Alger : SAINT - EUGENE
Micheline Spoerri : Main de fer, gant de velours
Hé oui! Cette personne est de Saint-Eugène
(voir les photos de classe)
À quelques jours du G8, la patronne du Département de justice, police et sécurité du canton de Genève sort de sa réserve. Critiquée pour la rigueur de sa politique, cette scientifique se dit plus à l’aise sur le terrain que devant les micros. Rencontre avec une femme qui bouscule les préjugés.
Article trouvé sur Google - mis en page par moi, Bernard Venis créateur du site http://alger-roi.fr
sur site le 19-02-2004...+ le 12-9-2007
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--------------Aux lourdeurs protocolaires, Micheline Spoerri préfère la convivialité. La ministre libérale ne reçoit pas installée derrière son bureau, mais au bout d’une longue table en chêne massif qui lui tient lieu de place de travail. Des piles de dossiers, des livres, trois téléphones, des litres de tisane et un cendrier toujours plein complètent le décor de son univers professionnel. L’image de femme froide et distante qui lui colle à la peau passe d’emblée à la trappe.

-------Quatorze heures de travail quotidien, parfois plus, jamais moins. Depuis des mois, Micheline Spoerri planche sur le dossier brûlant du G8. Un défi qui n’est toutefois pas de taille à effrayer la responsable de la sécurité du territoire genevois et de ses résidents durant tout le sommet. Exigeante, perfectionniste, elle se veut lucide mais pas alarmiste. «Tous les scénarios possibles ont été répertoriés et tout ce qui est prévisible est sous contrôle, mais on ne peut pas prétendre tout dominer. La guerre en Irak a rendu le climat international explosif. Notre travail sera de maîtriser, si né-cessaire, la violence pour que le droit de manifester puisse s’exprimer. Nos moyens d’intervention doivent être efficaces, sans comporter de danger pour les manifes-tants.» Visiblement, les leçons de la balle colorante ont été tirées. En mars dernier, ce projectile avait blessé une manifestante anti-OMC à Genève. L’incident avait fait grand bruit et la perspective des manifestations anti-G8 a précipité la conseillère d’Etat dans la ligne de mire de ses détracteurs. Depuis lors, elle est attendue au tournant. Elle le sait et ne se démonte pas.

-------Par nature, Micheline Spoerri privilégie la réflexion et l’action plutôt que les effets d’annonce. Ainsi, ce n’est que quelques jours après la bavure de la balle colorante et après un long silence qui a semé le trouble qu’elle a annoncé sa décision de retirer définitivement l’arme incriminée de son arsenal. Par ailleurs, elle n’a pas retenu le chef de la police genevoise quand il a présenté sa démission. Diplômée en biologie médicale et docteure en chimie analytique, cette scientifique aime vérifier et décorti-quer les preuves avant d’agir.

Les années algériennes

-------Le chaos et la violence, Micheline Spoerri a dû y faire face très tôt. De mère pied-noire et de père zurichois, elle voit le jour le 11 janvier 1946 à Alger, à la veille du conflit qui ravagera le pays. En évoquant son enfance, la magistrate ne cache pas une pointe de nostalgie. «J’aimais l’Algérie et je m’y sentais bien. A l’époque, j’avais deux passions: le tennis, j’en jouais tous les jours, et le piano, je rêvais d’être chef d’orchestre!» Ses débuts sportifs et artistiques très prometteurs seront brutalement interrompus par la guerre. En 1961, la situation dégénère. L’Algérie vit au rythme d’attentats sanglants. «Le matin, on se disait au revoir ne sachant pas si on se reverrait le soir.» Au lendemain d’un terrible attentat, ses parents prennent la décision de l’envoyer en France chez des amis. «J’ai quitté l’Algérie à 16 ans, seule et la mort dans l’âme. Ma sœur est venue me rejoindre quelques mois plus tard dans une pension près de Bordeaux avant que nos parents ne nous installent toutes les deux à Genève. Mon père, à qui je ressemble beaucoup, était un créateur et un entrepreneur dynamique. Il avait monté sa propre société de transport et de déménagement à Alger et il n’était pas question pour lui de tout abandonner. Avec ma mère, ils sont restés le plus longtemps possible avant de fuir en catastrophe et de venir nous retrouver en Suisse.»

-------Cette expérience de la guerre et de l’exil, qui apprend à la jeune Micheline à distinguer l’essentiel de l’accessoire, influencera tout son parcours personnel et professionnel. «Sortir indemne avec toute ma famille de ce chaos, c’était extraordinaire! On n’avait plus rien, mais on était en vie. Ma passion pour la médecine s’est déclarée à ce moment-là. J’ai eu envie d’aider et de créer des structures qui rassemblent les gens. D’ailleurs j’en suis toujours là, c’est la même flamme qui m’anime aujourd’hui dans mon travail à la tête du département.»

Du flair et de l’intuition

-------Bardée de diplômes, Micheline Spoerri sort de l’Université de Genève avec la ferme intention de travailler pour Médecins sans frontières. Une fois encore, le destin en décidera autrement. À 30 ans, elle est sollicitée par le milieu hospitalier pour créer et diriger un laboratoire d’analyses médicales. Elle enchaînera ensuite les initiatives en créant quatre autres laboratoires à Genève avant de fonder, en 1999, le premier centre suisse spécialisé dans les troubles de la ménopause et de l’andropause. Convaincue que son engagement doit se poursuivre au-delà de la sphère médicale, elle rejoint les rangs libéraux en 1991. «Je suis une femme de droite, mais ça ne m’empêche pas de partager le point de vue des socialistes sur certains sujets, notamment en ce qui concerne la sécurité sociale. Par ailleurs, l’attitude des chefs d’entreprises privées ou publiques qui utilisent la société pour servir leurs intérêts personnels me révolte. Dans le libéralisme qui m’anime, l’individu est au service de la société et pas l’inverse.»

-----"La sécurité n'est pas une affaire de droite ou de gauche. Nous devons tous lutter contre la violence, la criminalité et la drogue."

-------D’abord conseillère municipale, Micheline Spoerri accède en 1993 au Grand Conseil. Son travail de députée la passionne mais le manque d’action lui pèse. Portée par sa volonté d’entreprendre et ses talents de gestionnaire, elle prend la présidence du Parti libéral genevois de 1996 à 1998. En faisant aboutir une initiative qui abaisse les impôts de 12%, elle devient au passage la coqueluche des contribuables. Et elle n’en reste pas là. En 2001, elle décide de briguer les plus hautes responsabilités politiques du canton. «J’ai toujours été effrayée par l’écart qui existe entre les citoyens et le politique et je l’ai vécu de près en présidant des associations professionnelles dans le domaine de la santé. Le seul moyen de faire avancer les choses, c’était de m’engager davantage. J’avais aussi envie de changer de registre.» Elle se lance dans la course au Conseil d’Etat et, à sa grande surprise, elle est élue le 11 novembre de la même année.

-------Alors que tout le monde l’attend à la Santé, elle choisit le Département de justice, police et sécurité… Autrement dit l’institution politique la moins populaire et la plus délabrée en raison des déficiences de son prédécesseur. «C’était le département qui m’intéressait le plus. Il est difficile mais passionnant. Ce qui est extraordinaire, c’est d’être en lien direct avec les citoyennes et les citoyens.» Méfiants au début, ses collaborateurs lui sont aujourd’hui d’une fidélité à toute épreuve. «C’est une femme rigoureuse, mais elle sait écouter et elle est toujours ouverte au dialogue», confie-t-on dans les couloirs de Justice et police. A peine installée dans ses nouvelles fonctions, elle visite tous les services, se rend dans tous les commissariats. Elle est proche de ses hommes qu’elle ne laisse jamais tomber. «Quand il y a une merde, je suis là!»

Les femmes à la rescousse

-------«La sécurité n’est pas une affaire de droite ou de gauche. Nous devons tous lutter contre la violence, la criminalité et la drogue. Je ne souhaite pas un Etat policier, mais une société qui n’applique pas certaines règles ne peut pas fonctionner.» Une des missions les plus urgentes, selon Micheline Spoerri, consiste à rapprocher l’institution policière de la population. «Je veux que la police ait des missions très claires en ce qui concerne la violence dans les quartiers, dans les établissements scolaires et dans la sphère familiale.» -------Le développement du partenariat, la revalorisation du métier de policier et l’augmentation des effectifs, par le biais notamment de l’intégration des personnes titulaires d’un permis C, figurent en bonne place à son programme. Parmi ses objectifs prioritaires, la magistrate mentionne encore le recru-tement de femmes. «Pour moi elles sont les gardiennes de la paix. Elles ont pour vocation de préserver la vie et elles disposent de toutes les qualités requises pour apporter beaucoup à l’institution policière.»

-------Sur sa vie privée, Micheline Spoerri reste discrète. Immergée dans une vie professionnelle trépidante, cette célibataire s’accorde peu d’extras. «Je m’impose d’aller me coucher, de manger. Par contre, je prends le temps d’aller voir ma mère qui a 88 ans. En ce moment, je ne vais ni au cinéma ni au théâtre, mais je m’accorde tout de même des soirées entre amis. Quand je rentre chez moi dans la campagne gene-voise, je retrouve le calme, la simplicité. J’adore cuisiner, ça me détend, et puis, c’est clair, j’aime la bonne bouffe et les bons vins!» Pour se libérer l’esprit, cette épicurienne dévore les magazines people et rêve aux vacances qu’elle s’offrira après le sommet du G8. Elle se dit prête à aller n’importe où, sauf en cure thermale à... Evian-les-Bains!


Yannick van der Schueren