L'électrification de la sonnerie
des cloches de l'Église de Sétif
Avides de curiosité,
nous fîmes, voici près d'un an, l'ascension du clocher
de l'Église de Sétif d'où l'on découvre
le plus séduisant panorama. Cette visite fut toutefois contrariée
par la célébration d'un office au cours duquel les trois
cloches du beffroi devaient nécessairement sonner leur plus joyeux
carillon. Nous nous trouvions à ce moment précis au-dessus
des énormes bourdons qui tout en s'agitant éperdument,
entraînaient le clocher dans un mouvement oscillatoire prononcé,
à tel point qu'il ne manqua pas d'éveiller notre plus
légitime inquiétude. Nous exprimâmes aussitôt
ce sentiment au très estimé Curé de la paroisse
M. Placé, dont il nous plaît de louer l'intelligent esprit
d'initiative et le scrupuleux désir de réaliser en l'église
Sainte-Monique, d'importants et forts coûteux aménagements
justement appréciés de ses fidèles.
Les jours et les mois se succédèrent et, tout récemment,
M. le Curé Placé nous annonçait avec une légitime
satisfaction que l'électrification de la sonnerie des cloches
de sa Paroisse était un projet nouveau qui venait s'ajouter au
programme déjà abondant de ceux qu'il eut le mérite
de réaliser.
Cette amélioration comporte en elle-même des enseignements
qui auront au moins le don de rassurer ceux qui, comme nous, éprouvaient
quelque appréhension à savoir la solidité du vieux
clocher mise sérieusement à contribution par l'effort
démesuré de ses cloches.
Le mouvement des cloches est actuellement assuré, sans effort,
par une chaîne qui s'enroule, d'une part, sur le pignon denté
d'un moteur électrique et, d'autre part, sur une poulie fixée
sur la monture même de la cloche. Le dispositif est semblable
pour chacune des cloches ce qui permet de les sonner soit ensemble,
soit séparément. Il suffit d'une simple pression sur un
bouton du tableau de commande placé dans la sacristie, pour que
le courant soit immédiatement transmis au moteur qui, par un
mouvement de rotation inversé, imprimera aux cloches un mouvement
oscillatoire qui aura le don de stabiliser le régime du moteur
à une amplitude déterminée.
Grâce à un dispositif de basculeurs et à un bobinage
spécial, les moteurs sont capables de développer au démarrage
un effort énorme sans pour cela demander un supplément
d'intensité de courant. Ce sont, en effet, des moteurs à
fort couple, qu'il ne faut pas confondre avec la puissance, puisque
les moteurs sont de la force de 1/3 et de 1/2 CV. C'est là une
des caractéristiques qui frappera le plus les techniciens, surtout
lorsqu'ils sauront que grâce au même principe on a pu sonner,
avec des moteurs de 1 CV, des cloches pesant 1 2 tonnes.
En considérant qu'une cloche arrive très facilement à
sonner plus de soixante coups à la minute, et que dans cet infime
intervalle de temps qui sépare deux oscillations de la cloche,
il faudra inverser, faire travailler et arrêter le moteur, on
conviendra de l'extrême rapidité donnée à
ces différentes opérations. Le temps ainsi dévolu
pour cette triple opération est uniquement compris dans celui
très court durant lequel la cloche passe de la position horizontale
à la position verticale : laps de temps de l'ordre souvent inférieur
à 1/3 de seconde.
La grande rapidité d'inversion a été obtenue grâce
à une petite friction qui inverse le courant pour un déplacement
de quelques degrés de la cloche. Cette dernière possède
l'avantage d'agir non pas sur l'intensité totale du courant,
mais sur l'intensité infime de courant envoyé sur la bobine
d'un contracteur. Ainsi l'inversion pourra-t-elle se réaliser
très rapidement sur des contacts très simples et très
approchés.
Quant à la deuxième difficulté qui consiste à
rendre un moteur instantanément puissant, elle a été
résolue grâce à des artifices d'ordre purement technique.
Chacun sait, en effet, que lorsqu'on envoie du courant sur un moteur,
celui-ci met un certain temps avant d'atteindre sa puissance maximum,
et que le couple d'un moteur s'établit en fonction du temps d'après
une courbe bien définie. Les moteurs du clocher de Sétif
donnent leur couple maximum dès l'arrivée du courant.
Parmi les artifices employés dont la théorie dépasserait
les limites de cet article, citons l'augmentation de la résistivité
du rotor, diminution de la self du stator, la réduction au minimum
de l'entrefer, l'augmentation du nombre de pôles inducteurs.
A côté des appareils de volée dont nous venons de
décrire quelques aspects, le clocher de Sétif possède
encore trois autres moteurs permettant de carillonner, sans qu'il soit
pour cela nécessaire de mettre les cloches en branle. Un petit
clavier de trois notes possédant des touches semblables à
celles des notes du piano actionne des marteaux qui agissent extérieurement
sur les cloches.
Enfin, et c'est certainement les plus appréciés des appareils
nouveaux du clocher de Sétif, trois fois par jour et avec une
ponctualité remarquable, une horloge sonne automatiquement l'Angélus.
Dès lors, plus n'est besoin ni d'un lever parfois matinal, ni
de s'astreindre à une présence que d'autres nécessités
appellent ailleurs, un mécanisme d'horlogerie se remontant sans
l'adjuvant d'aucune pile, à l'aide du courant lui-même,
tinte chaque jour à 6 heures, midi et 18 heures, les trois coups
de l'Angelus suivis de la mise en volée de la petite cloche.
Cette magnifique installation a été réalisée
par l'une des plus vieilles maisons spécialisées de France
dont la direction, est présentement assurée par les fils
de M. Georges Paccard à Annecy-le-Vieux (Haute-Savoie) . Les
branchements électriques sont l'uvre de la Maison Delthil
de Sétif.
Nous ne pouvons qu'en complimenter les réalisateurs en réservant
à M. le Curé Placé un respectueux hommage admiratif
auquel nous oblige notre appréciation de le voir présider
avec un intelligent dévouement, aux destinées sans cesse
plus belles de sa chère paroisse.