------Sans doute
las d'être rançonné et d'être victime des exigences
pécuniaires des pirates algérois, Louis XVI envisagea un
débarquement dans la Régence d'Alger. Le consul de France
de l'époque : Monsieur de Kercy, écrivait : "J'aime
à me féliciter que les temps ne soient pas éloignés
où la France, élèvera la voix, et au lieu de se soumettre
aux demandes du Dey, osera elle-même lui en faire". En
même temps, notre représentant consulaire conseillait de
choisir la presqu'île de Sidi-Ferruch comme point de débarquement.
(I )
------Dans ses projets d'extension et de
conquête de la route des Indes, Napoléon Ier , le 18 avril
1808 donna ordre à l'amiral Decrés de "méditer
sur une expédition à Alger, tant sur le plan de la mer que
sur celui de la terre". C'est ainsi que le commandant
Boutin fut envoyé à Alger. Après un séjour
de quelques mois et un retour rocambolesque, il arriva à Paris
où, dans un mémoire de 37 pages, il décrivait la
ville d'Alger, les possibilités d'un débarquement à
Sidi-Ferruch et les routes qui devaient être empruntées pour
la prise de la ville.
------C'est cet opuscule qui fut ressorti
des archives du ministère de la Guerre et qui fut suivi, avec plus
ou moins d'hésitations car les recommandations et les plans n'avaient
pu être vérifiés.
------C'est ainsi que dans la nuit du 13
au 14 juin 1830, vers 3 heures du matin le débarquement commença,
non sans quelques escarmouches. Le général de Bourmont installa
son quartier général dans le marabout de Sidi-Ferruch (Sidi
Fredj) "une petite mosquée, entourée
d'un mur de médiocre étendue, des hangars à l'entour
composaient cet ermitage... Dans la mosquée se trouvait la chasse
du Saint personnage qui avait rendu ce lieu célèbre..."
De là "il dominait toute la presqu'île".
(2)
------La presqu'île fut transformée
en camp retranché d'où partirent les régiments qui
devaient entrer à Alger le 5 juillet 1830.
------Dès le 7 juillet des ordres
furent donnés pour le désarmement et l'abandon du camp de
Sidi-Ferruch. Le 29, le désarmement étant achevé,
toutes les redoutes furent abandonnées. (3)
------Le vendredi 27 septembre 1839, à
bord du "Phare" passant en vue de Sidi-Ferruch, le duc d'Orléans
estimait qu'il faudrait élever là "un
monument à la gloire de l'Armée et de la Flotte qui conquirent
Alger à la France". (4)
------En 1847, la construction du fort nécessita
le déplacement du marabout de Sidi Ferreudj qui avait donné
son nom à la presqu'île et il me semble bon de rappeler la
légende qui entoure ce marabout. "Un
capitaine espagnol Rouch (ou Roche ? Rousseau ?) venait souvent mouiller
dans cet abri pour taire de l'eau. Trouvant, un jour, le saint endormi,
il l'enleva pour le vendre en Espagne. Mais, après avoir commis
ce rapt, il eut beau forcer de voiles, son navire resta immobile et il
lui fut impossible de s'éloigner. Le chrétien comprit qu'un
miracle s'opérait. Touché par la grâce, il embrassa
immédiatement le mahométisme. De plus, il devint le compagnon
inséparable de Sidi Ferreudj et ils turent inhumés l'un
près de l'autre".
------C'est ainsi que le 16 juin 1847, les
cendres des deux défunts furent transférés, avec
tous les égards qui leur étaient dûs au marabout de
Sidi Mohamed ou el hagard à Staouéli.
Le Monument
------Malgré une campagne de presse
délirante qui retarda les décisions à prendre, le
Conseil Supérieur du Centenaire adopta dans sa réunion du
23 janvier 1930, le projet de monument du Centenaire, présenté
par le sculpteur Ernile Gaudissart, qui s'engagea à 'achever avant
la visite du Président de la République : Gaston Doumergue,
visite qui était prévue pour le 5 mai de la même année.
Monsieur Lagémie, entrepreneur, se mit aussitôt au travail
et les matériaux utilisés pour le gros ceuvre furent
"la pierre provenant de la démolition
des casemates érigées sur l'emplacement desquelles on édifiaiait
la salle de conférence, appelée depuis 'Salle Pierre Bordes".
-----Le 5 mai
1930, reçu par les troupes composées du 9è zouaves,
de deux compagnies de tirailleurs sénégalais, d'une compagnie
de tirailleurs algériens, d'une section des Équipages de
la Flotte, d'un peloton de chasseurs d'Afrique, le Président de
la République inaugure le Monument en présence des personnages
officiels, de M. Second, maire de Staouéli et de Madame la vicomtesse
de Bourmont veuve du petit-fils du troisième fils du général
de Bourmont. Cérémonie simple, et émouvante.
------Le 14 juin 1930, au pied du monument
a lieu la "FETE de l'UNION des POPULATIONS FRANCAISES et INDIGENES
à SIDI FERRUCH". Son titre est éloquent. II faut relire
les déclarations de M. Hadj Hamou, parlant au nom du personnel
des mosquées pour en avoir un écho impressionnant et émouvant.
Une petite parenthèse. Cette cérémonie fut aussi
l'occasion de restaurer le marabout de Sidi Ferruch.
L'exil
------Le 3 juillet 1962, l'Algérie
devenue indépendante, un groupe de manifestants se présenta
pour démolir ce monument haut symbole de la présence française
en cette Algérie qui a conservée tout notre coeur.
------La légende veut qu'une pierre
ayant rebondi sur le monument, blessa un des manifestants qui en conclurent
que les Djins n'étaient pas avec eux ce jour-là. Ils décidèrent
de revenir le lendemain.
----Dans la nuit, le 3è R.P.I.M.A.
récupéra le bas relief, ce qui restait des plaques portant
les inscriptions, et plastiqua l'armature de béton qui les soutenait.
Rescapées ces nobles pierres furent transportées à
Carcassonne avant d'être remises à l' Ecole de Saint Maixent
où elles séjournèrent pendant 25 ans. (5).
------En mai 1986, visitant, à la
demande du maire de Port-Vendres la redoute Béar, redoute que l'édile
municipal désirait consacrer à la mémoire de l'Algérie
Française, le conseil d'administration du Cercle Algérianiste
des P.O ; fut captivé par la beauté du site grandiose qui
s'étalait sous ses yeux. Le colonel Jacques Puigt évoqua
Sidi-Ferruch et son monument du Centenaire de l'Algérie Française.
L'étincelle avait jailli, la flamme était allumée.
Avec l'approbation de Jean-Jacques Vila, maire, de Paul Alduy, sénateur-maire
de Perpignan, l'action était lancée et Jacques Farran, Député
et Président de la C.C.I. se dévoua corps et âmes
si bien, qu'en juillet 1987, tous les présidents des associations
d'Anciens Combattants et de PiedsNoirs eurent la larme à l'oeil
lorsqu'ils purent admirer, reconstitué à plat, dans la marbrerie
Vergès, le bas relief primitif.
----
-------Le 14
juin 1988, au cours d'une prise d'armes grandiose, en présence
de toutes les autorités représentant l'éventail politique
complet allant des indépendantistes catalans au représentant
du duc d'Anjou (en passant par le communistes, socialistes, radicaux de
droite ou de gauche, du centre, etc, ...) de plus 5000 de nos compatriotes,
d'ici et de là-bas, le nouveau monument était inauguré,
dans cour de la Redoute Béar à Port-Vendres.
------Un navire de guerre était spécialement
venu de Toulon pour faire retentir la corne de brume pendant la sonnerie
aux Morts exécutée devant le Monument. Des détachement
de différentes armes rendaient les honneur. Une partie de la "Coecilia"
d'Alger entonnait des choeurs. Un représentant d Français
de l'Étranger était venu du Québec.
------La Redoute Béar est transformée
en Mini-musée de l'Algérie française. Une salle est
consacrée à l'armée d'Afrique, elle contient le reste
des plaques de marbre qui portaient les inscriptions et qui ont été
détruites à Sidi-Ferruch. Une seconde salle évoque
les relations maritimes entre Port-Vendres et l'Algérie et l'action
de la France en Algérie (Il est ouvert tous les après-midi
en hiver, matin et soir, du juin au 15 octobre).
------Depuis, chaque année, le 14
juin, à 11 heures du matin, une cérémonie du Souvenir
se déroule au pied de ce monument à la mémoire de
tous civils et militaires, de toutes ethnies et de toutes confessions
qui, glorieusement ou obscurément, ont créé et fait
fructifier l'Algérie Française .
------Nous vous invitons tous, à venir
nombreux. très nombreux assister à cette cérémonie
du souvenir.
------(Pour assurer l'entretien du monument
et des salles d'expositions qui lui sont annexées, une association
"LES AMIS DE SIDI-FERRUCH" a été créée.
La cotisation annuelle est fixée à un minimum de 60 francs.
Son siège social est : Redoute /Chemin du Cap/ 66660 Port-Vendres.
Elle compte sur votre aide pour enrichir les collections du mini musée
et assurer la pérennité de ce monument).
Roger Brasier
------J'ai
volontairement évité de parler du côté estival
de Sidi-Ferruch, de ses plages, de son bois de pins, de son aquarium,
pensant que les anciens habitants de ce village seront bien plus à
même que moi d'en parler ? Cela pourrait faire l'objet d'un prochain
article.
Bibliographie
(1)- Mercier: Le centenaire de l'Algérie Française
(2)- Pelissier : Annales Algériennes -Paris 1836
(3) - duc d'Orléans : Mes campagnes-Paris -
(4) - Devoulx-Édifices religieux de l'ancien Alger
(5) - Amato - Monuments en exil - Paris 1979
(Textes et photos provenant du Centre de Documentation et de Culture Algérianiste,
52 rue Maréchal Foch à Perpignan).
Additif :
Dans un précédent message, j'avais signalé les noms
des deux premiers marins qui avaient débarqué à Sidi
Ferruch.
Voici aujourd'hui les deux premiers français qui entrèrent
à Alger.
"Les deux premiers français qui mirent le
pied dans Alger le 4 Juillet 1830, ont été EBLE, et DARU.
EBLE était premier lieutenant, et DARU second lieutenant de la
batterie qui ouvrit le feu sur la place. Il est d'usage que, lorsqu'une
armée entre dans une ville prise d'assaut, la batterie qui a ouvert
le feu en premier
passe en tete et marche avant tout le monde.
-------« Il y avait encore sur la porte
ou ils passèrent,des têtes de français fraîchement
coupées et reconnaissables à leurs favoris blonds ou roux.
Le sang de ces tètes ruisselait le long des murs."
Ce texte est de Victor HUGO dans " Choses vues"
(Il s'agit là de l'entrée des troupes dans
la Casbah, après que la reddition du dey HUSSEIN, suite à
la destruction du Fort l' Empereur par nos artilleurs)
A noter que c'est dans ce Fort l' Empereur que beaucoup de co-listiers
Algérois ont accompli leur PME, PMS, mais ceci est une autre histoire
130 ans plus tard.
Espérant ne pas vous avoir ennuyé,
Cordialement.
Edouard Pons
edouard.pons@wanadoo.fr
http://www.bouzarea.org
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