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Saint-Séverin apôtre du Norique (+482)
pnha,n°95, nov. 1998

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-----Sur la naissance et le pays d'origine de ce saint règne la plus grande obscurité. Son biographe, Eugypius, n'en dit rien, et il paraît que Séverin lui-même par humilité, refusa constamment de répondre aux questions qu'on lui adressait là-dessus. Les historiens modernes ont émis à ce sujet diverses opinions; voici celle d'un auteur allemand,Th. Sommerlad

Né en Afrique du Nord


-----Séverin serait né en Afrique, d'une famille distinguée; il aurait été élevé à l'épiscopat dans sa patrie, mais aurait dû prendre le chemin de l'exil, probablement en 437, pour échapper aux vexations que les Vandales ariens faisaient subir aux catholiques. Il se serait retiré en Asie Mineure et y aurait embrassé la vie monastique, selon la règle de Saint-Basile. Ardent défenseur de l'orthodoxie et du monachisme oriental, il serait arrivé dans le Norique, au plus tôt en 434. Peut-être faudrait-il l'identifier avec l'évêque Severianus dont parle Prosper d'Aquitaine (Epitome chronicon, ad an. 437). Cependant, tout cela reste dans le domaine de l'hypothèse.
-----Donc en 454, arrive à Astura, petite ville située au nord du Danube, sur les confins de la Pannonie et du Norique, un inconnu ; Sans aucune lettre de recommandation, il se présente chez le portier de l'église et sollicite une place au foyer. On l'accueille, et sans attirer l'attention, il gagne l'affection de son hôte par sa piété, la pureté de ses moeurs, son zèle charitable. Soudain cet homme obscur sort un jour de son modeste logement ; il parcourt les rues de la ville, appelle à l'église prêtres clercs et laïcs ; là avec un accent d'humilité et de conviction, il avertit ses auditeurs qu'un péril imminent les menace : "Les barbares sont tout près, dit-il, fermez les portes de la ville, mettez-vous en état de défense et, surtout, priez, faites pénitence".
-----Mais c'est en vain, un peuple incrédule méprise ses paroles. Les prêtres eux-mêmes ne veulent pas ajouter foi aux propos de cet étranger qui semble se mêler de prophétiser. Sous le coup d'une juste indignation ; Séverin quitte l'église, rentre chez son hôte, lui prédit le jour et l'heure du désastre : "Pour moi, ajoute-t-il, je quitte cette ville opiniâtre et vouée à une destruction prochaine".
-----Il se rend alors à Comagène, bourg fortifié, situé non loin d'Astura, également au bord du Danube. Une garnison romaine s'était retirée de cette place et les habitants, incapables de se défendre eux-mêmes, avaient traité avec des barbares qui, tyrans autant que protecteurs, s'étaient rendus insupportables.
-----Ils exerçaient une garde sévère sur les portes de la ville. Cependant, sans prendre garde au fugitif d'Astura, ils le laissent passer. Celui-ci va droit à l'église où le peuple est assemblé, et il fait entendre son avertissement sans plus de succès.
-----Dans le même moment, un vieillard, à l'entrée de la ville, demande à y pénétrer ; il raconte qu'Astura vient d'être mise au pillage, comme cela avait été prédit par un homme de Dieu. La curiosité s'éveille à ce récit, on laisse passer le vieillard, qui court à l'église et y reconnaît son hôte dans le prédicateur improvisé. Devant tout le peuple assemblé, il se jette à ses pieds et le proclame son sauveur.

Sauvés des Barbares

-----La foule alors se déclare prête à suivre les conseils de Séverin ; dans tout Comagène, ce sont des jeûnes, des prières, des gémissements. Le troisième jour de ces exercices de pénitence, un tremblement de terre se produit, les barbares demandent à quitter la place. Ils se précipitent au dehors ; trompés par l'obscurité, ils croient avoir l'ennemi devant eux, se jettent les uns sur les autres et s'entre-tuent. Le peuple de Comagène est ainsi débarrassé de ses encombrants protecteurs ; on interroge le vieillard d'Astura pour connaître celui qu'il a appelé protecteur. La réponse est que cet homme s'appelle Séverin et vient des régions de l'Orient.
-----A partir de ce moment, la curiosité des habitants de Comagène est excitée au plus haut point ; ils n'osent pourtant pas interroger directement Séverin. Mais après la chute de Romulus Augustule, des Italiens arrivent dans le Norique ; c'est une occasion, semble-t-il de faire parler Séverin qui vient de recevoir comme hôte un prêtre italien nommé Primenius ; on essaie d'employer cet intermédiaire pour en savoir davantage sur les antécédents de Séverin : "Sache seulement, répond-il, à Primenius, que le Dieu qui t'a fait la grâce d'être prêtre m'a ordonné de venir au secours de ces infortunés".
-----Après Comagène, c'est Favianes qui doit à ce saint homme d'être délivré du fléau de la famine et des menaces des Barbares ; il annonce aux habitants auxquels il a prêché la pénitence que Dieu combattra pour eux et, quand cette promesse s'est réalisée, il donne ce dernier avis : "Votre ville n'aura plus à souffrir des déprédations mais à une condition, c'est que, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, vous serez fidèles observateurs du devoir et de la piété". Séverin conçut ensuite le dessein de former une milice spirituelle, et, vers 455, il établit un monastère à quelque distance de Favianes. Homme d'action, il forma ses disciples par ses exemples plus encore que par ses paroles ; en fait de science, il les établit dans un commerce habituel avec les anciens pères ; pour la piété et les moeurs, il les exhorta à ne plus regarder en arrière après avoir quitté le monde et à vivre dans la crainte de Dieu. dans les larmes, les privations et les jeûnes.
-----ll voulut avoir une église dans laquelle il fit placer des autels consacrés aux saints dont il avait pu se procurer des reliques. Sa pratique d'exercer la charité en rachetant des captifs lui valut d'avoir des reliques des saints Gervais et Protais. Il avait entrevu dans une vision un moine porteur de ces reliques, il fit rechercher sur le marché ce moine et réussit à opérer son rachat. Le moine par reconnaissance, céda volontiers les reliques dont il était porteur. Parmi les autres monastères que fonda Séverin dans la région, on ne connaît la situation que d'un seul, celui de Boitro, au confluent de l'Inn et du Danube en face de Passau. Chose étonnante, cet homme d'une activité prodigieuse avait l'amour de la solitude ; il aurait voulu mener au désert la vie contemplative. Jamais il ne voulut accepter la charge de l'épiscopat par humilié et aussi par le désir de garder sa liberté d'allures.
-----Son austérité est à peine concevable ; il avait pour lit un cilice étendu sur le pavé de son oratoire, pour vêtement, en toute saison, une seule tunique ; il ne rompait son jeûne de tous les jours qu'au coucher du soleil ; en carême il ne mangeait qu'une fois par semaine ; en toute saison il marchait pieds nus.
-----Avec une telle austérité pour lui-même, il témoignait aux autres la plus grande bonté soit pour les âmes, soit pour les corps. Il opéra plusieurs miracles et même résurrection d'un mort, mais celle-ci ne fut connue qu'après la mort de Séverin.

Une réputation grandissante

-----L'action de Séverin s'est étendue à toute une province pour l'amélioration morale de ses habitants, pour la répression des Barbares et leur évangélisation. Trente années d'efforts et d'austérité pour arriver à ce résultat finirent par épuiser ses forces ; il sentait venir son dernier jour et il l'annonça au prêtre Lucillus. Celui-ci était venu le trouver le jour de l'Epiphanie pour lui annoncer que le lendemain il célébrerait l'anniversaire de son ancien évêque, qui avait exercé ses fonctions épiscopales en Réthie. Alors Séverin lui dit : "Si le saint évêque Valentin t'a désigné pour cet anniversaire, je te délègue à mon tour pour me rendre les derniers devoirs et ce sera le même jour". A partir de cet instant, Séverin ne songea plus qu'à se préparer à la mort.
-----Annonçant à ses disciples qu'ils devraient un jour quitter le pays, il leur fit une obligation d'emporter avec eux les ossements de leur père. Le 8 janvier il leur adressa ses dernières recommandations, reçut la sainte communion étendit sa main pour les bénir, entonna le chant du psaume Laudate Dominum in sanctis ejus, ordonnant aux assistants de le continuer et, au dernier verset : "que toute âme loue le Seigneur", il expira (482).
-----Les moines placèrent son corps dans un cercueil, de façon à pouvoir remplir les volontés du défunt quand viendrait l'heure de l'exode, car ils ne doutaient pas que sa prophétie ne se réalisât. Durant les années qui suivirent le monastère fut mis plusieurs fois au pillage.
-----En 486, une invasion de Barbares, les obligea à partir ; on découvrit le corps et, à la grande surprise de tous les témoins, il fut trouvé sans corruption comme au jour du trépas, on changea pieusement les linges et on referma le cercueil.
-----Celui-ci fut placé dans une sorte de chapelle portative et mis sur un charriot traîné par plusieurs chevaux. Le cortège, escorté par des soldats, s'engagea dans les Alpes, descendit vers les côtes de l'Adriatique; sur le parcours, les populations venaient vénérer les saintes reliques, et beaucoup de malades furent guéris.
-----On arriva ainsi à Lucullanum, près de Naples, où une riche dame donna sa villa pour que les moines en fissent leur monastère. Le corps de Séverin demeura dans cet endroit jusqu'en 910. Il fut alors transféré à Naples, dans l'abbaye bénédictine à laquelle on donna le nom de Saint-Séverin. Le martyrologue romain mentionne ce saint au 8 janvier, que l'on croit avoir été l'anniversaire de sa mort.

Abbé Vincent Serralda

Vincent Serralda le 22 septembre 1998, à Paris, a rejoint la maison du père. Prêtre magnifique, il s'était consacré aux Saints d'Afrique du Nord, "ses Berbères" comme il aimait à les appeler. Il nous a toujours montré de l'affection et a beaucoup écrit.
Sa mémoire et son oeuvre demeure