sur site le 10-11-2003
-Alger, Algérie : religions
Saint Marien et Saint Jacques
martyrisés à Lambèse en 259

pnha, n°109, fevrier 2000.

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-----La Passion de ces deux saints, martyrisés à Lambèse, est un récit authentique, d'une haute valeur historique, d'un témoin occulaire qui n'a pas laissé son nom.
-----Saint Augustin l'a recommandée dans ses sermons.


"Deux martyrs très illustres, lisons-nous dans les Actes, nous ont confié le soin de faire connaître leur gloire ; je veux parler de Marien, qui nous fut cher entre tous les frères, et de Jacques, auquel, vous le savez, outre les engagements communs du baptême et la profession d'un même culte, unissaient des liens de famille. Sur le point de soutenir leur glorieux combat contre les cruelles fureurs du siècle et les attaques des païens, ils m'ordonnèrent de mettre par écrit le récit de cette lutte où ils entraient sous la conduite de l'Esprit-Saint. Ce n'était pas assurément pour faire célébrer par une vaine jactance au milieu du monde la gloire de leur triomphe, mais bien pour laisser à la multitude des fidèles, au peuple de Dieu, un exemple capable de les instruire et de fortifier leur foi. Ce ne fut pas sans raison que leur affectueuse confiance me choisit pour publier ces récits ; qui pourrait douter en effet que j'ai connu et partagé le secret de leur vie ? Nous vivions ensemble dans les liens d'une étroite union quand la persécution nous surprit.
-----Nous voyagions en Numidie, comme nous l'avions fait ensemble bien des fois, et nous avions réuni les gens de notre suite ; la route que
nous suivions nous menait à remplir le ministère imposé par la foi et la religion, tandis qu'elle conduisait au ciel nos compagnons. Nous arrivâmes en un lieu appelé Muguas, près des faubourgs de Cirta (Constantine), colonie romaine et ville importante où l'aveugle fureur des païens et les ordres des officiers militaires avaient déchaîné une cruelle persécution. Nos bienheureux martyrs, Marien et Jacques, virent là un signe certain de la miséricorde divine qui les menait au lieu et au moment où la persécution battait son plein, et où, sous la conduite du Christ, ils allaient cueillir leur couronne. En effet la fureur aveugle et brutale du préfet faisait rechercher par ses soldats les disciples bien-aimés du Christ, le diable lui inspirait d'appesantir sa main sur ceux qui, depuis longtemps condamnés à l'exil, avaient mérité sinon par l'effusion du sang, du moins par le désir, la couronne du martyr.
-----Les exemples et les instructions d'Agape et Secondin, quand ils nous quittèrent, avaient disposé Marien et Jacques à suivre la même voie, à marcher sur leurs traces glorieuses. Deux jours à peine après leur départ, la palme du martyre venait d'elle-même trouver nos très chers Marien et Jacques. Une troupe armée était accourue à la ville que nous habitions ; ces deux frères furent arrachés à nos embrassements pour aller au martyre. Quand ils furent interrogés, comme ils persévéraient à confesser hautement le nom du Christ, on les conduisit en prison.
-----Alors un soldat stationnaire, le bourreau des hommes justes, les soumit à des tourments cruels et nombreux. Il prit, pour venir en aide à sa cruauté, le centurion et les magistrats de Cirta. Jacques qui avait toujours paru plus ferme dans sa foi, parce qu'il avait déjà triomphé de la persécution de Dèce, répétait avec fierté que non seulement, il était chrétien, mais que de plus il était diacre. Marien, de son côté, provoquait les supplices en confessant qu'il était lecteur ; c'est qu'il l'était en effet. Marien fut suspendu pour être déchiré, le supplice même était vraiment son exaltation. On eut la cruauté de lui attacher aux pieds des poids lourds ; ainsi tirée en sens contraire, la charpente entière de son corps se disloquait, les nerfs étaient brisés, les entrailles déchirées. Enfin, la fureur des bourreaux fut vaincue et il fallut reconduire en prison Marien tout joyeux de son triomphe ; avec Jacques et les autres frères, il célébra par de ferventes prières la victoire du Seigneur.
-----Après les tourments dont on avait déchiré son corps Marien s'endormit d'un sommeil profond et tranquille ; à son réveil, il nous raconta lui-même ce que la divine bonté lui avait fait voir pour soutenir et encourager ses espérances : "Mes frères, dit-il, j'ai vu se dresser devant moi à une grande hauteur un tribunal d'un éclat éblouissant ; là siégeait un personnage faisant office de juge. Il dominait sur une estrade où l'on montait par de nombreux degrés. En faisant approcher les confesseurs, un à un par ordre, devant le juge qui les condamnait à être décapités. Tout à coup, j'entendais une voix claire et puissante qui cria :"Qu'on amène Marien !"Et aussitôt je montai sur l'estrade. À ce moment, j'aperçus, à la droite du juge, Cyprien que je n'avais pas encore vu ; il me tendit la main, m'éleva jusque sur le plus haut degré de l'estrade et me dit en souriant : "Viens t'asseoir avec moi !" Je m'assis et l'interrogation des autres confesseurs continue. À la fin, le juge se leva et nous le conduisîmes jusqu'à son prétoire. Nous traversions d'agréables prairies ; de hauts cyprès et des pins dont la tête s'élevait jusqu'au ciel étendaient au loin leur ombrage ; on eût dit que la verdure des forêts environnait ces lieux comme d'une immense couronne. Au milieu, les eaux pures d'une source abondante remplissaient à plein bords un immense bassin. Mais tout à coup, le juge disparut ; alors Cyprien prit une coupe qui se trouvait au bord de la fontaine, il la remplit et but ; quand il l'eut vidée, il la remplit de nouveau, me la présenta et j'en bus moi-même avec bonheur. Je rendais grâces à Dieu, quand le son de ma voix m'éveille."

 

-----Ce récit rappela à Jacques que Dieu avait daigné aussi lui montrer la couronne qui lui était réservée. Quelques jours auparavant, Marien, Jacques et moi-même avec eux, nous voyagions ensemble sur le même char. Vers le milieu du jour, à un endroit où la route était rocailleuse, Jacques était tombé dans un profond sommeil ; nous l'appelâmes, et quand il fut éveillé, il nous dit : "Mes frères, je viens d'éprouver une grande émotion, mais c'est la joie qui transportait mon âme. Vous aussi, réjouissez-vous avec moi. J'ai vu un jeune homme d'une taille prodigieuse, il avait pour vêtement une robe d'une blancheur si éclatante que les yeux ne pouvaient la considérer, ses pieds ne touchaient pas la terre et son front se cachait dans les cieux. Comme il passait rapidement devant nous, il nous jeta deux ceintures de pourpre, une pour toi, Marien, et une pour moi. Et il me dit "Suivez-moi promptement!" Dans un tel sommeil quelle force contre l'ennemi ! Comment après cela décrire les transports de joie et les sentiments géné
reux de nos martyrs qui, sur le point de souffrir pour Dieu, avaient eu le bonheur d'entendre le Christ et de le voir s'offrir à leurs regards ? Par une grâce spéciale et toute nouvelle ce Dieu avait choisi, pour se montrer à son martyr, un temps où d'ordinaire il ne se révèle pas à ses saints. Au reste, les deux frères ne furent pas les seuls à jouir de cette faveur. (Suivent des détails concernant la vision d'Emilien puis le martyre d'Agape, Secondin, Tertulla, Antonio).Agape apparut à Jacques dans sa prison durant son sommeil. Sur le point de recevoir le coup de la mort, pendant qu'on attendait l'arrivée du bourreau, on entendit Jacques qui disait : "Que je suis heureux ! Je vais rejoindre Agape, je vais m'asseoir avec lui et tous les autres martyrs au banquet céleste. Cette nuit même, je l'ai vu notre bienheureux Agape ; au milieu de tous ceux qui avaient été enfermés avec nous dans la prison de Cirta, il paraissait le plus heureux ; un joyeux et solennel banquet les réunissait. Marien et moi, emportés par l'esprit de dilection et de charité, nous y courions comme à des agapes, lorsque tout à coup vint à notre rencontre un jeune enfant, que je reconnus pour un des deux frères jumeaux, qui trois jours auparavant avaient souffert avec leur mère... "Où courez-vous ? nous dit-il ; soyez dans l'allégresse, demain vous souperez avec nous." Cependant, le jour avait succédé à la nuit dans laquelle cette vision avait eu lieu, la sentence du préfet allait servir à l'accomplissement des promesses de Dieu. Ce fut une condamnation, mais elle affranchit des tribulations du siècle Marien et Jacques avec les autres clercs, pour les rendre participants de la gloire dans la société des patriarches. On les conduisit au lieu du triomphe : c'était une vallée profonde, traversée par un fleuve dont les rivages s'élevaient doucement comme pour former les degrés d'un amphithéâtre. Le sang des martyrs coulait jusqu'au lit du fleuve. le bourreau avait disposé avec art ses victimes sur de longues files ; ses coups sacrilèges semblaient courir d'une tête à l'autre, emportés par une aveugle fureur. Suivant la coutume avant de frapper les victimes on leur banda les yeux, mais les ténèbres ne purent obscurcir leurs âmes. Marien, déjà rempli de l'esprit de prophétie, annonçait avec assurance que le jour était proche où le sang des justes serait vengé ; ce qui était un puissant aiguillon pour fortifier le courage des frères.
-----Quand le sacrifice fut achevé, la mère de Marien, transportée d'une joie digne de la mère des Macchabées, et assurée du sort de son fils, se félicite de son bonheur et s'applaudit elle-même d'avoir donné le jour à un tel fils. Ineffable est vraiment la miséricorde de Dieu Tout Puissant et de Son Christ envers ceux qui ont mis leur confiance en Son nom. Qui pourrait mesurer la grandeur de ses bienfaits ? Sa paternel miséricorde opère sans cesse et répand sur nous les dons que la foi nous montre comme le prix du sang de notre Dieu.A lui soient la gloire et l'empire dans les siècles des siècles.Ainsi soit-il".

Abbé Vincent Serralda (+)


PIEDS-NOIRS D'HIER ET D'AUJOURD'HUI- N° 109 FÉVRIER 2000