-----La question
des sanatoriums antituberculeux nord-africains font, des la fin de la
Grande Guerre, couler beaucoup d'encre tant dans les journaux médicaux
que d'Anciens Combattants, très actifs à cette époque.
-----Dès
1932, le Docteur Laquière lance dans le journal "La tranchée"
un cri d'alarme, fustigeant l'implantation de l'Ecole Normale d'Instituteurs
à la Bouzaréah et demandant que soit créé
sur cet emplacement le premier sana d'Algérie, insistant sur le
fait que les malades n'ont souvent pas les moyens d'entreprendre un voyage
en France, coûteux certes et qui les éloigne de leur famille
pendant de longs mois.
-----"L'Afrique
du Nord Illustrée" publie par la suite l'article du Professeur
Georges Aubry expliquant la cause principale de ce fléau qui fait
d'inquiétants progrès.
Les populations rurales sont durement touchées. Le facteur principal
en est l'exode des travailleurs indigènes et particulièrement
kabyles vers les centres industriels de la Métropole. Entassés
dans des taudis, mal nourris, minés par l'alcoolisme, ces sujets
neufs fournissent à la tuberculose un terrain favorable où
l'infection se développe sous des formes envahissantes et hautement
contagieuses. Le retour de ces malades au foyer primitif dans des villages
dépourvus d'hygiène est désastreux. A cette cause
principale s'en ajoutent bien d'autres facilité de déplacements
donc multiplication des occasions de contagion. Bref, dans tous les milieux,
la tuberculose se propage. Cette extension n'est pas particulière
à l'Algérie elle est seulement plus manifeste.
-----En France,
la loi Bourgeois sur les dispensaires et la loi Honnorat sur les Sanatoriums
ont organisé l'armement antituberculeux et en ont rendu le développement
obligatoire. L'Algérie, bien plus menacée peut-être
est restée en arrière. Pour donner une idée de l'importance
du fléau, on compte pour Alger seulement, 800 à 900 décès
par an, ce qui permet d'évaluer pour l'agglomération algéroise
entre 8 000 et 9 000 le nombre de malades.
-----Or l'armement
antituberculeux est inexistant. Pourquoi? La première raison et
la plus tristement valable est que l'effort financier à envisager
est considérable. Le prétexte avancé par tous ceux
qui veulent écarter ou seulement ajourner l'importante question
de l'organisation de la lutte contre la tuberculose est qu' on ne peut
pas la traiter en Algérie.
C'est pour étudier à fond la question que se crée
après la Grande Guerre " L'Association ALGERIENNE CONTRE LA
TUBERCULOSE " qui compte immédiatement parmi ses animateurs
des représentants de la Faculté, des Hôpitaux, des
philanthropes éclairés.
-----Se tenant
sur un terrain essentiellement pratique, l'Association soutient, dès
ce moment, qu'un grand nombre de tuberculeux peuvent guérir en
étant soignés en Algérie.
-----Des études
techniques sont réalisées dont le résultat est positif.
-----"L'ASSOCIATION
ALGERIENNE CONTRE LA TUBERCULOSE" entre alors dans la voie des réalisations.
Pour y parvenir, elle fonde avec " L'INTERFEDERATION DES VICTIMES
DE LA GUERRE " dont le Président est Mr Eugène-Lucien
CANNEBOTIN une ASSOCIATION des SANATORIUMS d'ALGERIE dont le siège
est 1 Bd de France à ALGER.
-----L'établissement
sera un hôpital sanatorium, organisme infiniment plus large, ce
que le Professeur LFBON appellerait un hôpital auxiliaire spécialisé.
-----Dans
cette formation, une moitié des lits sera réservée
aux tuberculeux de guerre, ainsi qu'aux veuves de guerre et aux pupilles
de la Nation.
-----Le choix
du site, effectué par une commission technique se porte sur la
forêt de St Ferdinand. Un avant-plan est dressé et en 1930
le Gouverneur Général Bordes pose la première pierre
de l'établissement. Mais l'Association ne possède pas à
cette époque l'argent nécessaire à la construction.
Enfin, les Délégations Financières votent un crédit
de 1 000 000 de francs alors que l'Office Nationale des Mutilés,
sur intervention de Mr CANNEBOTIN, vote un crédit de 4 000 000
de francs. De généreux donateurs réunissent la somme
de 1 300 000 francs. On est donc en mesure de commencer l'édification
d'un premier établissement prévu pour 160 lits environ.
-----Le Futur
SANATORIUM DE RIVET se trouvera donc situé dans le DJEBEL ZEROULEZ
à 450 mètres d'altitude, en bordure de la MITIDJA au dessus
du village de Rivet.
-----Desservi par
une bonne route à 32 km d'Alger, par conséquent d'accès
et de ravitaillement faciles. La vue est magnifique et la faible altitude
des hauteurs voisines lui évite condensations et brumes. La distance
qui le sépare de la mer lui évite le voisinage maritime
immédiat tout en lui permettant de bénéficier en
été des brises rafraîchissantes d'est-nord et d'éviter
le sirocco.
-----Monsieur Bienvenu,
architecte diplômé est choisi par le Gouverneur Général
pour réaliser les travaux, et il présente tout d'abord une
maquette. Le bâtiment central se prolonge de chaque côté
par deux ailes en alignement rectiligne. Il comporte 180 lits, 100 pour
les hommes dans l'aile ouest, 80 pour les femmes dans l'aile est. La séparation
entre les sexes étant réalisée par la partie médiane
réservée aux services généraux.
-----Dans
chaque aile sont disposées les chambres des malades avec leur galerie
de cure orientée au sud. Toutes les chambres sont dotées
du confort moderne, elles comportent 3 lits (80%) 2 lits ou i lit. Les
lavabos s'intercalent entre les chambres. Ces chambres ouvrent directement
sur la galerie de cure par des portes pivotantes qui font de cette galerie
un prolongement de la chambre. Pour éviter l'ensoleillement excessif,
l'architecte a étudié un dispositif d'écrans permanents
qui entre automatiquement en jeu selon la saison et la hauteur du soleil.
Toutefois, une galerie ouverte au nord peut être utilisée
pendant les journées les plus chaudes.
-----Les chambres
avec leurs galeries forment 2 étages et demi du côté
des hommes et 2 étages du côté des femmes, à
cause de la déclivité du terrain.
La partie médiane comporte les salles communes salles à
manger séparées, salles de réunions...
Les services généraux sont au-dessous consultations, radiographie,
pharmacie... dans les sous-sols sont les cuisines, chauffage, buanderie,
ateliers...
-----Tout
est prévu au mieux et la construction, réglée par
un cahier des charges minutieux, durera environ 2 ans et reviendra à
7 millions de francs. Une somme de 500 000 francs est réservée
pour la première année de fonctionnement.
-----De nouveaux
donateurs s'ajoutent aux précédents et le SYNDICAT PROFESSIONNEL
des JOURNALISTES fait un don de 2 000 000 de francs.
-----Le Conseil
d'Administration du SANATORIUM de RIVET, enfin terminé avant la
guerre de 39-45, se compose ainsi:
-----Président:
Professeur Georges AUBRY de la Faculté de Médecine d'Alger,
Officier de la Légion d'Honneur
-----Vice-Président
: Mme Tramoy de l'Aubepie, d'Alger, Propriétaire, Chevalier de
la Légion d'Honneur - Docteur Larmande de Bougie, Chevalier de
la Légion d'Honneur - Mr Laforest de Constantine, Contrôleur
de la Propriété indigène
-----Secrétaire
Général : Mr Cannebotin, d'Alger, Propriétaire, Officier
de la Légion d'Honneur
Trésorier Général : Mr Lebhar Administrateur de la
Banque d'Algérie, Chevalier de la Légion d'Honneur
Administrateurs : Professeur Lebon, Professeur Benhamou, Docteur Lemaire,
Mr Jean Germain, Docteur Argenson, Docteur Biscos, Docteur Levi-Valensi,
Mr Hatinguais.
-----En 1940, l'édifice
est inauguré par le Gouverneur Général Lebeau en
présence du Maire de Rivet, Mr Vanoni, d'un représentant
de la Préfecture et du Conseil d'Administration, mais la guerre
ne permet pas de donner à la cérémonie tout l'éclat
qu'auraient mérité tant d'efforts et de détermination.
-----Jusqu'en 1962,
le Sanatorium de Rivet n'a cessé de fonctionner et ses installations
de subir de nombreuses améliorations.
-----Soulignons
à nouveau qu'il était en grande partie destiné aux
populations indigènes et qu'avec la découverte de nouvelles
thérapies la tuberculose était en très nette régression
sinon en voie d'éradication.
-----Qu'en
est-il aujourd'hui?
Renseignements pris auprès du corps médical, cette terrible
maladie fait à nouveau de nombreux ravages de même que le
trachome. Paupérisation, sous-alimentation,
manque de personnel qualifié, manque d'entretien pour les bâtiments
et le matériel médical. Les jeunes médecins algériens
venus faire leurs études en Europe s'installent ailleurs, ne rejoignant
pas l'Algérie.
-----D'autre
part on se rend compte qu'en France également il y a recrudescence
de la maladie, du fait du nombre croissant de travailleurs immigrés,
-----Enfin si le
Sanatorium existe toujours, il se trouve maintenant dans la commune de
Meftah (Rivet) et dépend du Ministère des Affaires Sociales
et du Ministère de la Santé.
NelIy Monier-Cannebotin
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