19-5-1945
Le tragique bilan des émeutes
de la région de Sétif
On compte jusqu'ici 67 tués, 45 blessés, des femmes violées,
des maisons, des fermes pillées, d'autres incendiées.
Sétif, foyer de
l'émeute
A Sétif, le 8 mai, un cortège de musulmans devait partir
de la mosquée de la gare, vers 9 h. 15, pour se rendre au monument
aux morts. L'autorisation avait été accordée, sous
réserve expresse que la manifestation n'aurait pas un caractère
poiitique et que le défilé s'effectuerait sans pancartes
ou banderoles ; cette promesse ne fut pas tenue. Des panneaux portant
des inscriptions telles que : « Libérez Messali »,
« Nous voulons être vos égaux », furent exhibés.
Les manifestants, au nombre de 8 à 10.000, déferlèrent
dans la rue Clemenceau et se heurtèrent à la police à
hauteur de l'hôtel de France. Aussitôt, des coups de feu
claquèrent et les passants furent agressés et abattus
à coups de pistolets, de couteaux et de bâtons. La police
et la gendarmerie réagirent vigoureusement, aidées par
la troupe alertée et dont l'arrivée sur les lieux fut
presque immédiate. Les manifestants, repoussés, continuèrent
toutefois d'attaquer les Français isolés dans les différents
quartiers de la ville et notamment au marché, où les émeutiers,
qui obéissaient sans doute à un mot d'ordre, assassinaient
tous les passants qu'ils rencontraient.
Vers 11 heures, l'ordre fut rétabli et la force publique commença
les opérations de nettoyage. effectuant les perquisitions et
les arrestations qui s'imposaient.
Nombre de victimes : 22 tués, dont MM. Deluca, président
de la délégation spéciale de Sétif ; Vaillant,
ex-président du tribunal civil ; Raynal, maréchal des
logis de gendarmerie ; 45 blessés.
A EI-Ouricia
A El-Ouricia, le 8 mai, vers 14 h. 30, M. Lavarro, aumônier militaire,
qui revenait à moto de Périgotville, fut tué à
coups de pistolet près du village d'El-Ouricia. Des bandes se
sont approchées de ce centre de colonisation et les habitants
ont cru, un moment, être attaqués. L'arrivée d'un
détachement a certainement évité l'agression.
A Aïn-Abessa
A Ain-Abessa, le 8 mai, vers 21 h. 45, plus de mille indigènes,
dont un grand nombre était armés de mitraillettes, attaquent
le village. La population eut cependant le temps de se réfugier
à la gendarmerie et de résister avec succès jusqu'à
l'arrivée de la troupe. Un colon, M. Fabre, surpris dès
le début, fut assassiné.
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(Suite de la première page)
Aux Amouchas
Aux Amouchas, vers 13 h. 30, le 8 mai, un car venant de Sétif
arrive aux Amouchas. Il avait été attaqué en route,
à quelques kilomètres. M. Rousseau, administrateur de
la C.M. de Takitount, et son adjoint, M. Bancel, venant de Kerrata,
où ils s'étaient rendus pour assister aux cérémonies
de la victoire, passent aux Amouchas. M. Rousseau, mis au courant, décide
de se rendre immédiatement sur les lieux de l'agression s'est
produite. Au lieu dit Aïn-Magranem, un barrage de pierres avait
été établi sur la route. Arrivés à
cet endroit, l'ads ministrateur et son adjoint se trouvèrent
en présence d'émeutiers et tentèrent de parlementer
avec eux. C'est à ce moment et à cet endroit, que les
deux administrateurs furent probablement
tués. Leurs corps, emportés et cachés, ne devaient
être retrouvés par la police judiciaire que le vendredi
11 mai.
Au village même, vers 16 heures, la poste fut attaquée,
une maison pillée.
Pas de victime gràce à l'arrivée rapide d'un détachement.
Sur la route Amouchas-Kerrata, un automobiliste et un chauffeur de camion
furent assassinés.
M. Garrier, gérant de la ferme Chollet, a été tué.
A Périgotville
A Périgotville, le 8 mai, vers 15 heures, des indigènes
du village et des mechtas environnantes pénètrent dans
les maisons ; ils saccagent, tuent, volent principalement les armes
: douze personnes tombent sous leurs coups. L'assaut est donné
au bordj de la commune mixte. Les fusils de guerre et les munitions
sont emportés. Quelques habitants échappent à grande
peine. Vers 18 heures, une auto-mitrailleuse arrive et met en fuite
les émeutiers. Les rescapés se groupent au bordj et organisent
la défense. Les bandes dispersées semblant vouloir se
reformer, l'auto-mitrailleuse repart pour chercher du renfort. Un convoi
de femmes et d'enfants, sous sa protection, gagna Sétif, où
il arrive vers 3 heures du matin. L'attaque, toutefois, ne s'est pas
renouvelée entre le départ de l'auto-mitrailleuse et l'arrivée
d'importants renforts.
A noter que le signal du massacre semble avoir été donné
par l'arrivée de l'auto communale, conduite par le brigadier
Bouguedoura et suivie du taxi du sieur Ladouani, de Périgotville,
dans lequel se trouvait le juge de paix du centre, d'origine musulmane.
Les indigènes de Takitount ont participé aux troubles
de Sétif et ont propagé ensuite le mouvement dans leurs
douars.
A Chevreul
A Chevreul, petit village de colonisation dépendant de la commune
mixte de Takitount et situé sur la route de SaintArnaud-Djidjelli,
le 9 mai vers 2 heures du matin, des coups de feu réveillent
les colons qui sortent de leurs demeures pour se rendre compte de ce
qui se passe. Un colon, M. Grosset, est tué, quatre femmes sont
violées. La population gagne en hâte la gendarmerie. Le
village est pillé et incendié entièrement par les
indigènes des douars voisins. La résistance, organisée
dans la caserne des 'gendarmes, a toutefois permis au secours d'arriver
à temps, le 10 mai, vers 10 heures du matin, au moment précis
efi les assaillants s'apprêtaient à faire sauter l'immeuble
à la dynamite, car ils avaient, en effet, auparavant, pillé
la plâtrière de Sillègue, exploitée par M.
Marchetti, et emporté tous les explosifs avec les détonateurs.
A Kerrata
A Kerrata, mercredi 9 mai, à 7 h. 30, attaque inopinée
des Européens par des bandes armées originaires des minerais
de Djermouna, de l'oued Berd, de Kalaoune, de Tizin-Bechar, Takitount
et Kerrata. Neuf morts, dont le juge de paix et sa femme. Les maisons
sont pillées, quatre incendiées. La population s'est réfugiée
à la ferme Dussaix et à la gendarmerie, où elle
a été délivrée vers midi par l'arrivée
de deux autos-mitrailleuses.
Aux Eulmas Sillègue
Aux Eulmas-Sillègue, mardi vers 16 h., des indigènes des
douars environnants se rassemblent dans la partie nord du village sous
les ordres de trois individus venus de Sétif et dont l'identité
est connue. La colonne massacre ensuite le garde-champêtre, sa
femme et le chef cantonnier qu'elle rencontre sur son passage. Les fils
téléphoniques ayant été coupés, la
brigade de Saint-Arnaud et la commune mixte sont alertées par
le gérant de la ferme Maigron qui a porté le messages
de M. Pages, adjoint spécial. La troupe est arrivée à
3 heures du matin. Quelques habitations ont été pillées
et incendiées.
Dans la commune mixte des Rhira
Dans la commune mixte des Rirha, des attaques ont été
perpétrées par des nomades. D'abord le mercredi 9 mai
à Guellal, ferme Rogin, ensuite le jeudi 10 mai vers midi, à
Pascal, où des autos-mitrailleuses en patrouille arrivent et
repoussent les assaillants. Aucune victime parmi la population française.
Aucun incident ne s'est produit dans la commune mixte des Biban-Maïla.
Dans la commune mixte des Maadid, un garde-forestier, M. Feuvrie, a
été assassiné au douar Aïn-Turk. Les gardes-forestiers
de Tamentout (7 personnes), d'Aïn-Settal (2 personnes) ont été
assassinés.
Sur les routes
M. Caste, ingénieur, sa femme et son agent technique, M. Bauveau,
qui se rendaient à Périgotville, ont été
tués dans leur automobile.
La maison forestière de Beni-Siali a été incendiée
mais les gardes purent s'échapper.
Des chauffeurs de camion ont été tués ainsi que
des voyageurs isolés.