-le sanatorium de Rivet
par Nelly Monier- Cannebotin

extrait de "PIEDS-NOIRS D'HIER ET D'Aujourd'hui "N° 98 - FÉVRIER 99 "
6-3-2010

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-----La question des sanatoriums antituberculeux nord-africains font, des la fin de la Grande Guerre, couler beaucoup d'encre tant dans les journaux médicaux que d'Anciens Combattants, très actifs à cette époque.

-----Dès 1932, le Docteur Laquière lance dans le journal "La tranchée" un cri d'alarme, fustigeant l'implantation de l'Ecole Normale d'Instituteurs à la Bouzaréah et demandant que soit créé sur cet emplacement le premier sana d'Algérie, insistant sur le fait que les malades n'ont souvent pas les moyens d'entreprendre un voyage en France, coûteux certes et qui les éloigne de leur famille pendant de longs mois.

-----"L'Afrique du Nord Illustrée" publie par la suite l'article du Professeur Georges Aubry expliquant la cause principale de ce fléau qui fait d'inquiétants progrès.
Les populations rurales sont durement touchées. Le facteur principal en est l'exode des travailleurs indigènes et particulièrement kabyles vers les centres industriels de la Métropole. Entassés dans des taudis, mal nourris, minés par l'alcoolisme, ces sujets neufs fournissent à la tuberculose un terrain favorable où l'infection se développe sous des formes envahissantes et hautement contagieuses. Le retour de ces malades au foyer primitif dans des villages dépourvus d'hygiène est désastreux. A cette cause principale s'en ajoutent bien d'autres facilité de déplacements donc multiplication des occasions de contagion. Bref, dans tous les milieux, la tuberculose se propage. Cette extension n'est pas particulière à l'Algérie elle est seulement plus manifeste.

-----En France, la loi Bourgeois sur les dispensaires et la loi Honnorat sur les Sanatoriums ont organisé l'armement antituberculeux et en ont rendu le développement obligatoire. L'Algérie, bien plus menacée peut-être est restée en arrière. Pour donner une idée de l'importance du fléau, on compte pour Alger seulement, 800 à 900 décès par an, ce qui permet d'évaluer pour l'agglomération algéroise entre 8 000 et 9 000 le nombre de malades.

-----Or l'armement antituberculeux est inexistant. Pourquoi? La première raison et la plus tristement valable est que l'effort financier à envisager est considérable. Le prétexte avancé par tous ceux qui veulent écarter ou seulement ajourner l'importante question de l'organisation de la lutte contre la tuberculose est qu' on ne peut pas la traiter en Algérie.
C'est pour étudier à fond la question que se crée après la Grande Guerre " L'Association ALGERIENNE CONTRE LA TUBERCULOSE " qui compte immédiatement parmi ses animateurs des représentants de la Faculté, des Hôpitaux, des philanthropes éclairés.
-----Se tenant sur un terrain essentiellement pratique, l'Association soutient, dès ce moment, qu'un grand nombre de tuberculeux peuvent guérir en étant soignés en Algérie.
-----Des études techniques sont réalisées dont le résultat est positif.
-----"L'ASSOCIATION ALGERIENNE CONTRE LA TUBERCULOSE" entre alors dans la voie des réalisations. Pour y parvenir, elle fonde avec " L'INTERFEDERATION DES VICTIMES DE LA GUERRE " dont le Président est Mr Eugène-Lucien CANNEBOTIN une ASSOCIATION des SANATORIUMS d'ALGERIE dont le siège est 1 Bd de France à ALGER.
-----L'établissement sera un hôpital sanatorium, organisme infiniment plus large, ce que le Professeur LFBON appellerait un hôpital auxiliaire spécialisé.
-----Dans cette formation, une moitié des lits sera réservée aux tuberculeux de guerre, ainsi qu'aux veuves de guerre et aux pupilles de la Nation.
-----Le choix du site, effectué par une commission technique se porte sur la forêt de St Ferdinand. Un avant-plan est dressé et en 1930 le Gouverneur Général Bordes pose la première pierre de l'établissement. Mais l'Association ne possède pas à cette époque l'argent nécessaire à la construction. Enfin, les Délégations Financières votent un crédit de 1 000 000 de francs alors que l'Office Nationale des Mutilés, sur intervention de Mr CANNEBOTIN, vote un crédit de 4 000 000 de francs. De généreux donateurs réunissent la somme de 1 300 000 francs. On est donc en mesure de commencer l'édification d'un premier établissement prévu pour 160 lits environ.
-----Le Futur SANATORIUM DE RIVET se trouvera donc situé dans le DJEBEL ZEROULEZ à 450 mètres d'altitude, en bordure de la MITIDJA au dessus du village de Rivet.

-----Desservi par une bonne route à 32 km d'Alger, par conséquent d'accès et de ravitaillement faciles. La vue est magnifique et la faible altitude des hauteurs voisines lui évite condensations et brumes. La distance qui le sépare de la mer lui évite le voisinage maritime immédiat tout en lui permettant de bénéficier en été des brises rafraîchissantes d'est-nord et d'éviter le sirocco.

-----Monsieur Bienvenu, architecte diplômé est choisi par le Gouverneur Général pour réaliser les travaux, et il présente tout d'abord une maquette. Le bâtiment central se prolonge de chaque côté par deux ailes en alignement rectiligne. Il comporte 180 lits, 100 pour les hommes dans l'aile ouest, 80 pour les femmes dans l'aile est. La séparation entre les sexes étant réalisée par la partie médiane réservée aux services généraux.
-----Dans chaque aile sont disposées les chambres des malades avec leur galerie de cure orientée au sud. Toutes les chambres sont dotées du confort moderne, elles comportent 3 lits (80%) 2 lits ou i lit. Les lavabos s'intercalent entre les chambres. Ces chambres ouvrent directement sur la galerie de cure par des portes pivotantes qui font de cette galerie un prolongement de la chambre. Pour éviter l'ensoleillement excessif, l'architecte a étudié un dispositif d'écrans permanents qui entre automatiquement en jeu selon la saison et la hauteur du soleil. Toutefois, une galerie ouverte au nord peut être utilisée pendant les journées les plus chaudes.
-----Les chambres avec leurs galeries forment 2 étages et demi du côté des hommes et 2 étages du côté des femmes, à cause de la déclivité du terrain.
La partie médiane comporte les salles communes salles à manger séparées, salles de réunions...
Les services généraux sont au-dessous consultations, radiographie, pharmacie... dans les sous-sols sont les cuisines, chauffage, buanderie, ateliers...
-----Tout est prévu au mieux et la construction, réglée par un cahier des charges minutieux, durera environ 2 ans et reviendra à 7 millions de francs. Une somme de 500 000 francs est réservée pour la première année de fonctionnement.
-----De nouveaux donateurs s'ajoutent aux précédents et le SYNDICAT PROFESSIONNEL des JOURNALISTES fait un don de 2 000 000 de francs.

-----Le Conseil d'Administration du SANATORIUM de RIVET, enfin terminé avant la guerre de 39-45, se compose ainsi:
-----Président: Professeur Georges AUBRY de la Faculté de Médecine d'Alger, Officier de la Légion d'Honneur
-----Vice-Président : Mme Tramoy de l'Aubepie, d'Alger, Propriétaire, Chevalier de la Légion d'Honneur - Docteur Larmande de Bougie, Chevalier de la Légion d'Honneur - Mr Laforest de Constantine, Contrôleur de la Propriété indigène
-----Secrétaire Général : Mr Cannebotin, d'Alger, Propriétaire, Officier de la Légion d'Honneur
Trésorier Général : Mr Lebhar Administrateur de la Banque d'Algérie, Chevalier de la Légion d'Honneur
Administrateurs : Professeur Lebon, Professeur Benhamou, Docteur Lemaire, Mr Jean Germain, Docteur Argenson, Docteur Biscos, Docteur Levi-Valensi, Mr Hatinguais.

-----En 1940, l'édifice est inauguré par le Gouverneur Général Lebeau en présence du Maire de Rivet, Mr Vanoni, d'un représentant de la Préfecture et du Conseil d'Administration, mais la guerre ne permet pas de donner à la cérémonie tout l'éclat qu'auraient mérité tant d'efforts et de détermination.

-----Jusqu'en 1962, le Sanatorium de Rivet n'a cessé de fonctionner et ses installations de subir de nombreuses améliorations.
-----Soulignons à nouveau qu'il était en grande partie destiné aux populations indigènes et qu'avec la découverte de nouvelles thérapies la tuberculose était en très nette régression sinon en voie d'éradication.
-----Qu'en est-il aujourd'hui?
Renseignements pris auprès du corps médical, cette terrible maladie fait à nouveau de nombreux ravages de même que le trachome. Paupérisation, sous-alimenta
tion, manque de personnel qualifié, manque d'entretien pour les bâtiments et le matériel médical. Les jeunes médecins algériens venus faire leurs études en Europe s'installent ailleurs, ne rejoignant pas l'Algérie.
-----D'autre part on se rend compte qu'en France également il y a recrudescence de la maladie, du fait du nombre croissant de travailleurs immigrés,

-----Enfin si le Sanatorium existe toujours, il se trouve maintenant dans la commune de Meftah (Rivet) et dépend du Ministère des Affaires Sociales et du Ministère de la Santé.

NelIy Monier-Cannebotin