Alger,
rue Michelet
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Dans la nuit de lundi à, mardi dernier, entre
minuit et une heure, une fumée épaisse s'échappait
du rez-de-chaussée d'un immeuble sis au coin des
rues d'Isly* et Jean Massé,
tandis que de nombreux curieux maintenus par le service d'ordre assistaient
à l'un ces spectacles de la rue dont le badaud est tout particulièrement
friand. Soudain, vers une heure du matin, comme le feu diminuait d'intensité, on vit deux aveugles fendre les rangs des amateurs d'émotion et se heurter à un agent sévère qui leur barra le passage. « Mais je suis le sinistré » implorait le nouvel arrivant. Il put enfin passer avec son compagnon et s" enquérir fiévreusement des circonstances de la catastrophe qui venait de le ruiner et de détruire en quelques instants le modeste résultat d'un labeur de plusieurs années. Ces deux hommes c'étaient M. Fillon, directeur de l'Oeuvre du secours aux aveugles par le travail, et M. Merle, son ami, professeur d'écriture Braille. Leur émotion était intense et leur désespoir navrant, des larmes filtraient hors de leurs yeux éteints et, lentement, coulaient sur leurs joues. Ce qui sembla vraiment beau, quasiment héroïque, ce fut l'abnégation dont fit preuve M. Fillon, qui, avant de se lamenter sur sa ruine, demanda : « Ma bibliothèque cornposée d'ouvrages prépares pour les aveugles est-elle sauvée ? Hélas, non, lui répondit-on, tout est anéanti dans votre atelier. Mon Dieu, ajouta le brave homme, que vont devenir mes pauvres ouvriers privés du jour au lendemain, de leur unique gagne- pain, sans méme un livre pour s'instruire ou se distraire?.... * en 1912, la rue d'Isly devait aller jusqu'à la rue Michelet. Ce tronçon devint enfin à la fin rue Charles Péguy. ** Il doit s'agir de la rue Jean Macé. Voir plan Vrillon ( suite dans l'article) |
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