SAOULA - village d'Algérie

Ce n'est qu'à partir du 1er juillet 1894 que ce dernier village situé à 15 km d'Alger, accéda au statut de commune de plein exercice avec un territoire de 1952 hectares en coteaux.

Edgar Scotti
extrait de "l'Algérianiste"...
sur site le 3-4-2008...déplacé ici en septembre 2013

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-D'abord inclus dans la zone de défense du Sahel d'Alger, Birkadem et Saoula furent créés en 1843 sur 3 380 ha. Ce n'est qu'à partir du 1er juillet 1894 que ce dernier village situé à 15 km d'Alger, accéda au statut de commune de plein exercice avec un territoire de 1952 hectares en coteaux.
Un climat salubre, avec des températures minimales de 7 °C en hiver et des maximales atteignant 38 °C en été, ainsi que de l'eau abondante et de bonne qualité attirèrent des viticulteurs et des artisans du Sud de la France. Les terres rouges et légères du sidérolithique de Birkadem-Saoula, étaient propices aux cultures fruitières et maraîchères.

En raison de ses modestes dimensions, Saoula c'était, en 1900, quelques maisons groupées de part et d'autre du chemin de grande communication n° 13 qui reliait Baba Hassen à Birkadem. C'était surtout et aussi des hommes travailleurs. Beaucoup d'entre eux reposaient aux côtés de leurs épouses dans le petit cimetière de Birkadem, dont les tombes creusées à même le sol étaient surmontées d'une croix blanchie par le soleil où le nom de l'humble défunt était peu lisible ou complètement effacé. Sur l'entourage de fer forgé quelques restes de couronnes de verroterie témoignaient encore de l'affection de la famille.

Saoula, c'était avant tout ces hommes, ces femmes et leurs enfants d'une école mixte et d'un groupe scolaire qui animaient la rue principale. Avec 1 250 habitants en 1900, dont 696 fellahs producteurs de bétail, le village était doté depuis le 17 octobre 1899 d'un bureau de poste et d'une agence télégraphique. Les corricolos de 1 société Bonifay assuraient plusieurs services par jour entre Alger-Douera, et Saoula et aussi depuis Alger jusqu'à Saoula par Birkadem.

Le village avait, dans un premier temps, été peuplé par de Languedociens. Ils arrivaient avec des boutures de leurs cépages familiers, carignan, cinsaut, alicante-bouschet ; car pour eux, planter des arbres fruitiers, de la vigne, cela faisait partie de leur vie, de leurs traditions. C'était des bâtisseurs et pour eux une maison s'achève par la pose d'une poutre faîtière, d'où la mise en terre dans leur lot de jardin de trois cyprès, l'un pour la poutre, l'autre pour son remplacement et le troisième pour suppléer à la perte éventuelle d'un arbre déraciné par le vent des Cévennes, calciné par le feu ou détruit par la sécheresse.

Saoula, c'était aussi un village de petits agriculteurs où le vannier découpait ses roseaux sur le trottoir pour en tresser des corbeilles. Sur de petites parcelles, des ouvriers durant une longue journée, courbés sur leur sape à large lame, binaient ou buttaient pommes de terre et tomates. Parmi eux des Minorquins venus de la région de Ciutadella*, n'avaient pas leur pareil pour niveler une terrasse et y faire circuler l'eau qu'un mulet, dont le chanfrein couvert d'un chapeau de paille percé, tirait d'un puits surmonté d'une noria.(*Le webmaster: mes ancêtres, arrière-arrière GP étaient natifs de Ciutadella)

Saoula, c'était la mélopée qu'un berger obtenait de sa flûte de roseau. C'était aussi le cahotement d'un tombereau ou le braiment d'un âne circulant au milieu des petites maisons blanchies à la chaux. En 1900, la vie de la commune était ponctuée par le déroulement des travaux agricoles, le maraîchage, la viticulture, l'arboriculture, la culture des artichauts, melons et pastèques se substituant progressivement à l'élevage.

Avec d'anciennes familles musulmanes depuis toujours installées, Saoula était en 1900 un village paisible et déjà bien organisé autour d'activités agricoles telles que la culture maraîchère et la viticulture.

Malgré des surfaces agricoles réduites, le maraîchage représenta pour ces petits centres du Sahel d'Alger, une part importante des revenus de leurs agriculteurs.

Un microclimat permettait de faire plusieurs récoltes par an sur une même parcelle. D'autre part, les besoins en eau des cultures étaient comblés par la construction de bassins d'irrigation alimentés par des norias. Composées d'une armature et d'une roue métallique supportant une chaîne à godets, les norias de fabrication artisanale étaient actionnées par un mulet. En faisant entendre la claire musique de leurs cliquets d'acier retombant sur la roue dentée, ces petites norias entretenaient la vie et faisaient remonter des couches profondes du sol tuffeux une eau que des hommes venus d'Alayor, d'Es Mercadal ou de San Luis conduisaient avec leur sape, jusqu'au pied des plants d'artichauts, courgettes, poivrons, tomates.

Ces " Mahonnais " commençaient leur journée très tôt, les reins entourés d'une grosse ceinture de flanelle, pliés sur leurs genoux tenant dans leurs mains calleuses leur sape à large lame de fer. Ils travaillaient jusqu'au soir. Pour eux, il n'y avait, ni dimanche, ni jour férié, à une exception près cependant pour la fête de l'Ascension où selon une coutume inconnue à Ciutadella, mais respectée à Birkadem, Koubba, Saoula, Fort de l'Eau, et Aïn Taya " Ce jour-là, même les oiseaux s'arrêtent de faire leur nid ".

La viticulture en 1900

Par la régularité de ses rendements et par les débouchés offerts dans l'agglomération d'Alger, la culture de la vigne à raisins de table ou de cuve intéressait tous les propriétaires de cette région du Sahel. Les plantations de " greffés soudés " au printemps avant le débourrement ou de plants américains greffés en " plancha c'est-à-dire sur place en septembre permettaient dans les deux cas d'obtenir des ceps vigoureux de raisins de cuve : carignan, cinsaut, alicante-bouschet, grenache, ugni blanc et merséguerra auxquels s'ajoutèrent par la suite cabernet, syrah et autres cépages nobles.
En raisin de table le choix portait sur le chasselas de Guyotville précoce,l 'Ameur-bou-Ameur, le muscat d'Alexandrie et le dattier de Beyrouth apprécié pour la fermeté de ses grains. En 1900, ces viticulteurs cultivaient déjà 380 ha qui produisaient un vin très estimé.

Conduites en gobelet ou palissées sur fils de fer, les vignes des petites par-. celles à flanc de coteaux de Saoula recevaient en interlignes, après le vendanges, 200 à 260 kg de plants de pommes de terre à l'hectare, donnant une récolte de tubercules avant le débourrement de la vigne au printemps. Des hommes travailleurs, habiles jardiniers, savaient obtenir de ces sols légers, se réchauffant facile ment, une récolte supplémentaire de précieuses ressources alimentaires.

Conseil municipal en 1900:

Le conseil municipal composé de MM. Deschamps, Mohamed Djezzar, Marius Bence, Lardet, Lescure, Lubet, Boisson, Thévenet, Bonnet, Gueddar, était présidé par M. Henri Gras maire du village, avec pour adjoint M. Guibbaud.
Saoula comptait également dans l'organisation municipale une institutrice, M", Piart, un facteur-receveur, M. Schmidt, et un curé M. Sailly de Houdère.

Artisans et commerçants en 1900:

MM. Marius Bence, M. Lescure (bouchers); Chabas, Guibbaud, Long, Mercadal (cafetiers); Bonet, Camps (charrons-forgerons); Béranger (distillateur); Chabas, Jean Jover, Jover frères, Mme Vve Long (épicier); Gras, (marchand de moutons); Mohring (minotier). Ce dernier artisan avait en 1900 un moulin à meules qu'il remplacera plus tard par un moderne moulin à cylindres.

Viticulteurs en 1900:

En cette année 1900, Saoula était doté d'ateliers de réparation et d'entretien du matériel agricole ainsi que d'expéditeurs et industriels de la transformation des produits du sol. Situé dans une zone dense d'habitat dispersé autour de petites agglomérations comme Birkadem, Baba-Hassen, El-Achour, Draria, Crescia; Marius Bence, boucher et Jean Jover épicier à Saoula, allaient de village en village ainsi que dans les fermes avec un fourgon hippomobile. Chaque arrêt entraînait le rassemblement des ménagères autour des étalages ambulants, de viande découpée sur une planche, de légumes secs et de pâtes avant d'être déposés sur un des plateaux d'une balance. MM. de Belle-Roche, Bordet-Chéronnet, Bossion, Mme Veuve Bonifay, MM. Devèze, Gras, Guibbaud, Pons, Lavagne, Lescure, Joseph Pons, Ruitort, Rousé, Séguin et Troncy.

Viticulteurs en 1950:

Ces viticulteurs étaient: MM. Florent Ambrosino, François April, d'Aubigny-Castillon, Audouy-Gueltif, Audouy-Hafid, Belhadj Mohamed, Belkacem Boualem, Jean Bénéjean, Raphaël Bénéjean, Sébastien Bénéjean. Louis Berhier, Mme Veuve S. Bonet, MM. Saïd Boualem, Mohamed Boukert, Ahmed Boumedfa, René Bour, Louis Boyer-Banse, Brouard, M'ne Brette, MM. Roger Callas, Cazal-Cathala, Cazayous, Albert Cellier, Cheylard et Castanet, Michel Cortès, Louis Cruvellier, Angélo Dell Isola, Baptiste Deschamps, Dupuy frères, Miche ! Esbert, Antoine Estelrich, Joseph Femenias, Joseph Gomila, Léon Groussac, F. et A. Guibbaud, Mme Vve G. Journeau, MM. Maurice Jover, Mohamed Kesraoui, Amédée Laffont, Mohamed Layani, Édouard Lardet, Lebrun-Laussinot, Pierre Lubet, Émile Marchand, Pierre Masson, Médina et Olivès, Simon Médina, Mengual, Ali Mokdadj, Mohamed Mokdad, Mokdad Mohamed ben Ahmed, Mora frères, Louis Moulin, Mohamed Moussa, M"" Veuve Jean Pons, MM. Gabriel Portella, Rieupoulh, Émile Roux, Georges Schaeffer, Joseph Sintès, Salvador Sintès, Société civile du Sahel, S.I.A.M.N.A, Société Ruetsch, MM. François Torrès, Robert Troncy, Charles Vassalo, Dominique Vidal, Virtson, Vinson-Germain.

Saoula dans les années cinquante.

En raison de la qualité des produits obtenus et de la proximité de débouchés très demandeurs, Saoula disposait des pépinières de M. Pierre Florit ainsi que des prestations d'un oenologue, M. Maurice Jover ingénieur IAA. Le village avait plusieurs entreprises de construction de caves, dont celles de MM. Jean-Raphaël Ségui et Valdès. Enfin plusieurs expéditeurs de raisin de table dont MM. Étienne Azzopardy, Mohamed Brahimi, Guibbaud frères, conditionnaient de belles grappes de muscat ou de dattier dans des cagettes fournies par les établissements Ben Ouenniche à Hussein-Dey avant d'en assurer le transport jusqu'à l'embarquement sur les quais d'Alger à destination de Port-Vendres ou de Marseille.

Alors qu'en 1900, quinze propriétaires se partageaient 380 ha de vigne soit en moyenne 25 ha par viticulteur, cinquante ans plus tard ils étaient 70 à cultiver un vignoble d'une superficie moyenne de 20 ha.

Les petits vignobles du Sahel d'Alger

Mais contrairement à une idée reçue, il n'y avait pas de monoculture viticole exclusivement européenne. Sur 1 445 ha de vigne, une majorité de vignobles, soit 48 sur 70 couvraient moins de 6 ha et leurs propriétaires commercialisaient plus de 13 300 quintaux de vendanges, soit en raisin de table par l'intermédiaire d'expéditeurs ou plus souvent auprès d'autres viticulteurs qui vinifiaient dans des caves particulières ou en coopérative. Les ressources de ces petits vignobles venaient en appoint d'autres productions notamment vivrières ou fruitières. Il y avait prédominance du maraîchage, artichauts de la variété " violet d'Alger " et surtout pommes de terre de saison et " grenadine " parce que cette dernière récolte arrivait en septembre en même temps que les grenades.

1962 : la fin d'une aventure humaine.

Depuis sa création, Saoula s'était agrandi tout en conservant son charme paisible avec ses médecins : les docteurs Jean Georges, rue Parmentier, Laffont au Clos des Roches, Paul Lavergne au Clos du Palmier et Laffargue-Ribas. La pharmacie de Mme Huguette Turjeman fournissait les médicaments prescrits par les médecins aux patients du village, tous couverts par la Sécurité sociale.
En 1962, M. Raoul Huss, successeur de M. Nicolas Huss, organisateur de spectacles en 1900, mettait à la disposition de ses clients de Saoula et de ses environs, des appareils de sonorisation pour fêtes et banquets. Tandis que M. Weinich avec un matériel de projection ambulant organisait des circuits cinématographiques dans les villages de la région.

La boulangerie du centre était tenue par MM. Ould Brahim frères et l'épicerie portait l'enseigne de M. Hadj Brahim ben Hamou.

Le café-restaurant de la Prospérité était tenu par Mme Marie-Françoise Gendre, tandis que celui de la Place appartenait à Mme Vincent Garcia. Tous les produits de la charcuterie minorquine se trouvaient chez Médina et Olives avec les " format- jades ", les soubressades piquantes et douces, la longanisse, le " ciuxot ou couchot " sans oublier les savoureux " boutifars ". La boucherie ambulante de M. Marius Bence n'existait plus et ses fils Louis et Robert étaient à la tête d'une SARL de matériel pour bouchers ayant son siège social au 81, rue de Lyon à Alger, dans la côte de Mustapha.

Enfin M. Germain Mercadal, garagiste, assurait l'entretien du matériel agricole et des véhicules du village. Les fellahs producteurs laitiers avec une ou deux vaches, les faisaient inséminer par les techniciens de l'Institut agricole de Maison-Carrée où le professeur Jore d'Arces avait créé un service destiné à améliorer la production des bovins laitiers dont dépendait à cette époque la couverture des besoins en lait frais de l'agglomération algéroise.

* *

En cet été 1962, la population de Saoula, soumise à la pression des événements sanglants qui endeuillaient toute cette région du Sahel commença à regarder de l'autre côté de la Méditerranée. D'humbles ouvriers réunissaient une petite somme pour payer leur passage sur un paquebot équipé en transport de troupe. Encore fallait-il rejoindre le port d'Alger et ses quais, à travers d'inquiétants et d'humiliants barrages dressés le long du ravin de " la Femme sauvage ". Après le carrefour Polignac, un nuage fétide s'élevait de centaines de voitures en feu abandonnées sur les rochers au bord de la route moutonnière. Puis c'était la longue et anxieuse attente devant les bâtiments des compagnies de navigation pour embarquer. Il fallait ouvrir ailleurs d'autres sillons et toujours, planter de la vigne, des pommes de terre ou lancer des projets d'entreprises, mais surtout enraciner quelque chose. Ces hommes de Saoula n'ont rien pris à l'Algérie. Ils y ont laissé en parfait état des terrains maraîchers qui donnaient deux récoltes par an, des ateliers de conditionnement et d'expédition de primeurs.

Images criantes du passé qui s'opposent à la vacuité du silence.

Images du souvenir des hommes, nécessaires pour imaginer le présent. Qui n'a pas la mémoire du passé, ne peut imaginer l'avenir.

Remerciements:
Cette note succincte sur la mémoire des hommes et des femmes de Saoula n'a été rédigée que grâce aux encouragements du professeur Francis Curtès, aux documents du Dr Georges Duboucher, de MM. Louis Dulac et Jacques Piollenc. Les documents photographiques ont été aimablement fournis par M. Raphaël Pastor. Nous prions toutes ces personnes de bien vouloir accepter l'expression de notre profonde gratitude.