LES FEMMES ET
LE SECRET
FABLE IMITÉE DE LA FONTAINE
Li femme y son
coriose
Tojor bisoan barler.
Quand ti loui dir quiq'sose
Y cor por répéter.
On Arabe di Blida, sa femme y blague beaucoup,
Por voir quis qui dira, on soir qui son cochi,
Y si mi à crier : - " Ji crois ji va crivi,
" Mon darrièye son cassi, ji souis malade comme tout
" Ah I Aï I ji fir on zof, li voilà ji trouvi.
" Pas bizoan di blaguer, qui loui dit à sa femme.
" Tos y von my moquer, y dir ji souis one pole. "
- " Ji ti jour akarbi (Parole d'honneur),
qui répond son madame,
Jami ji souis barli, ji ti donne ma barole. " A lors y sa couchi.
Quand li jour il y viann
La femme y sa livi, y cor chi son voisann ;
- " Bor Allah, qui loui dit, one soge y son rivi,
" Ti sarche blous di dos ans, jamais ti po trovi.
" Ji li dir cit affir ? mi ni va pas blaguer,
" Barc' qui si ti barli, à moi y vian frapper.
" Mon mari y son fir on zof, gross comme mon tite !
" Ti di rian, fi tancion. " - " Ti crois ji souis pitite
!
" Ji si pas quis qui di ? vatan à vot mison
" Si ti ana la confiance, moi ji dir à barson :
" Vot mari cit on poule,
" Barc' qui to l'monde y dir, ji souis blous qui maboul(Folle)"
La madame bian contan y ritorni chiz ille,
Y l'autre y son bartir por borter la nouville,
Tot li femme qui conni, y raconte cit hastoire,
Y mit blous di dix zof, quand y viendra la soir.
One autre femme aussi y cor por raconter,
Cet soge à son zami, qui son dans l'aut' quartier.
Tojor y son barli - " Ti di rian mo zami "
Barc' qui cit affir-là, di rian dir ja promi.
" Ma blous qui li barli, blous qui son fir di zof,
One mazmazille tot sole, y dir ji voir dix-nof.
Quand y viendra la noui, encore one qui j'entend
Y dira por finir, qui son fir blous di cent.
MORALE
Quand ti parle d'on zafir, fi tancion fic la femme,
Parc' qui quand ti di rian, tojor y dir qu'iq'soge,
Moi ji conni di zomme, lot à fi la mime soge,
Pit-itre y son barli bian plous qui li madame !
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LES FEMMES ET LE SECRET
Rien ne pèse tant qu'un secret ;
Le porter loin est difficile aux Dames :
Et je sais même sur ce fait
Bon nombre d'hommes qui sont femmes.
Pour éprouver la sienne un Mari s'écria
La nuit étant près d'elle : Ô Dieux ! qu'est-ce cela
?
Je n'en puis plus ; on me déchire ;
Quoi ! j'accouche d'un oeuf ! D'un oeuf ? Oui, le voilà
Frais et nouveau pondu. Gardez bien de le dire :
On m'appellerait Poule. Enfin n'en parlez pas.
La femme neuve sur ce cas,
Ainsi que sur mainte autre affaire,
Crut la chose, et promit ses grands dieux de se taire.
Mais ce serment s'évanouit ;
Avec les ombres de la nuit.
L'Épouse indiscrète et peu fine,
Sort du lit quand le jour fut à peine levé :
Et de courir chez sa voisine.
Ma commère, dit-elle, un cas est arrivé :
N'en dites rien surtout, car vous me feriez battre.
Mon mari vient de pondre un oeuf gros comme quatre.
Au nom de Dieu gardez-vous bien
D'aller publier (1) ce mystère.
Vous moquez-vous ? dit l'autre : Ah ! vous ne savez guère
Quelle (2) je suis. Allez, ne craignez rien.
La femme du pondeur (3) s'en retourne chez elle.
L'autre grille déjà de conter la nouvelle :
Elle va la répandre en plus de dix endroits.
Au lieu d'un oeuf elle en dit trois.
Ce n'est pas encore tout, car une autre commère
En dit quatre, et raconte à l'oreille le fait,
Précaution peu nécessaire,
Car ce n'était plus un secret.
Comme le nombre d'oeufs, grâce à la renommée,
De bouche en bouche allait croissant,
Avant la fin de la journée
Ils se montaient à plus d'un cent.
Source : Abstemius (fable 129)
(1) rendre public
(2) quelle femme
(3) mot fabriqué par La Fontaine pour la circonstance
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