-----Georges était né
le 19 mars 1920 (Était-ce une pirouette de la destinée !)
dans un petit village du douar des Beni Douala à Tizi-Hibel en
Kabylie (Algérie Française). Comme Saint
Augustin ou Saint Cyprien c'était un Berbère,
descendant de ces numides qui, au début de notre ère, peuplaient
le nord de l'Afrique et qui fournirent à l'Église tant de
prêtres, d'Évêques et de Saints.
-----De parents Kabyles, il fut élevé
et reçu toute son instruction primaire des "Pères Blancs".
II a poursuivi ensuite ses études secondaires et religieuses au
Petit Séminaire - puis au
Grand Séminaire à Notre
Dame d'Afrique St
Eugène (Alger). II était aussi un excellent musicien
et un organiste remarquable.
-----Ordonné prêtre, il fut
nommé en 1947 vicaire à El
Biar puis à la Cathédrale.
-----En 1950, l'Archevêque d'Alger
qui avait su détecter ses grandes qualités de musicien,
l'envoya à Rome, à l'Institut pontifical de Musique Sacrée,
d'où il rapporta deux ans plus tard un diplôme rarement attribué
- Professeur au Petit Séminaire. Les signes avant coureurs de la
rébellion le font réfugier en Suisse.
-----Les évènements d'Algérie
l'ont profondément marqué. Il revient en 1957 en Algérie.
Il désirait de toutes ses forces - de toute sa foi chrétienne
réunir les deux communautés pour qu'elles soient plus fraternelles.
C'est ce qui arriva le 13 mai 1958. Il appelait cela " Le Miracle
de Fatima". Aux évènements tragiques d'Alger - il porta
"Aux
barricades" de la Rue Michelet le soutien de Jésus
Christ en donnant la Communion à tous ceux qui étaient présents.
-----De la ressort le trait majeur de sa
personnalité qui était : AMOUR - FRATERNITÉ - UNIR
-----Contraint d'abandonner l'Algérie
en 1961, il se réfugia dans le Var à Draguignan avant d'être
nommé en 1962 vicaire à la Cathédrale de Toulon.
Il y restera jusqu'en 1969 et beaucoup se souviennent de la façon
magistrale dont il tenait les orgues.
Aumônier de Pomponiana à Hyères en 1969, il devint
en 1973 curé du Rayol-Canadel et de Cavalière, charge qu'il
exerça jusqu'en 1975.
-----Ce fut une période où
il osa se compromettre avec ses frères Pieds-Noirs et Harkis attirant
sur lui les foudres de la hiérarchie, pour l'Unité des "Rapatriés
"...
-----II sera nommé, alors, parce que
personne ne veut y aller, Carnoules et Puget-ville, deux communes "rouges"
du Var.
Ses années de purgatoire terminées. il sera nommé
en 1985 curé de Saint Tropez.
-----Depuis très longtemps, il s'était
engagé dans le mouvement associatif devenant l'aumonier de la Sépia
et en 1981, président de la maison du Pieds-Noirs de Fréjus
et Saint Raphaël, qu'il partagea à titre honorifique en 1982
avec Hubert Masquefa.
-----En 1987, il deviendra le curé
du Pradet avant de se retirer comme aumonier en 1990 chez les Petites
Soeurs des Pauvres à Toulon qui surent l'apprécier et prirent
soin de lui jusqu'à son dernier souffle. Mais déjà
sa santé se dégradait et il perdait peu à peu la
vue.
-----Atteint il y a quelques mois d'un cancer
généralisé, il devait s'éteindre le 10 mai
dernier.
-----L'espoir qu'avait exprimé soixante
ans plus tôt Monseigneur Leynaud de voir renaître autour de
lui une pépinière de chrétiens et de prêtres
retrouvant l'antique tradition augustinienne s'était évanouie
depuis longtemps, et là était peut-être la principale
souffrance de Georges.
-----Celui-ci avait toutefois, tout naturellement,
trouvé des frères à aider et à aimer dans
la population déracinée des rapatriés d'Algérie,
auxquels il se consacra jusqu'à la fin et qui éprouvaient
pour lui une très grande affection. Plusieurs centaines d'entre
eux assistaient à la messe de Requiem célébrée
le 11 mai dans la chapelle des Petites Soeurs des pauvres par Mgr Madec,
Evêque de Toulon, Mgr Forno. Vicaire Général (qui
devait prononcer un émouvant panegyrique de l'Abbé qu'il
avait eu l'occasion de connaître à Alger) et tous les prêtres
du secteur pour le repos de l'âme de notre vieil ami.
-----Mais la Kabylie était aussi présente
: le frère de Georges et plusieurs autres membres de sa famille
avaient en effet franchi la Méditerranée pour venir lui
rendre les derniers honneurs, et ce fut un moment bouleversant lorsque,
à la fin de la cérémonie, au premier rang de l'assistance,
ils chantèrent, seuls, le Notre-Père. En berbère.
-----Tout son parcours en France il l'a vécu
sans broncher - sans se plaindre avec beaucoup d'humilité et de
dévouement. Seul l'intéressait le Rassemblement de toute
la Communauté Chrétienne Rapatriée pour qu'elle soit
toujours UNIE - FRATERNELLE et LIBRE !
-----Là se dessine un autre trait
important de son caractère : ETRE UN HOMME LIBRE ET FIER (Fierté
qui n'a rien à voir avec l'orgueil qui est un péché
! ETRE "AMAZIR",expression Kabyle qu'il affectionnait particulièrement
et qui veut dire : Homme Libre
-----II est mort du moins il n'est plus parmi
nous physiquement depuis le 10 mai 1995 - entouré des siens et
de tous ses inombrables amis. II repose en paix à Toulon. Il a
rejoint la Maison du Père. Il ne sera jamais oublié. C'est
sans doute cela une forme de la Vie Eternelle sur la Terre !
G. Soler
-----À Georges - In Memorian
-----Notre Ami, l'abbé Georges Dahmar
nous a quitté le 10 mai 1995 à 12h30. Alors que le monde
entier fêtait le goulag et les Français, le gaullisme triomphant,
ce prêtre français d'origine berbère, aimant passionément
la France et fier de son acuvre outre-mer, s'éteignait, solitaire,
dans une chambre d'hôpital. Nous perdions un ami. un frère
de combat, un vrai chrétien dont la foi profonde rayonnait autour
de lui. Ainsi qu'il le disait, il avait l'Aine naturellement chrétienne,
comme son peuple d'origine qu'il aimait viscéralement. Ce prêtre
Berbère, notre Ami, était aussi un homme, un vrai, catholique
fervent, digne émule de son saint patron Augustin, le berbère
santifié. Il était demeuré toujours profondément
Pieds-Noirs, n'abdiquant jamais ses convictions et payant très
cher, toute sa vie, cette rectitude de pensée et d'action. -----Sa
foi et son espérance chrétienne étaient sans faille,
et il citait "Dieu écrit droit avec
la queue tordue du diable". Lors des barricades de janvier
1960 édifiées dans notre esprit pour tenter d'imposer à
la mètre patrie ingrate, l'obligation de reconnaître l'oeuvre
civilisatrice de ses enfants en Algérie, et à notre armée
très divisée et hésitante de s'engager réellement
dans celte voie de fraternisation née le 13 mai 1958. Durant cette
folle semaine donc, souvent tournée en dérision par les
sots, les jaloux où les ignorants, un poignée de Pieds-Noirs
et de Patriotes tint tête au pouvoir de Paris et à l'autorité
gaullienne, faisant, pendant ces quelques jours, hésiter le balancier.
Parmi tout ce peuple Pieds-Noirs, un seul prêtre osa donner le soutien
de la messe et de la communion à cette minorité de réprouvés.
C'est là que j'ai connu l'Abbé Georges Dahmar, vicaire de
l'Église St Augustin et Ami fraternel des malheureux.
-----Le Curé des Barricades
Le 10 mai 1995
Alain Mentzer
Adjoint de Pierre Lagaillarde,
Commandant le camp des Retranchés des facultés
|
|
-----"Laissez-nous
leur donner l'Evangile, avait averti le Père Charles de Foucault
à partir de son Ermitage de Tamanrasset où bien viendra
le jour où ils vous rejetterons à la mer!!!
-----Ce n'était pas du chantage, ni
même un prophétie, c'était du simple bon sens. Mais
quand le bon sens est habité par la Foi, alors il peut être,
en effet, prémonitoire.
-----Le
Cardinal Lavigerie, de son côté, ambitionnait
de rendre le peuple Berbère à son antique grandeur Chrétienne,
celle des Augustins, des Cyprien, des Tertulien, celle de l'illustre Eglise
de Carthage plus fameuse encore que celle de Rome à cette époque.
L'Islam, en effet, malgré ses plus de X siècles de présence
et d'occupation n'avait pas réussi à entamer l'âme
berbère. Cette religion n'avait été acceptée
que du bout des lèvres, comme un revêtement extérieur,
le fond de son être restait inchangé, animiste, celui de
toutes les religions naturelles et primitives dont les croyances et les
pratiques sont induites des relations avec l'invisibles, "l'âme
naturellement chrétienne" justement selon Saint Augustin.
-----On le voit aujourd'hui où les
Kabyles
revendiquent, avec quelle vigueur, une identité préservée
à travers les siècles. L'usage de leurs coutumes, de leur
langue, de leur culture, ce qu'ils ont toujours été, et
ne cesseront jamais d'être, malgré les incessantes invasions
et occupations de son sol.
-----Croyant dominer ou réduire plus
facilement ce peuple farouche et indomptable, la France maçonnique
et athée s'est employée à son Arabisation et à
son Islamisation forcée. Interdisant l'Apostolat Missionnaire,
elle a introduit dans ses écoles, soi-disant laïques, l'enseignement
du Coran jusque là inconnu en Kabylie.
-----La grande erreur du Cardinal Lavigerie
fut de se rallier à cette République foncièrement
anticléricale, s'illusionnant sur les chances de modifier ou d'abolir
ces lois sous prétexte qu'il fallait s'inscrire dans la marche
du Temps. Déjà le fameux "sens de l'Histoire"
!! II ne soupçonnait pas que c'était introduire le ver dans
le fruit de son admirable Mission. Il fallait donc une Algérie
Nouvelle, c'est sûr !!! Des erreurs, des fautes, des injustices
ont été commises certes, outre que c'est une autre injustice
de le faire payer à des innocents, la Foi Chrétienne nous
demande de les regretter de les corriger et surtout de les réparer
et non d'en tirer vengeance. La Foi Chrétienne appelle à
la CONVERSION et non à la REVOLUTION. On a honte d'avoir à
rappeler des choses aussi élémentaires à des gens
qui se disent Chrétiens.
-----Le miracle du 13 mai 1958 nous montrait,
lui, la voie à suivre. Nous fêtions alors l'anniversaire
de l'Apparition de Notre Dame de Fatima. Et cette étrange coïncidence
aurait dû nous avertir que MARIE était finalement plus habile
stratège que les ambitieux à courte vue pour qui ce n'était
là que machination d'un retour au pouvoir.
-----La Fraternisation et la Réconciliation
étonnante, fabuleuse, de deux peuples réunis sur le Forum
d'Alger pour repartir ensemble d'un pied nouveau et bâtir enfin
ensemble un Avenir de fraternité fut un évènement
si inattendu, si incroyable, si miraculeux que la seule explication, le
seul sens à lui donner était de se rappeler que l'Afrique
du Nord a de tout temps jouer le rôle de charnière entre
le monde Oriental et le monde Occidental, que mieux ce rôle elle
l'avait tout récemment encore joué de façon éminente
en servant de tremplin pour la victoire décisive lors de la seconde
guerre Mondiale.
-----Comment ne pas imaginer alors l'autre
tournure qu'aurait pris l'Histoire si la direction indiquée par
le Ciel de la Fraternisation avait été suivie. L'entente
surtout et l'amitié avec le peuple Berbère que tout rapprochait
étrangement : histoire, géographie, race (le Berbère
n'est pas sémite mais Indo-Européen) même langue aussi,
puisque des racines identiques apportent de nombreux mots dans des dialectes
du pourtour de la Méditerranée.
-----Voilà ce qu'entrevoyaient, ce
que souhaitaient ardemment les officiers Chrétiens, l'idéal
auquel ils se sont donnés corps et âme, jusqu'à y
perdre leur prestige, leur carrière, leurs biens, leur tranquilité
"TOUT SAUF L'HONNEUR".
-----Le plus douloureux reste pour moi, la
responsabilité encourue par mon Eglise dans ce drame. Du moins
par ceux qui prétendaient parler seuls en son nom, se désignaient
comme son Aile Marchante, Chrétiens-Marxistes !!! Chrétiens
libéraux (ceux qui croient que l'adversaire a toujours raison)
et plus affligeant encore l'Action
Catholique, les Séminaristes, le noyau dirigeant de l'Episcopat,
tous ignorants des réalités algériennes ou ne les
connaissant qu'à travers le prisme déformant de l'idéologie.
-----C'étaient sans doute des cousins
ou des héritiers de l'Ancien, mais à coup sûr gagnés
par un étange et nouveau ralliement.
Sidérés, je veux dire, éblouis, égarés,
éberlués, par un "SENS DE L'HISTOIRE" érigé
en dogme infaillible, ils ont succombé à l'attrait d'un
mirage qui n'a pas mis 30 ans après notre exode à s'effondrer
lamentablement ne laissant derrière lui que désastre, ruines,
misères et cendres, "si la Russie ne se convertit pas, avait
averti Notre Dame de Fatima dès 1917, elle répandra ses
erreurs dans le monde entier". Voyait-elle en 1958 que l'Algérie
serait le plus sûr agent, le fourrier aveugle de ce matérialisme
athée, " intrinséquement pervers", avant de sombrer
dans le plus absurde et le plus noir des funatismes ?
-----La question vaut la peine qu'on la pose
et qu'on y réfléchisse sérieusement !. Mais la joie
de la fidélité qui nous rassemble et que nous célébrons
en ce jour est plus forte que toutes les tristesses et toutes les morosités.
Cette joie, c'est celle aussi de l'Espérance Chrétienne
que nous fêtons en ce temps de Noël. Car comme dit un proverbe
de là-bas, de chez nous, " Dieu écrit droit avec la
queue tordue du diable".
Georges Dahmar
écrit à Noël 1994, remis en avril 1995
|