sur site le 14/11/2002
-Notre-Dame-de-l'Atlas, accueillez nos sept moines
pnha n°69, juin 1996
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------C'est le Gouvernement français qui, en 1844, avait demandé aux Trappistes de l'Abbaye de Notre-Dame d'Aiguebelle de fonder le monastère de Staouëli, en Algérie, et d'y enseigner l'agriculture à la population. Cependant, la loi votée en 1901 contre les Congrégations poussa le Père Abbé de l'époque à vendre les 1.000 hectares de Staouëli, avant d'en être expulsé. On lui reprocha d'ailleurs sa précipitation. C'est ainsi que la famille Borgeaud en devint propriétaire pour un prix avantageux...
------C'est donc après avoir été obligés de quitter leur admirable fondation de Staouëli en 1904 (car les Trappistes ont été parmi les premiers défricheurs de la plaine de la Mitidja), que les moines (qui pérégrineront en Italie, en France, puis à nouveau en Algérie) ont retrouvé en 1938, sous la direction de Dom Robert Pierre, une propriété stable dans ce séjour de Tib-Harine (les jardins) pour, au fil des ans, transformer cette ferme en une véritable abbaye.

NOTRE-DAME-DE-L'ATLAS

------Au-dessus du porche d'entrée de la basilique de Notre-Dame-d'Afrique à Alger, fournie par la maison Virebent de Toulouse et mise en place à cet endroit en 1868, une belle statue de la Vierge, en grès céramique de 3 mètres de haut protégeait le site.
------Une autre statue similaire, vraisemblablement de même origine, avait été placée dans le cimetière du monastère de Staouëli, où de nombreux et jeunes moines étaient enterrés, victimes du paludisme à la suite de la mise en culture des terres marécageuses. Quand les Trappistes quittèrent Staouëli, ils ne purent emporter la statue, sinon dans leurs pensées. II faut croire que ces pensées étaient tenaces, puisque trente-cinq ans plus tard (un an après que les moines se furent installés à Tib-Harine), le 17 juillet 1939, "Frères Célestin et Eugène, lit-on dans le Diaire de Notre-Dame-de-l'Atlas, vont à Staouëli chercher la grande statue qui doit être érigée sur la montagne". Le 17 août 1939, " on commence à édifier le socle qui doit supporter la Sainte-Vierge sur le rocher d'Abd-el-Kader" et le 8 septembre 1939, en la fête de la nativité de Myriam, après l'office de none, sans grande cérémonie à cause de la guerre contre les Allemands, mais tout de même en procession, au milieu des chants de Maris Stella, du Magnificat... on procède à la bénédiction sur un toit de l'Atlas.
------Couronnée d'étoiles, le pied posé sur le Croissant de lune, discrètement enceinte (oui, enceinte, ce qui est rare) mais non pas crispée dans les douleurs de l'enfantement, comme si elle désirait atténuer les terreurs de l'Apocalypse qui menace désormais le monde, Notre-Dame-de-l'Atlas mûrit l'heure de son fils. Elle semble attendre l'heure de pouvoir donner son fils au monde.
------Cela se fera-t-il dans la joie ou dans la douleur ? Dans la paix ou dans la guerre ? Je crains que ce ne soit dans un climat mondial d'Apocalypse, dont la fin de l'Algérie française ne fut qu'une préfiguration

MON PÈLERINAGE DE JANVIER 1962

------Soudain, je La vis, devant moi, tout entière, d'un seul coup, comme descendue du ciel ou jaillie de la montagne. Ah ! les moines avaient bien calculé leur effet ou bien la Providence l'avait calculé pour eux ! Si Elle n'avait été posée sur un socle, l'on eût cru une apparition !
------L'âge ? Seize ans environ. C'est moi qui le dis. C'est ce qu'il m'a semblé.
------Douce, sereine, les bras maternels ouverts pour nos coeurs, les yeux abaissés vers la terre, vers nous, vers la Trappe, vers...
------Dom Robert, qui était avec moi, me dit : "Vous voyez, me dit-il, tout en bas, le monastère. Mais aussi, là, à mi-chemin, à flanc de montagne, des toits de gourbis ou de maisonnettes, parmi les arbres. Considérez que si vous traciez deux lignes au cordeau, partant des bras de la SainteVierge, vous obtiendriez, un angle, un faisceau, embrassant la campagne. Or, vous remarquerez que pas une de ces maisons ne déborde, ni à droite, ni à gauche, de cet angle. Autrement dit, les musulmans qui sont là se sont mis sous la protection de Myriam, dans ses bras. Ils disent que ceux qui habitent dans le prolongement des bras de " Lalla Myriam", " Lalla" marquant un respect infini, eh bien ! que ceux-là ont sa baraka.
------Faut-il ajouter que le rayonnement de Notre-Dame-de-l'Atlas a évité des drames dans les environs où des bandes rebelles opéraient, comme partout ailleurs où il y avait du relief et de la forêt ? Bien des témoignages peuvent prouver l'étendue de cette protection.

SIGNES DU CIEL

------En faisant le tour de la statue, je m'aperçus qu'elle portait une sorte de cicatrice dans le dos.
------"Oui, m'expliqua Dom Robert, la foudre l'a frappée et nous avons effectué au mieux la réparation nécessaire".
------En descendant vers le monastère, je ne pouvais m'empêcher de penser que ce coup de foudre était terriblement symbolique.
------En 1973, des fanatiques, étrangers à ce secteur, s'étaient acharnés sur sa couronne et lui avaient mutilé en partie les bras, ce qui, après le coup de foudre dans le dos, est un symbole de plus de la rage de Satan contre la puissance de Marie et contre ses bienfaits...
------Dernier drame, l'assassinat des 7 moines fin mai.

 

------L'annonce par le GIA de l'assassinat des sept moines trappistes, près de deux mois après leur enlèvement, porte à 18, dont 14 Français, le nombre de religieux chrétiens tués en Algérie depuis mai 1994.
------Parmi ces derniers martyrs, nous nous souviendrons de Dom Christian de Chergé, un enfant d'Alger, prieur de la communauté, 59 ans.
------"Un type limpide au regard clair" disait de lui un proche. 11 passe son enfance à Alger, puis fait ses classes au séminaire des Carmes, à Paris. Retour en Algérie pour deux ans de service militaire mais l'indépendance de l'Algérie le fera prêtre à la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre puis à Rome.Il passe un temps par l'Abbaye d'Aiguebelle (Drôme) et décide, en 1971, de partir pour l'Algérie. Quelques semaines avant l'enlèvement, il réaffirme à un ami de passage que sa place était dans son pays. Il avait organisé au monastère un vote à bulletins secrets : les Trappistes avaient choisi de rester.

Extraits du livre de Claude Mouton "Notre-Dame-de-l'Atlas" aux Publications M.C.

------L'Eglise en Algérie
------Contrairement aux églises chrétiennes d'autres pays musulmans, Liban, Syrie ou Egypte, l'Eglise n'est pas d'Algérie, mais en Algérie, en état de survie précaire, sans droits, seulement tolérée, ayant perdu son patrimoine et presque tous ses lieux de culte devenus mosquées ou détruits. La religion islamique, si bien accueillie en France, ignore le principe de réciprocité.
------Actuellement , trois grands sanctuaires demeurent réservés au culte catholique. A Alger, la moderne cathédrale du Sacré-Coeur, vers le haut de la rue Michelet, où officie un prêtre berbère, et la Basilique Notre-Dame-d'Afrique, confiée à la garde des Pères Blancs. A Bône, la Basilique Saint-Augustin, dont on célèbrera la fête dans deux jours, entretenue par trois Pères Augustins maltais.
------Au diocèse d'Alger, Mgr Henri Teissier, 66 ans, a succédé au Cardinal Duval, 93 ans, mal-aimé des Algérois, et aujourd'hui décédé.
------Au diocèse d'Oran, Mgr Pierre Claverie, 47 ans, évêque Pieds-Noirs et proche d'eux en métropole, a succédé à Mgr Teissier voici 14 ans. II a négocié la transformation de la cathédrale en bibliothèque.
------Au diocèse de Constantine, où officiait Mgr Jean Scotto jusqu'en 1983, décédé en 1993, connu pour sa sympathie pro-arabe, puis Mgr Gabriel Piroird, la cathédrale est devenue mosquée.
------Au diocèse de Laghouat, Mgr Michel Gagnon est â la tête d'une douzaine de Pères Blancs répartis dans de nombreuses oasis, avec quelques petits frères et petites soeurs de Jésus. Quelques autres Pères Blancs sont répartis dans le diocèse d'Alger.
------La vie de l'Eglise est ordonnée en fonction de l'Islam, le dimanche devenu jour ordinaire. Tout signe extérieur d'identité est exclu et Mgr Gaston Jacquier a payé de sa vie le port de sa croix pectorale.
------Seuls deux monastères avaient survécu à la montée de l'intégrisme et du FIS.
------Celui des Clarisses, à Saint-Eugène qui, en proie à des difficultés financières et ayant perdu leur aumônier, l'un des quatre Pères Blancs assassinés à Tizi-Ouzou, sont parties fin février 1996, regrettées, accompagnées par l'armée, une trentaine au total, relogées à Nimes.
------Celui de Notre-Dame-de-l'Atlas, à Tib-Harine, près de Médéa, où les moines cisterciens, pieux et mystiques, exploitaient 374 ha avant l'indépendance : 7 d'entre eux sur 9 ont été enlevés le 26 mars 1996 et seront assassinés deux mois après.
------Ces prêtres en Algérie, une centaine aujourd'hui, tous volontaires, demeurés par vocation, matériellement démunis, souvent efficaces, représentent la chrétienté dans notre terre perdue et si critiquable qu'ait été le comportement de certains d'entre eux pendant la guerre d'Algérie, nous ne pouvons porter de jugement. S'il y avait encore une vraie charité, l'Eglise mènerait grand deuil, plus solennel, réitéré, à l'exemple de Jacob pleurant sur la tunique de son fils Joseph et les médias s'appesantiraient sur ce meurtre comme ils surent le faire en un autre temps pour des captifs au Liban.

Dr G. Pélissier

------Il aurait été préférable de manifester sur le "Parvis des Droits de l'Homme" à Paris, pendant ces deux mois de captivité, chaque jour durant, afin de leur sauver la vie plutôt que de déposer ces pauvres marguerites, une fois le meurtre consommé.

Jean-Marc Lopez