-la guerre d'Algérie et les Juifs
extrait de " Pieds-Noirs d'hier et d'aujourd'hui, mai 1999, n°101 "

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PNHA MAI 1999 n°101
La guerre d'Algerie et les Juifs


D' une manière générale, attachés à l'héritage spirituel et moral de leurs ancêtres, les Juifs d'Algérie veulent affirmer leur identité. Des notables, des intellectuels et des enseignants s'élèvent contre la discrimination de la colonisation française en Algérie; ils combattent le racisme, préconisent et soutiennent les projets de réforme. Ils luttent pour l'égalité des droits de tous. Victimes eux-mêmes, au cours de leur longue histoire, de discriminations religieuses et raciales, ils considèrent comme leur devoir de lutter pour le maintien des droits fondamentaux de la personne humaine. Hostiles à la violence, les Juifs d'Algérie appellent à la paix et à la réconciliation. Un groupe se disant libéral, constitué dans les années 50, autour du professeur et philosophe Raymond Bénichou, oeuvre pour une meilleure compréhension au sein de l'Union des croyants monothéistes. Des enseignants de la FLN (Fédération de I'Education nationale) reprennent ces idées et essaient de les transmettre à leurs coreligionnaires ? En ce qui concerne l'organisation des pouvoirs publics en Algérie, les Juifs, comme le reste de leurs concitoyens de France et d'Algérie, prennent position de façon individuelle.
Certains prennent parti délibérément pour le maintien de la présence française dans ce pays, sous la forme d'une intégration totale de l'Algérie à la France. D'autres, aussi bien dans la presse française de gauche qu'en Algérie, Maroc oui en Tunisie, appuient les revendications d'indépendance de 'Algérie. Cependant, quelle que soit l'opinion professée, elle l'est toujours à titre personnel. comme pour tout citoyen de métropole ou des départements d'Algérie. Quant aux organisations juives, elles considèrent qu'elles n'ont pas à dicter une politique définie ce serait contraire à leur mission et à l'idée qu'elles se font de la liberté de chacun. En juin 1956, à l'issue de l'assemblée générale de la FCIA, une déclaration commune de la Fédération des communautés et du CJAES est diffusée. Elle demande " à toutes organisations juives de l'extérieur et à leurs leaders d'éviter toute déclaration et tout propos public concernant l'avenir du judaïsme nord-africain propos qui, dans l'état actuel de l' évolution et de la situation en Afrique du Nord ,risquent d aller à l' encontre de leurs buts et des intentions de leurs promoteurs " : une position que ne variera plus. En novembre 1956, le CJAES publie, dans son organe mensuel " information juive" une déclaration qui conditionnera également son attitude durant toute la guerre. Selon lui, la collectivité juive d'Algérie comprend un certain nombre d'associations culturelles, dont les activités s'exercent dans les domaines du culte, de l'assistance, de la culture et en faveur de diverses oeuvres sociales; mais elle ne constitue pas, et n'a jamais prétendu constituer, une entité politique. Cette déclaration est en fait une réponse à plusieurs articles parus dans la presse laissant croire que le rabbinat et les consistoires, institutions confessionnelles, pourraient ou voudraient exprimer l'opinion générale de la collectivité israélite. Ils ne le peuvent en aucun cas, pas plus d'ailleurs que d'autres organisations non confessionnelles. Cependant, précise le CJAES, " en ces heures particulièrement dramatiques où le fossé s est dangereusement élargi entre les différents éléments de la population juive en Algérie, les Juifs(...)profondément reconnaissants à la France à laquelle ils doivent tant,attachés à cette terre que leurs activités se sont toujours efforcées de faire prospérer, entendent rester fidèles à la vocation qui les fait également proches des deux autres communautés religieuses, musulmane et chrétienne ".
Concernant la communauté musulmane, le texte affirme en dépit de l'injuste tribut payé par trop de nos coreligionnaires, innocentes victimes tombées ces derniers mois, nous nous devons de rendre hommage à la correction, voire à la cordialité, qui ont habituellement marqué les relations judéo-musulmanes en Algérie, et particulièrement à l'époque de Vichy. Les évènements qui se déroulent actuellement au Moyen-Orient ne doivent pas altérer les sentiments qui existent ici entre israélites et musulmans.
Dès cette époque. le CJAES, appelle à un règlement pacifique de ce conflit douloureux, à une solution de justice qui assurerait la liberté entre tous les habitants de ce pays.


Richard Ayoun.
(à suivre)