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Afrique
du nord illustrée du 11 - 9 - 1926
janvier 2021
LE MASCOT ROCK'S - ÉTABLISSEMENT BALNÉAIRE
L'une des principales causes de grand étonnement pour les hiverneurs
séjournant à Alger était l'absence complète
d'établissements balnéaires leur permettant, tout comme
dans les diverses stations climatiques de la Côte d'Azur, de séjourner,
au gré de leur fantaisie, au bord de la mer, même lorsque
celle-ci se montre le plus courroucée.
Toutes les organisations de ce genre, du Cap Matifou à la Pointe-Pescade,
dès l'approche de l'hiver, fermant leurs portes, ils ne pouvaient
satisfaire un désir cependant si légitime dans un port de
mer.
Eh quoi ! n'est-elle donc belle à contempler que lorsqu'elle est
douce, unie, clémente, cette Méditerranée bleue comme
l'azur. N'est-elle agréable à entendre que quand sa voix
câline, heureuse et sereine, ressemble à la voix d'or de
quelque sirène ? Non, assurément, et le spectacle est encore
plus séduisant, d'une mer rageuse et tapageuse :
Quand la mer s'agite, en proie à la houle,
On croirait entendre une horrible goule,
Riant d'un rêve forcené ;
Son chant fait d'horreur et d'ignominie
Ressemble à celui de quelque Erymie,
Que la fureur a déchaîné.
Assis à l'abri des embruns, confortablement installé autour
d'une table coquettement parée, dans un décor agréable
et séduisant, pouvoir rêver tandis qu'au dehors la tempête
fait rage, tandis que les vagues immenses viennent user leur colère
contre les rocs indifférents, tandis qu'à la rumeur de l'eau
se mêle le hululement du vent, quel enchantement, quel délicieux
bien-être.
Ainsi songeaient les hiverneurs, et il ne leur était pas permis
d'éprouver de si agréables sensations.
Mais voici que cette lacune vient d'être comblée, et avec
quel raffinement dans le goût, par Mme Reidmenster qui a créé,
sur l'admirable promenade en corniche du boulevard Pitolet, un peu avant
d'arriver à la station des Deux-Moulins, un coquet établissement
dont nous donnons, pour illustrer cet article qui lui est consacré,
quelques reproductions photographiques.
" Mascot Rocks " est le nom de celle villa perchée sur
des roches dentelées, surplombant la mer dans laquelle ses pieds
baignent. On passe le porche, on descend un escalier fleuri et l'enchantement
commence. C'est d'abord la grande salle de restaurant, d'immenses baies
vitrées, s'ouvrant sur la mer, l'inondent de lumière.
N'était la stabilité du sol sur lequel on marche, on se
croirait à bord de quelque grand transatlantique. L'ameublement
est d'une coquetterie bien féminine ; les chaises, les tables,
sont accueillantes et gaies : elles ajoutent à l'appétit
qu'ouvre l'air iodé qui vous entoure et vous imprègne. Légèrement
en retrait et complétant le rez-de-chaussée, la salle de
thé, toute bleue, avec son mobilier vert, bleu et or, ses tables
en damiers de faïence est une véritable trouvaille.
Discrète, propice aux conversations futiles, aux réunions
intimes. on se la représente toute peuplée d'une foule de
jeunes hommes élégants, de jolies femmes aux toilettes pimpantes,
dont les rires cristallins emplissent l'atmosphère, en même
temps que se dégustent les Ceylans aromatiques, le chocolat parfumé,
les portos capiteux, et que se croquent les toasts beurrés, les
fins gâteaux, tandis que la fumée opiacée des égyptiennes
à bout ambré ou doré décrit dans l'air ses
orbes capricieux.
Cette salle ne sera pas la moins fréquentée, et ses habitués
déborderont souvent, nous en avons la ferme assurance, tant elle
réunit de séduction et de charme.
Mais à s'attarder ainsi, il se pourrait que nous n'eussions plus
le temps de tout visiter. Et, bien que l'on ait de la peine à s'arracher
à ce rez-de-chaussée si rempli d'attraits, il faut monter
les escaliers qui mènent au premier étage.
Là est une terrasse de plein air, réservée aux jours
cléments. Tendue d'un immense velum haché de rayures tango
qui la maintient à l'abri des atteintes d'un soleil trop indiscret,
elle reçoit les incessantes caresses de la brise et les toni?ants
effluves du vent du large. Les regrets laissés au rez-de-chaussée
s'estompent devant un spectacle aussi grandiose et qui n'est cependant
que le prélude de ce qu'il reste a voir.
En effet, une porte s'ouvre et vous voilà dans la caverne d'Ali-Baba.
8.000 bougies irradiant des ampoules polychromes répandent une
lumière éblouissante dont les rayons en s'écrasant
contre les parois vous donnent l'illusion d'être au milieu de richesses
insoupçonnées. Les rocs rugueux et chaotiques scintillent
de mille feux. Les stalactites géantes semblent avoir été
faites d'écume de vagues tant elles sont blanches et étincelantes.
Elles descendent toutes droites, sortant du roc moussu et l'on s'attend,
en les contemplant et tant l'illusion est complète, à trébucher
sur la stalagmite.
Et l'oreille perçoit le murmure de la cascade et la chanson des
chutes d'eau.
C'est dans cet antre que règne Terpsichore ; c'est là qu'est
le dancing qu'animera l'excellent orchestre-jazz Mario dont il suffit
de citer le nom pour savoir que toutes les dernières créations
y seront jouées. Un bar américain se dissimule dans le roc
; le mobilier rouge et noir complète le décor féerique.
Par une heureuse utilisation de l'électricité, des feux
rouges, jaunes ou verts peuvent être tour à tour projetés
donnant à la grotte les aspects les plus inattendus,flamboyante,
opalescente, éclairée de clair de lune, connue irisée
de neige ou allumée de reflets d'incendie, mystérieuse ou
magique, diabolique ou céleste, cette grotte est bien la grotte
enchantée.
Mais pour que cette manière de compte-rendu soit complet, nous
ne saurions manquer de signaler le soin et la minutie avec lesquels a
été choisi le personnel.
Objet d'une surveillance particulière, et du reste admirablement
stylé, lui-même, il saura sinon prévenir, mais du
moins satisfaire promptement les moindres désirs de la clientèle.
Un chef réputé préside aux destinée des cuisines
aménagées avec le goût de la plus délicate
propreté. Les menus habilement préparés réuniront
toujours des mets exquis susceptibles de satisfaire les gourmets difficiles.
La cave groupe aussi les meilleurs crus et a été placée
sous la vigilante censure d'un sommelier expert en l'art de surveiller
la bonne tenue des vins,
Unique dans toute l'Afrique du Nord, due à une initiative heureuse,
réalisée en des temps difficiles,
la création de Mme Reidmenster méritait d'être signaler.
Car c'est par de semblables aménagements qu'une ville se signale
à l'attention des touristes, qu'elle prend rang parmi les cités
dont l'attrait sait retenir l'étranger.
S'ouvrant d'autre part sous l'égide d'une mascotte, elle ne peut
que prospérer et ce que nous lui souhaitons très sincèrement.
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