SÉTIF
1.- Regrettables incidents à Sétif
2.- M. le gouverneur général Yves CHATAIGNEAU salue les dépouilles mortelles des victimes des manifestations du 8 mai
Sept (7) articles de l'Echo d'Alger du 10-5-1945 au 26-5 - Transmis par Francis Rambert



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10-5-1945

Alors que l'Algérie participait avec enthousiasme aux cérémonies de l'armistice, des éléments troubles d'inspirations et de méthodes hitlériennes se sont livrés à des agressions à main armée sur les populations qui fêtaient la victoire dans la ville de Sétif et dans les environs. Ils ont ainsi marqué leur volonté de souiller la joie générale.

La police maintient l'ordre et arrête les responsables. L'armée lui apporte son concours. Les autorités sont bien décidées à prendre toutes dispositions utiles pour assurer la sécurité et réprimer toutes tentatives de désordre.

2.- M. le gouverneur général Yves CHATAIGNEAU salue les dépouilles mortelles des victimes des manifestations du 8 mai

11-5-1945

Dans la matinée du 10 mai, M. Yves Chataigneau, ministre plénipotentiaire, gouverneur général de l'Algérie, s'est rendu dans la ville de Sétif en compagnie du capitaine de corvette Favreau, chef de son cabinet militaire, du capitaine Bel Abbès et du lieutenant Agha Mir, de son cabinet militaire.
Il s'est respectueusement incliné devant les dépouilles mortelles des victimes des manifestations du 8 mai.

En présentant aux familles en deuil les condoléances du Gouvernement de la république, il a déclaré' que toutes les dispositions étaient prises pour que les terroristes hitlériens soient impitoyablement châtiés et l'ordre définitivement rétabli. Il a tenu également à rendre hommage aux Européens et aux musulmans qui se sont opposés aux émeutiers et ont, au péril de leur vie, protégé leurs , concitoyens,


D'inspiration et de méthodes hitlériennes

12-5-1945
D'inspiration et de méthodes hitlériennes
Les incidents sanglants
du département
de Constantine ont été impitoyablement
réprimés

Alger. — Les incidents douloureux qui viennent d'ensanglanter un nombre restreint de localités du département de Constantine, et qui ont débuté par l'agression de bandes de manifestants musulmans de Sétif contre des Européens de la ville attablés à une terrasse de café, le jour de l'armistice, et par la mutilation des cadavres — pour si regrettables qu'ils aient pu être — sont loin d'avoir atteint les proportions qu'une propagande alarmiste a tenté d'accréditer dans le public.

Localisés dans les régions de Sétif, de Kerrata et de Guelma, ces troubles ont été le fait de bandes armées qui, pour tuer et piller, ont attaqué ces agglomérations dont les habitants fêtaient dans l'enthousiasme la victoire sur l'Allemagne nazie.

L'inspiration et les méthodes hitlériennes des éléments qui, abusés par des mots d'ordre simplistes, se sont livrés à ces agressions, sont suffisamment apparus : c'est ainsi que des ressortissants de pays de l'Axe, prisonniers de guerre, n'ont pas été inquiétés alors que leurs employeurs français étaient assaillis et qu'un emblème de facture nazie a été saisi.

La police et l'armée sont vigoureusement intervenues pour rétablir l'ordre, démasquer les responsables et prévenir tout renouvellement des troubles. Elles ont été aidées par tous les éléments sains de la population européenne et musulmane qui, dans plusieurs cas, au péril de leur vie, se sont opposés à la fureur des émeutiers. C'est ainsi qu'aux Amouchas, le forgeron du village, un musulman, a calmé les émeutiers et qu'un habitant européen a été sauvé gràce à l'aide que lui ont apportée ses deux khamès.

Les premiers éléments d'information semblent indiquer que les inspirateurs de ces attentats qui, quelques jours plus tôt, avaient tenté de troubler dans plusieurs villes d'Algérie la commémoration de la fête du travail, doivent être recherchés parmi les dirigeants du P.P.A. et des Amis du Manifeste.

Ces incidents sanglants ont fait, à Sétif, 29 victimes dans la population européenne. Ils ont été réprimés impitoyablement par l'action conjuguée de la police et de l'armée.


13-5-1945

LES ÉMEUTES DE LA RÉGION DE SÉTIF
L'ordre est maintenant rétabli après l'intervention énergique des forces militaires
Le général de Gaulle et le Gouvernement avaient donné leur accord sur ces mesures
On déplore de nombreuses victimes parmi la population européenne
Les témoignages de loyalisme ne cessent de parvenir au Gouverneur général
Les événements sanglants sont évoqués aux Délégations financières


LES ÉMEUTES DE LA RÉGION DE SÉTIF



Après les émeutes

16-5-1945

Après les émeutes du Constantinois
De nombreux rebelles ont demandé grâce

Constantine. — La préfecture communique :
Le sous-préfet de Guelma et le colonel commandant la subdivision se sont rendus le 15 mai, à 10 heures, à Laverdure pour recevoir la soumission totale des rebelles de la commune mixte de la Séfia, qui cnt demandé le pardon de leurs actes.

La même cérémonie, qui a revêtu un caractère grandiose, a eu lieu à Souk-Ahras et à Villars dans l'après-midi.

Dans l'arrondissement de Sétif, ce sont les douars de la commune mixte de Takitount, ayant pris part aux récents troubles, qui ont demandé grâce. Les autorités ont reçu cette reddition à 9 heures du matin.


Regrettables incidents à Sétif

Regrettables incidents à Sétif

19-5-1945


Le tragique bilan des émeutes de la région de Sétif
On compte jusqu'ici 67 tués, 45 blessés, des femmes violées, des maisons, des fermes pillées, d'autres incendiées.

Sétif, foyer de l'émeute

A Sétif, le 8 mai, un cortège de musulmans devait partir de la mosquée de la gare, vers 9 h. 15, pour se rendre au monument aux morts. L'autorisation avait été accordée, sous réserve expresse que la manifestation n'aurait pas un caractère poiitique et que le défilé s'effectuerait sans pancartes ou banderoles ; cette promesse ne fut pas tenue. Des panneaux portant des inscriptions telles que : « Libérez Messali », « Nous voulons être vos égaux », furent exhibés.

Les manifestants, au nombre de 8 à 10.000, déferlèrent dans la rue Clemenceau et se heurtèrent à la police à hauteur de l'hôtel de France. Aussitôt, des coups de feu claquèrent et les passants furent agressés et abattus à coups de pistolets, de couteaux et de bâtons. La police et la gendarmerie réagirent vigoureusement, aidées par la troupe alertée et dont l'arrivée sur les lieux fut presque immédiate. Les manifestants, repoussés, continuèrent toutefois d'attaquer les Français isolés dans les différents quartiers de la ville et notamment au marché, où les émeutiers, qui obéissaient sans doute à un mot d'ordre, assassinaient tous les passants qu'ils rencontraient.

Vers 11 heures, l'ordre fut rétabli et la force publique commença les opérations de nettoyage. effectuant les perquisitions et les arrestations qui s'imposaient.

Nombre de victimes : 22 tués, dont MM. Deluca, président de la délégation spéciale de Sétif ; Vaillant, ex-président du tribunal civil ; Raynal, maréchal des logis de gendarmerie ; 45 blessés.

A EI-Ouricia

A El-Ouricia, le 8 mai, vers 14 h. 30, M. Lavarro, aumônier militaire, qui revenait à moto de Périgotville, fut tué à coups de pistolet près du village d'El-Ouricia. Des bandes se sont approchées de ce centre de colonisation et les habitants ont cru, un moment, être attaqués. L'arrivée d'un détachement a certainement évité l'agression.

A Aïn-Abessa

A Ain-Abessa, le 8 mai, vers 21 h. 45, plus de mille indigènes, dont un grand nombre était armés de mitraillettes, attaquent le village. La population eut cependant le temps de se réfugier à la gendarmerie et de résister avec succès jusqu'à l'arrivée de la troupe. Un colon, M. Fabre, surpris dès le début, fut assassiné.

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(Suite de la première page)

Aux Amouchas

Aux Amouchas, vers 13 h. 30, le 8 mai, un car venant de Sétif arrive aux Amouchas. Il avait été attaqué en route, à quelques kilomètres. M. Rousseau, administrateur de la C.M. de Takitount, et son adjoint, M. Bancel, venant de Kerrata, où ils s'étaient rendus pour assister aux cérémonies de la victoire, passent aux Amouchas. M. Rousseau, mis au courant, décide de se rendre immédiatement sur les lieux de l'agression s'est produite. Au lieu dit Aïn-Magranem, un barrage de pierres avait été établi sur la route. Arrivés à cet endroit, l'ads ministrateur et son adjoint se trouvèrent en présence d'émeutiers et tentèrent de parlementer avec eux. C'est à ce moment et à cet endroit, que les deux administrateurs furent probablement
tués. Leurs corps, emportés et cachés, ne devaient être retrouvés par la police judiciaire que le vendredi 11 mai.

Au village même, vers 16 heures, la poste fut attaquée, une maison pillée.

Pas de victime gràce à l'arrivée rapide d'un détachement. Sur la route Amouchas-Kerrata, un automobiliste et un chauffeur de camion furent assassinés.

M. Garrier, gérant de la ferme Chollet, a été tué.

A Périgotville

A Périgotville, le 8 mai, vers 15 heures, des indigènes du village et des mechtas environnantes pénètrent dans les maisons ; ils saccagent, tuent, volent principalement les armes : douze personnes tombent sous leurs coups. L'assaut est donné au bordj de la commune mixte. Les fusils de guerre et les munitions sont emportés. Quelques habitants échappent à grande peine. Vers 18 heures, une auto-mitrailleuse arrive et met en fuite les émeutiers. Les rescapés se groupent au bordj et organisent la défense. Les bandes dispersées semblant vouloir se reformer, l'auto-mitrailleuse repart pour chercher du renfort. Un convoi de femmes et d'enfants, sous sa protection, gagna Sétif, où il arrive vers 3 heures du matin. L'attaque, toutefois, ne s'est pas renouvelée entre le départ de l'auto-mitrailleuse et l'arrivée d'importants renforts.

A noter que le signal du massacre semble avoir été donné par l'arrivée de l'auto communale, conduite par le brigadier Bouguedoura et suivie du taxi du sieur Ladouani, de Périgotville, dans lequel se trouvait le juge de paix du centre, d'origine musulmane. Les indigènes de Takitount ont participé aux troubles de Sétif et ont propagé ensuite le mouvement dans leurs douars.

A Chevreul

A Chevreul, petit village de colonisation dépendant de la commune mixte de Takitount et situé sur la route de SaintArnaud-Djidjelli, le 9 mai„ vers 2 heures du matin, des coups de feu réveillent les colons qui sortent de leurs demeures pour se rendre compte de ce qui se passe. Un colon, M. Grosset, est tué, quatre femmes sont violées. La population gagne en hâte la gendarmerie. Le village est pillé et incendié entièrement par les indigènes des douars voisins. La résistance, organisée dans la caserne des 'gendarmes, a toutefois permis au secours d'arriver à temps, le 10 mai, vers 10 heures du matin, au moment précis efi les assaillants s'apprêtaient à faire sauter l'immeuble à la dynamite, car ils avaient, en effet, auparavant, pillé la plâtrière de Sillègue, exploitée par M. Marchetti, et emporté tous les explosifs avec les détonateurs.

A Kerrata

A Kerrata, mercredi 9 mai, à 7 h. 30, attaque inopinée des Européens par des bandes armées originaires des minerais de Djermouna, de l'oued Berd, de Kalaoune, de Tizin-Bechar, Takitount et Kerrata. Neuf morts, dont le juge de paix et sa femme. Les maisons sont pillées, quatre incendiées. La population s'est réfugiée à la ferme Dussaix et à la gendarmerie, où elle a été délivrée vers midi par l'arrivée de deux autos-mitrailleuses.

Aux Eulmas Sillègue

Aux Eulmas-Sillègue, mardi vers 16 h., des indigènes des douars environnants se rassemblent dans la partie nord du village sous les ordres de trois individus venus de Sétif et dont l'identité est connue. La colonne massacre ensuite le garde-champêtre, sa femme et le chef cantonnier qu'elle rencontre sur son passage. Les fils téléphoniques ayant été coupés, la brigade de Saint-Arnaud et la commune mixte sont alertées par le gérant de la ferme Maigron qui a porté le messages de M. Pages, adjoint spécial. La troupe est arrivée à 3 heures du matin. Quelques habitations ont été pillées et incendiées.

Dans la commune mixte des Rhira

Dans la commune mixte des Rirha, des attaques ont été perpétrées par des nomades. D'abord le mercredi 9 mai à Guellal, ferme Rogin, ensuite le jeudi 10 mai vers midi, à Pascal, où des autos-mitrailleuses en patrouille arrivent et repoussent les assaillants. Aucune victime parmi la population française.
Aucun incident ne s'est produit dans la commune mixte des Biban-Maïla.

Dans la commune mixte des Maadid, un garde-forestier, M. Feuvrie, a été assassiné au douar Aïn-Turk. Les gardes-forestiers de Tamentout (7 personnes), d'Aïn-Settal (2 personnes) ont été assassinés.

Sur les routes

M. Caste, ingénieur, sa femme et son agent technique, M. Bauveau, qui se rendaient à Périgotville, ont été tués dans leur automobile.

La maison forestière de Beni-Siali a été incendiée mais les gardes purent s'échapper.

Des chauffeurs de camion ont été tués ainsi que des voyageurs isolés.


TRIBUNAL MILITAIRE

26-5-1945

TRIBUNAL MILITAIRE
Président : Colonel Vette
Ministère public : Colonel Lien
APRES LES INCIDENTS DU 8 MAI

La répression ne tarde pas contre les fauteurs des regrettables incidents du 8 mal. Seize d'entre eux comparaissaient hier devant le tribunal militaire.

Ils ont tous été arrêtés comme responsables des troubles provoqués à Blida dans l'après-midi du jour V.

Ayant enfreint les prescriptions, une manifestation autorisée ayant lieu à 15 heures, des pancartes et banderolles furent arborées.

Il s'ensuivit une Intervention de la police, d'où une rixe au cours de laquelle plusieurs agents de police furent blessés ainsi que plusieurs manifestants.

Les manifestants au nombre de seize arrêtés comme principaux instigateurs de la bagarre étaient traduits, hier, devant le tribunal militaire d'Alger, que présidait le colonel Vette, le colonel Lieu occupant le siège du ministère public.

Le tribunal a prononcé les condamnations suivantes

Lounès Bachir ben Madani ben Ahmed à 12 ans de travaux forcés, à la dégradation civique et 10 ans d'interdiction de séjour ; Rabah Albert, à 8 mois de prison ; Messiouri Mohamed ben Mohamed, à 20 ans de travaux forcés, à la dégradation civique, 20 ans d'interdiction de séjour ; Taxarli Abdelgitani ben Hacène, à 20 ans de travaux forcés, à la dégradation civique et 20 ans d'interdiction de séjour Benaceur ben Mohamed ben Abdelkader, à 15 ans de travaux forcés, A la dégradation civique et 20 ans d'interdiction de séjour ; Berkani ben Aissa ben Mohamed, à 3 ans de prison et 6.000 fr. d'amende ; Boudjaldia Salah ben Amar, à 12 ans de travaux forcés, à la dégradation civique et 20 ans d'interdiction de séjour ; Amara Sarhoui, à 15 ans de travaux forcés, à la dégradation civique et 20 ans d'interdiction de séjour ; Perroukhi M'Hmed ben Kaddour, à 12 ans de travaux forcés, à la dégradation civique et 20 ans d'interdiction de séjour ; Ameur Mohamed Mohamed ben Mohamed ben Amar, à 10 ans de travaux forcés, à la dégradation civique et 20 ans d'interdiction de séjoure; E1-Mokadem ben Mohamed, à 20 ans de travaux forcés, a ia dégradation civique et 20 ans d'interdiction de séjour ; Semmed Otman ben Mohamed, à 20 ans de travaux forcés, à la degradation civique et 20 ans d'interdiction de séjour ; Bouteldjia Ahmed ben Tayeb 15 ans de travaux forcés, à la dégradation civique et 20 ans d'interdiction de séjour ; Keber Mohamed ben Abdelkader a été acquitté.

Kob Turqui Mahmoud ben Mohamed, actuellement malade, sera jugé à une prochaine session.

Le maréchal des logis Saadi Mohamed, déclaré non coupable de rebellion, est retenu sur la question subsidiaire des propos de nature à nuire, à deux ans de prison, 5.000 fr. d'amende