communes, quartiers, villages d'Algérie
RIVOLI

par Armand Bonhommet
extrait de la revue "Aux Echos d'Alger", n°102, septembre 2008
sur site le 13-11-2008...placée ici juin 2013

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Le Général LAMORICIERE écrivait en mai 1846 "Vous savez notre histoire depuis 16 ans. Le résultat le plus clair de nos combats, de nos travaux, de nos peines, est d'avoir un territoire où la guerre ne pénètre plus... et cependant. CES VASTES TERRITOIRES NE SE COLONISENT POINT ! ".

Et pourtant... ce sont des centaines de villages qui ont été édifiés par de courageux COLONS (à cette époque ce terme n'est pas péjoratif). Ils ont dû affronter la soif, les sècheresses, les inondations, le typhus, la malaria, la peste et autres épidémies, les bêtes sauvages, les sauterelles, les famines, la mortalité infantile élevée, l'hécatombe dans les marais pestilentiels de la MITIDJA, les HADJOUTES, l'insécurité permanente... le plus souvent sur des terres où abondaient cailloux, palmiers nains ou marécages.

L'année 1848 va accélérer l'implantation de Centres de Colonisation. Un peu d'histoire :

La fermeture soudaine des Ateliers Nationaux provoqua l'insurrection de juin et 11 000 personnes furent arrêtées. 3 à 4 000 furent aussitôt déportées en Afrique et envoyées au pénitencier de LAMBESE (ceux qui restèrent en tant que colons se sont installés pour la plupart dans le département de CONSTANTINE). Il n'y a AUCUN RAPPORT entre ces condamnés politiques des journées révolutionnaires et les OUVRIERS PARISIENS à qui le Gouvernement fit appel 3 mois plus tard, après le décret du 19 décembre 1848 qui débloquait un crédit de 50 millions de francs pour l'établissement de COLONIES AGRICOLES dans les Provinces d'ALGERIE et pour les travaux d'utilité publique.

Une anecdote : à l'annonce de la parution de ce décret, les Etablissements Publics et un grand nombre de maisons particulières ont été illuminées toute la soirée.

Chiffre des Colons prévus : 12 000, porté à 13 500 en novembre 1848. En fait, il en est venu 20 000 environ.

Les " COLONIES AGRICOLES " de 1848 :
     ALGEROIS : BOU-ROUMI, CASTIGLIONE, DAMIETTE, EL-AFFROUN. LODI, MARENGO. MONTENOTTE, NOVI, La FERME, PONTEBA, ZURICH
    ORANAIS : ABOUKIR, AÏN-NOUISY (NOISY-les-BAINS), AIN-TEDELES, ASSI-AMEUR, ASS1-BEN-FEREAH, ASSI-BEN-OKBA, ASSI-BOU-NIE DAMESME, FLEURUS. KLEBER, MANGIN. MEFFESSOUR (RENAN), SAINT-CLOUD, SAINT-LEU, SAINT-LOUIS, SOUK-EL-MITOU (BELLEVUE), RIVOLI, TOUNIN.
    CONSTANTINOIS : BARRAL, HELIOPOL1S, JEMMAPES, GASTONV1LLE, MILLESIMO, MONDOVI. PETIT, ROBERTVILLE.

Il y aura 17 CONVOIS VOLONTAIRES.

Le 1er convoi démarre de Paris, le 8 octobre 1848 à destination de SAINT-CLOUD (Oranie) via ARZEW.

Le 2ème convoi démarre de Paris le 15 octobre 1848 à destination de SAINT-LEU (Oranie) via ARZEW.

Le 3ème convoi démarre de Paris, le 19 octobre 1848 pour RIVOLI (Oranie) via MOSTAGANEM.
Ce fut un grand évènement parisien. Les Autorités Militaires et Religieuses étaient sur les quais de la Seine, parmi la foule enthousiaste. Discours de Monsieur TRELAT, Président de la Commission de la Colonisation de la Chambre. LAMORICIERE harangua les futurs COLONS et Monseigneur MORLOT, Archevêque de Paris, les bénit.

Le convoi était constitué de 4 bateaux de 30 mètres de long sur 6 de large, avec à leur bord 865 COLONS (330 familles), sous la responsabilité du commandant RASTOUIL, assisté du chirurgien du Val de Grâce TRUDEAU, et accompagné de l'abbé DURAND -DIDIER.

Départ du quai Saint-Bernard. Le convoi s'ébranla aux accents de la MARSEILLAISE et du chant des GIRONDINS (qui de temps à autres subissait des variantes comme celle- ci: " NOURRIS PAR LA PATRIE, C'EST LE SORT LE PLUS BEAU ".

    Le périple :
Trajet de Paris à Marseille : 3 semaines
- la Seine jusqu'à Montereaux,
- puis les canaux de Briare, de la Loire et du Centre,
- puis la Saône de Châlon à Lyon
" TOUJOURS AUX PAS LENTS DES CHEVAUX DE HALAGE "
- puis de Lyon à Arles par bateau à vapeur,
- puis d'Arles à Marseille en chemin de fer,

Tout au long du parcours, les émigrants furent salués et acclamés. Ils reçurent à Marseille comme à Paris, la visite des Autorités. Gaston DEFFERRE n'était pas là pour nous dire d'aller nous réadapter ailleurs I!!
- puis embarquement pour l'Afrique sur la frégate MAGELLAN jusqu'à MOSTAGANEM, où elle jeta l'ancre à 1 heure du matin après 8 jours de mer...

A l'arrivée, le Général BOSQUET décide de faire choisir entre 3 lettres A- B et C ( A correspondait à RIVOLI, B à PONTDU-CHELIF et C à AIN-TEDELES). Tirage au sort...
Ceux de RIVOLI étaient les moins nombreux :
- 71 hommes
- 44 femmes
- 61 enfants de plus de 12 ans
- 21 enfants de moins de 12 ans
Ils furent confiés au Capitaine MAGNIN au camp d'HASSIMAMECH (MAMECH paraît avoir été le personnage de la tribu des DRADEB qui a donné son nom à un puits (pas entretenu, zone insalubre...). Les COLONS ont d'abord été logés dans des baraquements. Ils devaient être nourris jusqu'au 31 décembre 1850.

    Ration journalière :
- 200 grammes de pain pour soupe,
- 200 grammes de biscuits,
- 200 grammes de viande fraîche,
- 28 grammes de chandelles,
- 180 grammes de semoule,
- 200 centilitres de vin,
- 0,10 franc d'indemnité
Enfant de 2 à 12 : - 1 demi ration
Enfant de moins de 2 ans : - néant
Périodiquement, distribution de souliers, chapeaux, chemises et autres vêtements.

Il y eut bientôt au village un boulanger et quelques commerçants et 2 cabarets.

Tous les hommes devaient être présents, matin et soir, à l'appel du travail. Ceux qui ne respectaient pas ces consignes étaient punis (on relève dans les archives une demande de privation de 8 jours de vivres pour 7 COLONS qui ne s'étaient pas présentés à cet appel). Chaque soir, extinction des feux!

Il y eut quelques familles supplémentaires pour RIVOLI avec le 17ème convoi. Celui-ci, parti de Paris le 17 mars 1849, prit la frégate l'INFERNAL à Marseille pour MERS-ELKEBIR. S'étant trompée de route, elle s'échoue dans la baie de STORA. Rassemblés à PHILIPPEVILLE, les COLONS furent embarqués sur le VAUTOUR pour ALGER (6 jours de voyage). Nouvel embarquement sur le DAUPHIN qui parvint à MOSTAGANEM le 18 avril 1849 !

Pose de la lère pierre le 10 janvier 1849 (lettre du Capitaine MAGNIN au Général Commandant de la Subdivision).

Une bouteille renfermant un écrit signé par tous les COLONS a été scellée et recouverte dans les fondations.
A mesure que les maisons étaient prêtes, elles étaient tirées au sort et livrées aux COLONS. Le 25 novembre 1848, souscription des Oranais destinée à aider les COLONS de RIVOLI à débarrasser les terrains encombrés de palmiers nains (6 Espagnols pour le défrichement).

Les concessions : dès mise en valeur de la totalité des terres arables de leur concession, les titres provisoires de propriété étaient convertis en titres définitifs. Dans le cas contraire, le Ministre pouvait prononcer la déchéance des concessionnaires et la reprise de possession des biens par l'Etat. Il y avait 3 mois de carence pour pouvoir aliéner ses terres et maison après la délivrance de l'acte de propriété définitive. Avant ce délai, les COLONS devaient rembourser à l'Etat le montant des dépenses effectuées pour leur installation.

Les métiers des COLONS à leur arrivée à RIVOLI:
12 seulement étaient paysans, le reste boulangers, menuisiers, maçons, forgerons, carriers, un scieur de long, un maître d'hôtel, un peintre doreur, un ouatier, un fumiste, d'anciens militaires et autres spécialités... Un " moniteur agricole " a été choisi parmi les COLONS, Monsieur ROUILLON. Le premier Maître d'école fut le curé, l'abbé COULON. La première salle de classe était l'église aménagée dans une simple maison de colonie. Le premier instituteur a été Monsieur BEUR VILLE, " première institutrice Mademoiselle LEROUX. L'école de Se9.5- filles, complétée par l'école maternelle, sera confiée en août
1853 à des religieuses Trinitaires.

La remise des pouvoirs militaires à l'autorité civile est effectuée le 1er juillet 1852 :

François Léon MONTALANT est nommé Maire par le GOUVERNEUR GENERAL.

                  RIVOLI est devenu un vrai village !

Avez-vous un ancêtre parmi les concessionnaires installés à RIVOLI et dans la vallée du NADOUR entre 1848 et 1865 ? Voici leurs noms : Aux, ARNAULD, BARNABE, BARTHELEMY, B.EllRY).2.1E, 13ED2-
80070, BORDAS Marc, BORDAS Martial, CARTlGNOLE, CHABUEL. CHARPENTIER, CHATELAIN, CHAVET, CHERADAME, CLAUSTRES. COHEN, CORNU, CRASTE, CROLBOIS, DARRICARERE, DAUB, DEBOUCHE, DECOLOGNE, DESJARDINS Jacques. DESJARDINS Pierre, DEJEAN, DEVIN, DONADIEU, DURAND de NAILLAC, ESPEUTEVRARD. FAUQUE. FAYON, FUGET, GAUDETGELIS. GILLOT, GONTHIER,GRAILLAT.GRIVAUX, GUILBERT, GUILLOU, GUYOT. HAMELIN, HAUDRICOURT. HAREL, HEMENOT JAILLAT, JAMBERT, JEAN-MARIE, LASIGNAT. LE CIGNE, LEMEY MAGNIN, MARCHAND. MARY, MASSOUTIER, MAUSSANG, MENETRIER, MOLITOR, MONTALANT. MORICE, PAPELDUCI. PEZOLD, PLATEL. POCQUET, POINTU. POUGET, POURTALET, PUJOL. RAMOND, RECORD. REMY. REPELIN, RIGAUD, ROBIN, ROGER. ROTTE, ROUSSELLE. SAINT-UPERY,SAMUEL. SANDRE, SAURAT,SCHVVEITZER, SIMON. SUILHARD. TAILLADE. THOMAS, TIREL, TRUCY, TUFFIERE, ULRICH, UNTEREINER. VALLEE Amédée, VALLEE Louis, VIGNAU.

(Références : " Une Colonie Agricole en 1848: RIVOLI " de V. DEJARDINS, parue dans le bulletin de la Société Géographique d'ORAN 1934 " - Voir l'article de Madame Geneviève DE TERNANT paru dans l'Echo de l'Oranie n°188 de janvier/ février 1987).

(Armand Bonhommet - 66 avenue Saint Exupéry - 13800 ISTRES)