Sidi Ferruch, - Alger, aux alentours
LE DÉBARQUEMENT à SIDI-FERRUCH

Le fort établi à Sidi-Ferruch perpétuait ces glorieux souvenirs. Mais son rôle militaire était depuis longtemps passé. Le rapport du lieutenant-colonel Josse, au nom de la commission de l'année de la Chambre, le rappelle ainsi :
" Le fort de Sidi-Ferruch est un ancien ouvrage du front de mer, qui est aujourd'hui complètement désarmé.

Il a été construit, il y a soixante ans environ, au point où débarquèrent les premières troupes françaises envoyées en Algérie dans le but de servir de point d'appui aux troupes de campagne chargées de s'opposer à un débarquement sur les plages voisines.

Il comprend le fort proprement dit, ainsi que deux batteries extérieures dont l'une, celle de l'Ouest, accolée au fort, est utilisée actuellement par le service des Douanes et dont l'autre constitue un domaine militaire indépendant de celui du fort.
Les locaux en maçonnerie de cet ouvrage seraient incapables de résister aux coups de pièces de l'artillerie moderne et l'ouvrage ne serait plus en état de jouer le rôle pour lequel il a été construit.

Le domaine militaire assez grand qui en dépend cause, d'autre part, une gêne considérable au développement de la commune de Staouéli. il convient donc de le déclasser, puisqu'aucune utilité militaire ne lui est reconnue.

Mais il rentre dans la catégorie des immeubles visés par la loi du 1er août 1905, qui ne peuvent être aliénés qu'en vertu d'une loi, après avis des Conseils supérieurs de la Guerre et de la Marine. Ces deux assemblées consultées ont émis des avis favorables à l'aliénation, respectivement les 31 janvier et 15 avril 1921. "

Que va-t-il devenir '? On ne le dit pas. L'Algérie saura sans doute le conserver en l'utilisant. Espérons quelle aura, en tout cas, soin de sauver l'inscription émouvante qui est gravée à l'entrée et qui est ainsi conçue :

ICI
Le 14 juin 1830, par l'ordre du roi Charles X
sous le commandement du général de Bourmont,
l'armée française vint arborer son drapeau,
rendre la liberté aux mers
et donner l'Algérie à la France.

*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1922. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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Afrique du nord illustrée du 16-8-1924 - Transmis par l'inestimable Francis Rambert

sur site : juin 2021

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SIDI-FERRUCH

Une loi vient de rayer du tableau de classement des places de guerre le fort de Sidi-Ferruch et d'autoriser l'aliénation des terrains qui en dépendent et cette mesure ne peut manquer, six ans avant la célébration du centenaire du débarquement français, d'émouvoir tous ceux qui s'intéressent aux premiers temps de la conquête en Algérie.
Le vieux fort, qui va être déclassé, marque, en effet, l'endroit où débarqua l'armée du général de Bourmont ; mais, avant de rappeler ce glorieux épisode, extrayons de l'ouvrage de M. Berbruger, publié en 1843, quelques renseignements sur la presqu'île historique et ainsi rendue assez intéressante pour qu'on puisse en parler avec quelque détail :
" Entre la ville de Cherchell (le Julia Caesarea des Romains) et celle d'Alger (l'ancien Icosium) à une distance à peu près égale de ces deux points , on remarque, dit-il, une presqu'île large d'environ huit mille toises et qui, s'avançant dans la mer à peu près d'un tiers de lieue, laisse à droite et à gauche deux baies très ouvertes, remarquables par les grandes plages et les dunes qui les bordent. Quelques îlots placés en avant de ces baies contribuent à mettre à l'abri les sandales maures et les barques de pêcheurs qu'un mauvais temps subit oblige à relâcher en cet endroit.
Le terrain de Sidi-Ferruch, assez bas dans la majeure partie de son étendue se relève un peu vers son extrémité et forme alors une éminence rocheuse sur laquelle se trouvent plusieurs constructions. La principale est un marabout (sorte de chapelle élevée en l'honneur d'un marabout ou saint personnage musulman), avec un minaret ou tour carrée que les Espagnols ont appelé Torre Chica (la petite tour). Les Arabes désignent cet édifice, ainsi que tout le reste de la localité par le nom de Sidi-Feredje dont nous avons fait Sidi-Ferruch, métamorphose qui n'est justifiée par aucune difficulté de prononciation. Feredje est le nom du saint ou marabout enterré dans cette espèce de chapelle, et Sidi est un composé de Sid, qui signifie sieur, et de l'affixe i} qui répond à notre adjectif possessif mon de sorte que le tout signifie monsieur.
Les archéologues ne sont pas d'accord sur le nom antique de cette localité où l'on remarque encore aujourd'hui quelques ruines romaines. Les uns y voient les restes de Rusucurru, et d'autres croient y reconnaître les vestiges d'une route mentionnée dans Ptolémée.
Sidi-Ferruch e eu quelque importance à une époque plus moderne, parce que, pendant longtemps, cette localité a partagé avec Matifoux l'avantage de servir de port à la ville d'Alger. Mais lorsque Kheir-el-Din eut réuni, au moyen d'une jetée, l'îlot du Peñon au continent, Alger se trouva en possession de la darse qui y existe encore aujourd'hui et les bâtiments purent y mouiller en sûreté.
Déchue de son importance commerciale, la presqu'île de Sidi-Ferruch fut préservée d'un abandon total par le marabout Sidi-Feredje qui y attirait encore les dévots musulmans, quoique ce saint n'ait pas, à beaucoup près, la réputation de sidi Abd-el-Kader el-Djelani et de sidi Abd-el-Rahhaman-el-Thaâlebi, qui, étant d'ailleurs aux portes de la ville, offrent à la piété des croyants un but plus méritoire sans exiger un déplacement considérable.
Sidi-Feredje a sa légende comme tous les autres marabouts. Le trait le plus saillant qu'on y remarque, est celui qui lui arriva avec un marchand espagnol qui fréquentait la presqu'île pour son commerce. Celui-ci s'étant lié d'amitié avec le saint lui proposa de venir visiter son navire. Sidi-Feredje y consentit ; mais à peine était-il embarqué que le marchand, profitant de ce qu'il commençait à faire nuit, mit à la voile sur le champ. Le temps était sombre, mais un vent très fort et favorable devait les porter en peu de temps sur les côtes d'Espagne.
Cependant, au point du jour, le marchand s'aperçut avec effroi que son bâtiment n'avait pas bougé de place. Ne doutant pas que ce miracle ne fut dû à la présence du marabout, il s'empressa de débarquer son hôte, qui voulut bien lui pardonner d'avoir manqué aux lois de l'hospitalité.
Dans la soirée suivante, ce marchand remit encore à la voile avec un très bon vent qui devait le ramener rapidement dans son pays. Mais quand le jour arriva, il put à peine en croire ses yeux, lorsqu'il aperçut la presqu'île à quelques encablures et qu'il acquit la conviction que son bâtiment n'avait pas bougé d'un nœud. Il ne savait à quoi attribuer ce second miracle, lorsqu'une babouche, oubliée par Sidi Feredje dans le navire, vint frapper ses regards et lui expliqua le mystère. Il s'empressa de restituer cette chaussure à son vénérable propriétaire et, dés lors, rien ne s'opposa plus à la marche de son bâtiment qui atteignit en vingt-quatre heures le lieu de sa destination.
Il existe une autre tradition sur Sidi-Ferruch qui mérite aussi d'être rapportée. Bien avant le débarquement de 1830, on croyait généralement dans le pays que les Français entreraient un jour dans la régence d'Alger par Sidi-Ferruch et qu'ils en sortiraient par la plaine des Issers.
Espérons que la deuxième partie de celle prédiction ne sera pas vérifiée comme la première. C'est le 13 juin 1830 que la flotte de l'amiral Duperré, longeant la côte et doublant la pointe Pescade, mit le cap sur l'extrémité de la presqu'île de Sidi-Ferruch et qu'on résolut de débarquer dans la rade Ouest. Le livre très documenté de M. Esquer rappelle les détails de ces journées mémorables. La flotte prit son mouillage en face de Torre Chica. Ses feux imposèrent silence aux quelques canons ennemis, dont les projectiles n'arrivaient pas jusqu'aux navires et blessèrent seulement un matelot d'un de nos bricks le Bresleau, nom qui devait se retrouver dans le croiseur ; côte algérienne en 1914. On faillit débarquer le soir même. Mais Bourmont préféra remettre l'opération au lendemain et des ordres furent donnés pour que le 14 à trois heures du matin, le débarquement commençât.
A minuit, raconte M. Esquer, les soldats reçurent chacun six paquets de cartouches et cinq jours de vivres. Malgré les ordres donnés, les batteries et les entreponts retentissaient du bruit des armes. Les rangs ayant été rompus après une courte inspection, les hommes se précipitèrent pêle-mêle par les sabords dans les chaloupes et les bateaux plats rangés le long des navires. An fur et à mesure qu'elles étaient au complet, ces embarcations remorquées par des canots de douze rameurs que commandaient des officiers de marine, se dirigèrent vers la cote où, conformément aux instructions et aux expériences faites à Toulon, elles devaient s'échouer, l'avant s'abattant comme un pont-levis. Mais les dispositions des lieux ne permettant pas que le débarquement s'exécutât avec promptitude, les soldats se précipitèrent à l'eau, leur giberne sur la tête, et tenant à bout de bras leurs fusils : ils éprouvèrent quelques difficultés à aborder, à cause de l'inégalité du fond. De plus, des chalands chargés de détachements appartenant à des unités différentes se croisèrent en route et répandirent de la confusion, aussi les premières troupes furent-elles assez longues à se former dans leur ordre normal. Un débarquement effectué dans ces conditions aurait pu avoir de fâcheuses conséquences si l'ennemi s'y était sérieusement opposé.
A cinq heures du matin, la 1ère division avait débarqué en entier avec quelques pièces d'artillerie et le général de La Hitte ; elle occupa sans coup férir les bâtiments au milieu desquels s'élevait la tour : on y trouva quelques volailles et deux ou trois vieilles femmes qui avaient cherché asile auprès du tombeau du marabout. Alors des Arabes dissimulés derrière les broussailles ouvrirent le feu sur les tirailleurs qui couvraient notre front et sur nos flancs et les batteries ennemies commencèrent à tirer : il se fit à l'instant, dans nos rangs, un silence singulier.
La position, armée de pièces de gros calibre que tenaient quelques milliers d'Arabes avec des artilleurs turcs et peut-être anglais, faisait face au front de débarquement : elle appuyait sa droite à la mer, tandis que sa gauche se refusait. Deux bricks, l'Action et le Du-Couédic, 'mouillés dans la baie Est, répondirent aussitôt, couvrant de bombes l'artillerie et de boulets l'infanterie ennemie. Nos soldats, ne pouvant subir immobiles le feu de l'artillerie sans s'exposer à de grosses pertes, Bourmont, qui avait débarqué à six heures et demie, donna l'ordre à Berthezène de se porter en avant. A ce moment un boulet ennemi tomba à ses pieds et le couvrit de sable ainsi que son entourage : " Un pied plus haut, dit le général en chef, et mes jambes couraient grand risque ". Cet incident fit dire à un soldat : " Tout va bien, puisque le général est à notre ordinaire... ". Le mouvement qui s'en suivit parmi les officiers d'État-Major dut faire croire à l'ennemi qu'il avait touché juste, car les boulets se succédèrent au même point. Bourmont fit alors ôter les plumets des schakos et n'emmena plus qu'un officier avec lui.
La division Berthezène enlevait quelques heures après, la principale position ennemie après un rude combat qui alla jusqu'au corps à corps à la baïonnette. Les deux autres divisions, débarquées ensuite, arrivaient bientôt au combat, et le quartier général s'installait au marabout d'où il dominait, presque toute la presqu'île. Le succès devait porter bonheur à l'expédition et enflammait le courage des soldats. Sidi-Ferruch devenait une base solide immédiatement organisée par le génie et un camp y était établi. Camp pittoresque, devenu bien vite " une ville animée avec ses quartiers, ses places, ses rues et ses monuments, où de petites baraques en branches et en feuillages formaient autant de guinguettes dans lesquelles le vin ne manquait pas, non plus que les vivres frais ". Les mercantis et les traitants n'y manquaient pas non plus, ces ancêtres des cantiniers qui devaient suivre pendant un siècle toutes nos expéditions d'Algérie, de Tunisie et du Maroc, " l'armée roulante " des routes du bled. C'est de là que l'armée partit pour la bataille de Staouéli (19 juin) et la capitulation d'Alger (4 juillet). L'histoire est bien connue.
Le fort établi à Sidi-Ferruch perpétuait ces glorieux souvenirs. Mais son rôle militaire était depuis longtemps passé. Le rapport du lieutenant-colonel Josse, au nom de la commission de l'année de la Chambre, le rappelle ainsi :
" Le fort de Sidi-Ferruch est un ancien ouvrage du front de mer, qui est aujourd'hui complètement désarmé.
Il a été construit, il y a soixante ans environ, au point où débarquèrent les premières troupes françaises envoyées en Algérie dans le but de servir de point d'appui aux troupes de campagne chargées de s'opposer à un débarquement sur les plages voisines.
Il comprend le fort proprement dit, ainsi que deux batteries extérieures dont l'une, celle de l'Ouest, accolée au fort, est utilisée actuellement par le service des Douanes et dont l'autre constitue un domaine militaire indépendant de celui du fort.
Les locaux en maçonnerie de cet ouvrage seraient incapables de résister aux coups de pièces de l'artillerie moderne et l'ouvrage ne serait plus en état de jouer le rôle pour lequel il a été construit.
Le domaine militaire assez grand qui en dépend cause, d'autre part, une gêne considérable au développement de la commune de Staouéli. il convient donc de le déclasser, puisqu'aucune utilité militaire ne lui est reconnue.
Mais il rentre dans la catégorie des immeubles visés par la loi du 1er août 1905, qui ne peuvent être aliénés qu'en vertu d'une loi, après avis des Conseils supérieurs de la Guerre et de la Marine. Ces deux assemblées consultées ont émis des avis favorables à l'aliénation, respectivement les 31 janvier et 15 avril 1921. "
Que va-t-il devenir '? On ne le dit pas. L'Algérie saura sans doute le conserver en l'utilisant. Espérons quelle aura, en tout cas, soin de sauver l'inscription émouvante qui est gravée à l'entrée et qui est ainsi conçue :

ICI
Le 14 juin 1830, par l'ordre du roi Charles X
sous le commandement du général de Bourmont,
l'armée française vint arborer son drapeau,
rendre la liberté aux mers
et donner l'Algérie à la France.