sur site le 23/10/2002
-Les 4 966 clercs déportés chez les Maures (483 ou 484)
pnha n°67, avril 1996
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-----En Afrique du Nord, les saints confesseurs et martyrs, au nombre de quatre mille neuf cent soixante-six, durant la persécution des Vandales, sous Hunéric, roi arien furent arrêtés.
-----I1 y avait parmi eux des évêques des Eglises de Dieu, des prêtres, des diacres, auxquels s'étaient joints de nombreux fidèles.
-----Après avoir été diversement torturés, ces chrétiens célébrèrent leur martyr. Parmi eux les principaux prêtres du Seigneur étaient les évêques Félix et Cyprien (483 ou 484).
-----Pour remplir dans son martyrologe les jours laissés vides par ses prédécesseurs, Florus emprunta à l'Histoire de la persécution Vandale de Victor de Vite plusieurs groupes de martyrs qui n'avaient jamais été honorés d'un culte. Il leur assigna des jours choisis arbitrairement, en les annonçant par le terme vague de commémoraison pour éviter toute illusion. Le groupe des quatre mille neuf cent soixante-six clercs avait été placé au 11 octobre. Adon le fit passer au 12 sans aucun motif.
LA PERSÉCUTION
-----En 429, les Vandales débarquèrent en Afrique et se rendirent bientôt maîtres du pays. Ariens, ils menèrent contre les catholiques une persécution longtemps sournoise et intermittente.
-----La mort de Genséric, en 477, avait semblé provoquer une amélioration ; mais son fils Hunéric prit au bout de quelques années des mesures encore plus violentes.
-----Victor, évêque de Vite, nous a laissé de ces terribles évènements un récit qu'il composa en exil vers 487 ; c'est un témoignage de premier ordre, bien qu'il ne se soit nullement imposé le ton d'un observateur insensible.
-----La déportation massive de clercs qu'il nous raconte eut lieu probablement, avant le pseudo-concile de Carthage (25 février 484), où les évêques ne furent pas autorisés à donner leur avis, mais où le roi porta une loi obligeant tous les catholiques à passer à l'arianisme.
Hunéric avait fait arrêter quatre mille neuf cent soixante-six évêques, prêtres, diacres et "autres membres de l'Eglise", expression qu'il faut probablement rendre par clercs, en y comprenant des lecteurs qui étaient encore des enfants.
-----Il les fit rassembler à Sicca Veneria (Le Kef) et à Lares (Lorba) (Le Kef est à deux cents kilomètres au sud-ouest de Tunis et les ruines de Lares sont à une vingtaine de kilomètres au sud du Kef).
Deux comtes vandales vinrent essayer de faire fléchir les prisonniers qui répondirent : "Nous sommes chrétiens, nous sommes catholiques, nous proclamons toujours la Trinité en un seul Dieu".
-----Les gardes n'étaient pas trop sévères, ils laissaient entrer les amis et célébrer les saints mystères. Les femmes venaient voir
leurs enfants ; certaines se réjouissaient d'avoir donné le jour à des martyrs, tandis que d'autres essayaient de les amener à se soumettre, mais aucun ne faiblit.
-----Une vieille femme, fille de l'évêque de Zuritana, eut le courage d'accompagner son petit-fils, pour que "l'ennemi ne le trouve pas seul et ne puisse le faire périr en le détournant de la vérité".
-----Mécontents de la constance des prisonniers, les barbares les enfermèrent dans de sombres réduits où ils étaient entassés comme des sauterelles et d'où ils ne pouvaient sortir pour satisfaire leurs besoins naturels ; la puanteur devint le pire des supplices.
-----Victor de Vite et quelques chrétiens achetèrent fort cher les gardes maures qui risquaient des coups de bâton, et purent visiter les captifs pendant que les Vandales dormaient ; ils s'enfoncèrent dans les ordures jusqu'aux genoux.
 

-----Un dimanche enfin, les Maures donnèrent le signal du départ. Les déportés avaient la tête et les vêtements couverts d'excréments. Les fidèles accouraient sur leur passage et se lamentaient en voyant que tout leur clergé leur était enlevé : "Pourquoi nous laissez?nous, lorsque vous allez cueillir des couronnes ? Qui baptisera les enfants ? Qui nous confèrera la grâce de la pénitence et nous délivrera des liens de nos péchés ? Qui nous enterrera avec les prières solennelles ? Qui célébrera le Saint Sacrifice ? Si c'était possible, nous voudrions vous suivre pour que rien ne sépare les fils de leurs pères".
-----Le vieil évêque d'Abbis Minus, Félix, avait 44 ans d'épiscopat. Paralysé, pouvant à peine parler, il était incapable de se tenir sur un cheval. On fit remarquer au roi qu'il était inutile d'exiler un homme qui ne tarderait pas à mourir.
-----Hunéric furieux répondit qu'on ne pouvait que l'attacher avec des cordes à des boeufs qui le traineraient où il avait ordonné.
-----Finalement, le malheureux vieillard fut ligoté sur un mulet comme un tronc d'arbre et fit ainsi toute la route.
-----L'évêque d' Unizibir, Cyprien, Victor, évêque de Vite, et quelques autres accompagnaient les malheureux exilés avec l'espoir de leur être assimilés. La même peine devait les frapper un peu plus tard.
-----La sinistre caravane marchait surtout la nuit, à cause de l'effrayante chaleur du jour ; les Maures qui ne voulaient pas multiplier les étapes, faisaient presser le pas, en piquant de la pointe de leurs javelots ou en accablant de pierres ceux qui n'allaient pas assez vite, vieillards ou faibles.
-----Enfermés pendant les arrêts, ils ne pouvaient se reposer et leur état physique empirait. On ordonna aux Maures d'attacher par les pieds ceux qui ne pouvaient marcher et de les tramer comme des bêtes mortes : les pierres arrachaient leurs habits, puis leur chair, leur brisant la tête et les côtes, et bientôt ils expiraient. Leurs tombeaux jalonnèrent le chemin.
-----Ceux qui purent arriver dans le désert furent nourris d'orge comme des animaux au début, mais bientôt on supprima ces distributions, tandis que les scorpions, dont le souffle peut tuer et dont la piqûre est toujours mortelle, au dire de Victor de Vite, ne leur firent aucun mal.

Abbé Vincent Serralda