Alger
: Saint-Eugène,
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Dans la banlieue de Saint-Eugène,
au-dessus de Miramar, sur une petite colline qui domine la mer, se
trouve une jolie villa mauresque dont la blancheur des murs met une
tache claire sur un fond de verdure. C'est une villa historique, parait-il, dont la légende curieuse nous a été contée par un vieil arabe qui la tient lui-même de ses parents. Les événements remontent à l'époque où les corsaires barbaresques parcouraient la Méditerranée à la recherche de butins ou de prisonniers qu'ils destinaient au Dey d'Alger. L'un d'eux avait pu par surprise s'emparer de quelques prisonniers sur un bateau français. Parmi ces derniers, se trouvait une toute jeune fille, fille du capitaine, dont la beauté était remarquable. Revenu de leur surprise, le capitaine et l'équipage du navire pillé se mirent à la poursuite du Raïs, espérant le rejoindre. Mais les corsaires abordèrent à Miramar et mirent leur navire en sûreté. Le capitaine cependant ne pouvait consentir à quitter les eaux algériennes avant d'avoir repris son enfant aux mains des Maures. Il croisa plusieurs jours devant Miramar, mais la mer devenant mauvaise drossa le brick sur les rochers du rivage. Tout l'équipage périt soit au cours du naufrage, soit pendant un combat que les survivants durent livrer aux corsaires. La jeune fille grandit. Le hasard voulut qu'elle fut élevée dans cette villa même qui dominait le paysage de Miramar. Elle eut ainsi toujours sous les yeux la vue des rochers sur lesquels s'était brisé le brick de son père. Pour rendre hommage à son cher disparu et à ses compagnons d'infortune, elle fit élever sur la montagne la plus proche et la plus haute " la Bouzaréah ", un autel. Elle s'y tendait chaque matin vêtue de blanc et là priait avec ferveur pour la mémoire de son père. Les indigènes de la région surpris, puis émus de cette attitude, la surnommèrent " l'Aalja ", la sainte à la blancheur de nacre. De temps à autre, elle descendait par un tunnel qui reliait la villa à la mer sur ces mêmes rochers de Miramar. Et là, les regards tournés vers le large, elle passait des heures à regarder l'horizon. Prise de nostalgie et après maintes supplications, les corsaires promirent de la remettre au premier bateau qui se dirigerait vers la France. Mais cette décision ne fut prise qu'après de violentes discussions. Aussi, lorsqu'elle descendit pour rejoindre Miramar, où elle devait s'embarquer, certains irréductibles firent s'écrouler le tunnel où elle demeura ensevelie. Telle est fidèlement reproduite la légende de cette villa que ce vieil indigène voulut bien nous conter. Aujourd'hui, l'ancienne demeure de " l'Aalja ", dont nous donnons ci-contre quelques photos, a conservé comme jadis le charme mystérieux qui semble s'harmoniser avec les souvenirs qu'elle renferme. Le séjour y est agréable et conviendrait à quelque désenchanté, amoureux de solitude et de plein air. Du haut de la terrasse, le regard embrasse l'immensité. Seules les bruines du soir limitent l'horizon. |
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Ko - d
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Pour Miramar |