Sidi-Ferruch toujours vivant.
PNHA n°35 avril 1993
sur site le 10/01/2002

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------Sans doute las d'être rançonné et d'être victime des exigences pécuniaires des pirates algérois, Louis XVI envisagea un débarquement dans la Régence d'Alger. Le consul de France de l'époque : Monsieur de Kercy, écrivait : "J'aime à me féliciter que les temps ne soient pas éloignés où la France, élèvera la voix, et au lieu de se soumettre aux demandes du Dey, osera elle-même lui en faire". En même temps, notre représentant consulaire conseillait de choisir la presqu'île de Sidi-Ferruch comme point de débarquement. (I )
------Dans ses projets d'extension et de conquête de la route des Indes, Napoléon Ier , le 18 avril 1808 donna ordre à l'amiral Decrés de "méditer sur une expédition à Alger, tant sur le plan de la mer que sur celui de la terre". C'est ainsi que le commandant Boutin fut envoyé à Alger. Après un séjour de quelques mois et un retour rocambolesque, il arriva à Paris où, dans un mémoire de 37 pages, il décrivait la ville d'Alger, les possibilités d'un débarquement à Sidi-Ferruch et les routes qui devaient être empruntées pour la prise de la ville.
------C'est cet opuscule qui fut ressorti des archives du ministère de la Guerre et qui fut suivi, avec plus ou moins d'hésitations car les recommandations et les plans n'avaient pu être vérifiés.
------C'est ainsi que dans la nuit du 13 au 14 juin 1830, vers 3 heures du matin le débarquement commença, non sans quelques escarmouches. Le général de Bourmont installa son quartier général dans le marabout de Sidi-Ferruch (Sidi Fredj) "une petite mosquée, entourée d'un mur de médiocre étendue, des hangars à l'entour composaient cet ermitage... Dans la mosquée se trouvait la chasse du Saint personnage qui avait rendu ce lieu célèbre..." De là "il dominait toute la presqu'île". (2)
------La presqu'île fut transformée en camp retranché d'où partirent les régiments qui devaient entrer à Alger le 5 juillet 1830.
------Dès le 7 juillet des ordres furent donnés pour le désarmement et l'abandon du camp de Sidi-Ferruch. Le 29, le désarmement étant achevé, toutes les redoutes furent abandonnées. (3)
------Le vendredi 27 septembre 1839, à bord du "Phare" passant en vue de Sidi-Ferruch, le duc d'Orléans estimait qu'il faudrait élever là "un monument à la gloire de l'Armée et de la Flotte qui conquirent Alger à la France". (4)
------En 1847, la construction du fort nécessita le déplacement du marabout de Sidi Ferreudj qui avait donné son nom à la presqu'île et il me semble bon de rappeler la légende qui entoure ce marabout. "Un capitaine espagnol Rouch (ou Roche ? Rousseau ?) venait souvent mouiller dans cet abri pour taire de l'eau. Trouvant, un jour, le saint endormi, il l'enleva pour le vendre en Espagne. Mais, après avoir commis ce rapt, il eut beau forcer de voiles, son navire resta immobile et il lui fut impossible de s'éloigner. Le chrétien comprit qu'un miracle s'opérait. Touché par la grâce, il embrassa immédiatement le mahométisme. De plus, il devint le compagnon inséparable de Sidi Ferreudj et ils turent inhumés l'un près de l'autre".
------C'est ainsi que le 16 juin 1847, les cendres des deux défunts furent transférés, avec tous les égards qui leur étaient dûs au marabout de Sidi Mohamed ou el hagard à Staouéli.

Le Monument
------Malgré une campagne de presse délirante qui retarda les décisions à prendre, le Conseil Supérieur du Centenaire adopta dans sa réunion du 23 janvier 1930, le projet de monument du Centenaire, présenté par le sculpteur Ernile Gaudissart, qui s'engagea à 'achever avant la visite du Président de la République : Gaston Doumergue, visite qui était prévue pour le 5 mai de la même année. Monsieur Lagémie, entrepreneur, se mit aussitôt au travail et les matériaux utilisés pour le gros ceuvre furent "la pierre provenant de la démolition des casemates érigées sur l'emplacement desquelles on édifiaiait la salle de conférence, appelée depuis 'Salle Pierre Bordes".

 

monument inauguré

-----Le 5 mai 1930, reçu par les troupes composées du 9è zouaves, de deux compagnies de tirailleurs sénégalais, d'une compagnie de tirailleurs algériens, d'une section des Équipages de la Flotte, d'un peloton de chasseurs d'Afrique, le Président de la République inaugure le Monument en présence des personnages officiels, de M. Second, maire de Staouéli et de Madame la vicomtesse de Bourmont veuve du petit-fils du troisième fils du général de Bourmont. Cérémonie simple, et émouvante.
------Le 14 juin 1930, au pied du monument a lieu la "FETE de l'UNION des POPULATIONS FRANCAISES et INDIGENES à SIDI FERRUCH". Son titre est éloquent. II faut relire les déclarations de M. Hadj Hamou, parlant au nom du personnel des mosquées pour en avoir un écho impressionnant et émouvant. Une petite parenthèse. Cette cérémonie fut aussi l'occasion de restaurer le marabout de Sidi Ferruch.



L'exil
------Le 3 juillet 1962, l'Algérie devenue indépendante, un groupe de manifestants se présenta pour démolir ce monument haut symbole de la présence française en cette Algérie qui a conservée tout notre coeur.
------La légende veut qu'une pierre ayant rebondi sur le monument, blessa un des manifestants qui en conclurent que les Djins n'étaient pas avec eux ce jour-là. Ils décidèrent de revenir le lendemain.
----Dans la nuit, le 3è R.P.I.M.A. récupéra le bas relief, ce qui restait des plaques portant les inscriptions, et plastiqua l'armature de béton qui les soutenait. Rescapées ces nobles pierres furent transportées à Carcassonne avant d'être remises à l' Ecole de Saint Maixent où elles séjournèrent pendant 25 ans. (5).
------En mai 1986, visitant, à la demande du maire de Port-Vendres la redoute Béar, redoute que l'édile municipal désirait consacrer à la mémoire de l'Algérie Française, le conseil d'administration du Cercle Algérianiste des P.O ; fut captivé par la beauté du site grandiose qui s'étalait sous ses yeux. Le colonel Jacques Puigt évoqua Sidi-Ferruch et son monument du Centenaire de l'Algérie Française. L'étincelle avait jailli, la flamme était allumée. Avec l'approbation de Jean-Jacques Vila, maire, de Paul Alduy, sénateur-maire de Perpignan, l'action était lancée et Jacques Farran, Député et Président de la C.C.I. se dévoua corps et âmes si bien, qu'en juillet 1987, tous les présidents des associations d'Anciens Combattants et de PiedsNoirs eurent la larme à l'oeil lorsqu'ils purent admirer, reconstitué à plat, dans la marbrerie Vergès, le bas relief primitif.

monument reconstruit

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-------Le 14 juin 1988, au cours d'une prise d'armes grandiose, en présence de toutes les autorités représentant l'éventail politique complet allant des indépendantistes catalans au représentant du duc d'Anjou (en passant par le communistes, socialistes, radicaux de droite ou de gauche, du centre, etc, ...) de plus 5000 de nos compatriotes, d'ici et de là-bas, le nouveau monument était inauguré, dans cour de la Redoute Béar à Port-Vendres.
------Un navire de guerre était spécialement venu de Toulon pour faire retentir la corne de brume pendant la sonnerie aux Morts exécutée devant le Monument. Des détachement de différentes armes rendaient les honneur. Une partie de la "Coecilia" d'Alger entonnait des choeurs. Un représentant d Français de l'Étranger était venu du Québec.
------La Redoute Béar est transformée en Mini-musée de l'Algérie française. Une salle est consacrée à l'armée d'Afrique, elle contient le reste des plaques de marbre qui portaient les inscriptions et qui ont été détruites à Sidi-Ferruch. Une seconde salle évoque les relations maritimes entre Port-Vendres et l'Algérie et l'action de la France en Algérie (Il est ouvert tous les après-midi en hiver, matin et soir, du juin au 15 octobre).
------Depuis, chaque année, le 14 juin, à 11 heures du matin, une cérémonie du Souvenir se déroule au pied de ce monument à la mémoire de tous civils et militaires, de toutes ethnies et de toutes confessions qui, glorieusement ou obscurément, ont créé et fait fructifier l'Algérie Française .
------Nous vous invitons tous, à venir nombreux. très nombreux assister à cette cérémonie du souvenir.


------(Pour assurer l'entretien du monument et des salles d'expositions qui lui sont annexées, une association "LES AMIS DE SIDI-FERRUCH" a été créée. La cotisation annuelle est fixée à un minimum de 60 francs. Son siège social est : Redoute /Chemin du Cap/ 66660 Port-Vendres. Elle compte sur votre aide pour enrichir les collections du mini musée et assurer la pérennité de ce monument).

Roger Brasier

------J'ai volontairement évité de parler du côté estival de Sidi-Ferruch, de ses plages, de son bois de pins, de son aquarium, pensant que les anciens habitants de ce village seront bien plus à même que moi d'en parler ? Cela pourrait faire l'objet d'un prochain article.

Bibliographie
(1)- Mercier: Le centenaire de l'Algérie Française
(2)- Pelissier : Annales Algériennes -Paris 1836
(3) - duc d'Orléans : Mes campagnes-Paris -
(4) - Devoulx-Édifices religieux de l'ancien Alger
(5) - Amato - Monuments en exil - Paris 1979
(Textes et photos provenant du Centre de Documentation et de Culture Algérianiste, 52 rue Maréchal Foch à Perpignan).


Additif :
Dans un précédent message, j'avais signalé les noms des deux premiers marins qui avaient débarqué à Sidi Ferruch.
Voici aujourd'hui les deux premiers français qui entrèrent à Alger.

"Les deux premiers français qui mirent le pied dans Alger le 4 Juillet 1830, ont été EBLE, et DARU.
EBLE était premier lieutenant, et DARU second lieutenant de la batterie qui ouvrit le feu sur la place. Il est d'usage que, lorsqu'une armée entre dans une ville prise d'assaut, la batterie qui a ouvert le feu en premier
passe en tete et marche avant tout le monde.
-------« Il y avait encore sur la porte ou ils passèrent,des têtes de français fraîchement coupées et reconnaissables à leurs favoris blonds ou roux. Le sang de ces tètes ruisselait le long des murs."
Ce texte est de Victor HUGO dans " Choses vues"

(Il s'agit là de l'entrée des troupes dans la Casbah, après que la reddition du dey HUSSEIN, suite à la destruction du Fort l' Empereur par nos artilleurs)
A noter que c'est dans ce Fort l' Empereur que beaucoup de co-listiers Algérois ont accompli leur PME, PMS, mais ceci est une autre histoire 130 ans plus tard.
Espérant ne pas vous avoir ennuyé,
Cordialement.

Edouard Pons
edouard.pons@wanadoo.fr
http://www.bouzarea.org