LI CORICOLO Y LA MOCHE
Le coche et la mouche
FABLE IMITÉE DE LA FONTAINE
Fables et contes en sabir par Kaddour Benitram-le Tunisois Martin,l'animateur bien connu de radio-tunis des années 50

sur site février 2013

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LI CORICOLO Y LA MOCHE
[FABLE IMITÉE DE LA FONTAINE]

Ti conni quand ti march' d'en bas di Boudouaou
Bor andar au village di col Ben-Aïcha.
La rote y monte partout
La chval y march' au pas.
On jor l'coricolo y son beaucoup sargi,
M'siou li pont chaussi, y mitra di cailloux
Sur la rote ; pas moyann di marchi.
Li chval y sue beaucoup.
ro li monde y descend' : on vio, one mat zmazile,
On marabout franci, afic one ptit kabyle.
Tos li chval y ziti, tot à fit isquinti ;
Quand y viendra one moche.
Ci loui là y rigarde, di la chval y s'approche,
Y chant' y loui dit : - " Moi ji ti fir monti. "
Y va, y vian, ji monte, ji descend ;
Ji pique on chval, apris ji pique on zautre
Y son fir son malin, y dir par li zautre
Qui cit loui qui son fir marchi la micanique.
Y monte sur la voiture, sor li nez di cochi.
Y crie : - " Cit manifique !!! "
Chaque fois qui son voir l'coricolo marcher,
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Y dir : - " T'y a la chance qui moi ji soui vinir
" Por ji ti donne la main, à présent, bor blizir.
Après y corir, en avant, en arrière,
Cit comme one gininar qui son fasir la guerre.
La moche to d'un coup,
Y si mit en colère 1 1
Y dit : - " Moi ji fir tout,
" Li zautre y riste darrière.
" Vos ites di fenian 1 Barsonne y donne la main
" Dans cette cit mauvaise ch'min,
" A li pauvre chval qui sont biann fatigué,
" crois ti en a l'temps, m'sio li marabout
" Por lire dans vot livre, y ti fir riann di tout.
" Toi, mazmazille, ti chante, y li chval son soffrir
" Attan moi aussi à ton zorille ji chante. "

La moche y son chanti, bars' qui sont biann michante.
- Apri ji march' dos hores, la voiture sont rivi
A col Ben-Aïcha.
La moche y dir : - " Chouia (i)
" Si ji donne pas la main, li chval y son crivi
" Matenant mon zami, bisoann qui ji m'en aille
" Allé donne moi l'arjan, béyé moi mon trabail. "
MORALE
Moi ji conni beaucoup, di zomme, di chaouch (')
Qui por fir li trabail tot à fi comme cit moche
Y viann à ton mison, y vos embite to l'temps
Millor qui ti loui di, bromière fois, fot' moi le camp.
(1) Doucement.
(2) Domestique.

Le Coche et la Mouche

Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au Soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un Coche.
Femmes, Moine, vieillards, tout était descendu.
L'attelage suait, soufflait, était rendu.
Une Mouche survient, et des chevaux s'approche ;
Prétend les animer par son bourdonnement ;
Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment
Qu'elle fait aller la machine,
S'assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;
Aussitôt que le char chemine,
Et qu'elle voit les gens marcher,
Elle s'en attribue uniquement la gloire ;
Va, vient, fait l'empressée ; il semble que ce soit
Un Sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
La Mouche en ce commun besoin
Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin ;
Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire.
Le Moine disait son Bréviaire ;
Il prenait bien son temps ! une femme chantait ;
C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait !
Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sottises pareilles.
Après bien du travail le Coche arrive au haut.
Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :
J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Ca, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.
Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S'introduisent dans les affaires :
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés.


Jean de LA FONTAINE (1621-1695)