escalade algéroise

LE TOMAHAWK
1) Aspect - situation - accès
C'est un magnifique rocher en partie surplombant et affectant la forme d'une tour carrée de 25 mètres de haut. Situé à flanc de coteau dans le vallon qui débouche à Bains-Romains. Il faut depuis la corniche remonter la piste et la quitter au moment où elle change de versant pour s'étirer en lacets vers la Bouzaréah. Laissant alors la voiture il faut continuer à pied pendant quelques centaines de mètres.

2) Roches - voies d'escalades
Le rocher est un calcaire lisse à petits trous rappelant tout à fait celui du Saussois.

Les voies sont peu nombreuses (6) mais très remarquables. La voie la plus facile comporte déjà du 4è degré. Toutes les autres sont du 5me degré. Notons surtout la classique voie " diagonale " qui se faufile entre 2 barres obliques de surplomb, les deux grandes voies directes en escalade artificielle qu'il faut repitonner à chaque fois, la voie directe dite " cavalcade " qui combine les difficultés d'escalade artificielle (surplomb) et d'escalade libre (dalles très lisses).

D'une fréquentation épisodique le Tomahawk est un rocher de haute école. Son isolement et ses facilités réduites au point de vue nombre de voies lui font du tort. Cependant ses voies sont de loin les plus raides et les plus spectaculaires de la Forêt de Baïnem.

Ainsi, les rochers de Baïnem représentent une gamme complète de toutes les difficultés qu'ont à surmonter les novices aussi bien que les spécialistes les plus compétents. De plus, les voies d'escalade de toutes catégories sont très voisines, ce qui permet à ceux-là d'observer de près la pratique et les astuces d'escalade de ceux-ci.

L'" Ecole de Baïnem ", en somme, outre l'avantage unique d'être à proximité d'une grande cité, offre des possibilités d'entraînement et de perfectionnement que peu de centres d'alpinisme, pourtant célèbres, en Métropole et en Europe, peuvent lui disputer.

MATERIEL MINIMUM D'ESCALADE A BAINEM,
.. une corde pouvant donner 30 m. d'intervalle (distance entre les coéquipiers d'une cordée de 2 dans les voies les plus longues). De préférence en nylon.
.. des chaussures de montagne à semelles caoutchouc cannelées, genre " Vibram ", plutôt que de simples espadrilles d'escalade.
.. des mousquetons : prévoir que les voies di rectes comportent environ 7 pitons.
.. des étriers pour la Muraillette et le Tomahawk, éventuellement pour le Massif principal.

Signalons qu'Alger possède son Club Alpin, section du Club Alpin de France, Il compte environ 200 membres et siège au Touring-club, 3, rue Lacépède.

Guy RICHARD.