Sur les traces de l'Ordre
perdu des Cisterciens d'Algérie
*****En cette année
1998, la Bourgogne célèbre le 900e anniversaire de la fondation
de l'Ordre de Citeaux. Evènement sans précédent dans
l'histoire de la vie cistercienne plus de 700 moines et moniales (10.000
en tout) sont venus du monde entier.
*****Dans une plaine
marécageuse, où poussaient seulement des roseaux (les cistels)
qui donnèrent leur nom à Cîteaux, vingt et un moines
quittent l'abbaye de Molesme en Bourgogne pour fonder un nouveau monastère
le 21 mars 1098, jour de la Saint-Benoît dans un petit domaine de
la forêt de Cîteaux. Ils souhaitaient y vivre plus strictement
la règle de Saint-Benoît, retrouver un idéal de pauvreté
et de simplicité.
*****L'an de grâce
1843, le jour de l'exaltation de la Sainte-Croix (14 septembre) l'aventure
des Cîteaux recommençait en Afrique un groupe de douze moines
de Notre Dame d'Aiguebelle dans la Drôme (fondée en 1137
dans la filiation de Cîteaux), conduits par le père François-Régis
posaient la première pierre, ils posaient la première pierre
du premier monastère cistercien au nord du Sahara.
*****Le père
abbé fondateur, Dom Orsise avait souhaité implanter cette
abbaye àHippone, pour placer son rayonnement futur sous le patronage
de St Augustin. Le Général Bugeaud, Gouverneur d'Algérie,
ne retint pas le projet car Hippone était trop loin d'Alger.
*****La Trappe
d'Afrique où Notre-Dame de Staouèli de l'ordre cistercien
de la stricte observance (trappistes) a été édifiée
à l'emplacement de Staouèli "la terre des Saints"
qui suivit le débarquement de Sidi
Ferruch à 17 km à l'Ouest d'Alger le 14 Juin
1830, dont le site est dominé par un marabout vénéré,
sur une concession de 1020 hectares.
*****Monseigneur
Dupuch, premier évêque d'Alger bénissait
la première pierre de Notre Dame de Staouèli, en présence
du maréchal Bugeaud le 14Septembre 1843. C'est le 20Août
1843 que le père François Régis prend possession
officiellement de la concession couverte d'épineuses broussailles,
d'un sol aride, desséché, envahie par les palmiers nains
et infestée de bêtes sauvages. L'impression de chaos naturel,
d'hostilité de la végétation resurgit pour faire
apparaître, en contraste l'héroïsme des pionniers.
*****Dans
un rapport au gouvernement, le maréchal
Bugeaud ne craignait pas d'écrire "Les
trappistes, je les ai adoptés comme des enfants très intéressants
de la grande famille coloniale et j'ai pris la résolution de les
faire réussir, malgré toutes les difficultés...".
Depuis, on sait comment, en dépit de tous les obstacles, les religieux
laboureurs contemplatifs parvinrent à fertiliser ce coin d'Algérie,
qui devint rapidement un centre très vivant de rayonnement spirituel
et de bienfaits matériels.
*****Le bâtiment
fut consacré le 30 août 1845 et érigé en Abbaye
l'année suivante, avec pour prieur Dom François Régis.
En 1848, il y avait déjà plus de 100 pères trappistes
qui mettaient en valeur une importante propriété agricole.
*****Dans
la cour de l'abbaye, au milieu d'un bouquet de 10 palmiers était
édifiée une croix rapidement remplacée par une statue
de la vierge, en effet, les chrétiens d'Algérie vouaient
un culte à Marie. Celle-ci devint un lieu de pèlerinage
très fréquenté, y compris par des pèlerins
venant d'Europe. Les guides de l'époque précisent que le
frère concierge vendait aux visiteurs des médailles et des
chapelets (où l'on retrouve la croix, la vierge, les palmiers et
l'inscription N.D. de Staouéli, priez PN. Et les Musulmans.
*****Le maréchal
Bugeaud "voulut encore essayer de la colonisation
(au sens propre du terme, donc Romain) par la main des moines".
C'était des religieux qui crurent possible de faire venir en Algérie,
sous la Monarchie de juillet et le Second Empire, une partie des 100.000
enfants trouvés. dénombrés en Métropole. il
y a eu d'autres établissements religieux ce fut donc aussi une
"colonisation", donc civilisation d'inspiration religieuse.
*****Les pertes
en vies humaines furent très lourdes à Staouéli.
Puisant leurs forces dans une vie monastique exigeante et dans la devise
de Staouèli "ENSE CRUCE ET ARATRO" (Par l'Epée
Par la Croix et Par la Charme). Ces trois leviers avec lesquels ont peut
lever le monde.: "Il y a autant de courage à s'exposer aux
maladies mortelles qu'entraîne la culture des terres qu'à
s'exposer devant l'ennemi", Annales de Staouèli-1862. ils
réussirent difficilement à maîtriser la situation
dans un pays alors malsain. Renforcés constamment par de nouveaux
essaims envoyés par les monastères d'Aiguebeile de la Melleray
(Loire-Atlantique) et de Bellefontaine (Maine-et-Loire) ils réalisèrent
une exploitation qui fut alors saluée comme une mise en valeur
exceptionnelle du pays selon la tradition cistercienne du Moyen Age. 450
hectares de vignobles, 25 hectares d'agrumes, 30 hectares plantés
de géraniums, un ensemble complexe de technologies adaptées
aux potentialités économiques de la région ne représentent
qu'une partie du palmarès.
*****Sans
rien concéder de l'idéal de vie contemplative, l'abbaye
Notre Dame de Staouèli a contribué à la croissance
de l'église dans cette partie de l'Afrique du Nord en puisant dans
les fruits de sa production. Le monastère a construit, en effet,
plusieurs petites églises, des écoles, des dispensaires.
Il subventionnait les oeuvres du clergé et venait en aide aux plus
défavorisés.
*****Ainsi
le Monastère, sa ferme modèle et ses industries servirent
les intérêts tant spirituels que matériels de ce pays
neuf, organisé " Ense Et Ratro " (avec l'épée
et la charrue) par le Maréchal Bugeaud et ses soldats, mais éduqué
" Cruse EtAratro " (avec la croix et la charrue) par Dom François
Régis et ses moines c'est la première page, et combien glorieuse,
de l'histoire de l'action missionnaire des Trappistes au XlXe siècle.
*****Napoléon
III honora de sa visite le monastère alors si plein de promesses
pour l'avenir.
*****En 1854
Dom François Régis fut nommé Procureur Général
des Trappistes à Rome. Le père François Régis
voulait planter sa tente en missionnaire. La croix qu'il allait montrer
aux Arabes était soutenue par ses deux filles aînées
: la prière et l'aumône (2 piliers de l'Islam).
*****Cette
fondation peut être considérée à la fois comme
une création exemplaire du point de vue monastique et comme une
sorte de vivante démonstration de ce que l'Occident peut prodiguer
à ceux qui ayant cessé d'être des Arabes fanatiques
ou extrémistes sont devenus des citoyens ou des indigènes,
au cours de l'administration française.
*****Cette
création résulte en effet des efforts de l'alliance, de
la coopération des religieux, de la population (toutes religions
et ethnies confondues) des pouvoirs civils, militaires. Ces derniers ne
passaient pas devant le monastère sans s'incliner profondément.
C'était pour eux " la Sainte Maison " des hommes de la
prière et de la pénitence. Plusieurs d'entre eux furent
baptisés dans l'église du monastère et quelques-uns
demandèrent même à faire l'essai de la vie religieuse
résultats très appréciables si on songe qu'ils étaient
obtenus en plein pays musulman toujours défiant sinon hostile et
méprisant à l'égard du christianisme, qu'ils voyaient
si peu ou si mal pratiqué.
*****1904
: séparation de l'Eglise et de l'Etat français. En métropole,
c'était la période confuse et dramatique des inventaires
et des expulsions. Bien qu'ils ne fussent pas réellement menacés,
les moines de Staouéli n'eurent pas confiance et votaient au "
chapitre ", la liquidation de leur abbaye et de vente de la propriété
avec tous ses équipements, pour échapper à l'éventualité
d'une expulsion et d'une confiscation. Acte dressé le 21 octobre
1904 au profit des " Messieurs Lucien Jules et Charles Borgeaud citoyens
suisses ". La famille Borgeaud (française ensuite) une des
plus riches d'Algérie, alliée plus tard aux Savary, a joué
un rôle croissant dans l'histoire de l'Algérie de 1904 à
1962.
*****Dans le désarroi
et la confusion, les moines se réfugiaient en Italie à Maguzzano
au monastère de Sainte Marie. Maguzzano s'élève sur
une légère éminence à un kilomètre
environ de la rive Sud Ouest du Lac de Garde, qu'il domine de 75 m. il
s'ensuivit une longue interruption (30 ans) de la présence monastique
en Afrique du Nord. il ne reste plus que leur souvenir demeuré
très cher au cur des "Algériens" toutes
confessions et ethnies confondues, qui avaient pour la Trappe de Staouèli
une profonde affection.
*****En mars
1934, les survivants de Staouèli ont salué avec émotion
de généreux confrères de Notre-Dame de la Délivrance
(Fondation en Yougoslavie du Monastère Français de Notre-Dame
des Dombes) qui s'en allaient reprendre et continuer leur oeuvre interrompue
par la tourmente étatique de 1904. Grâce aux fondateurs de
Notre-Dame de l'Atlas, accueillis avec enthousiasme par les missionnaires
et le clergé de l'Algérie française.
*****Notre-Dame
de l'Atlas fut fondée en 1934 parle Révérend Père
Dom Placide Abbé de N.D. de la Délivrance à Rajhenburg
en Slovénie. Anticipant son expulsion la communauté recherche
un refuge afin de limiter les persécutions communistes et les affrontements
préludes à la guerre civile espagnole (1936) et à
la 2è guerre mondiale sans oublier l'invasion de la Pologne etc...
*****Cinq
moines partent donc de Yougoslavie (3 pères et 2 frères
Convers) pour l'Algérie, le 7 mars 1934. Ils saluèrent en
passant leurs confrères de N.D. De Maguzzano. Nouvelle halte à
N.D. Des Dombes, la maison mère. Puis à N.D. D'Aiguebelle
qui se trouve sur la route. Partout le plus cordial et fraternel accueil,
partout de bons encouragements. Ils ont quitté Aiguebelle le 17
mars 1934 pour jeter les bases de la fondation "Algérienne".
Enfin nos voyageurs après une assez bonne traversée, arrivèrent
au fort d'Alger, le 20 mars au matin.
*****Accueil
religieux officiel et cordial, une visite à N.D.
d'Afrique, première messe, généreuse hospitalité
des Pères Blancs jusqu'au 23 mars.
*****Ils se
sont d'abord installés aux Ouled-Triff à Tettery au pied
de l'Atlas, dans une demeure fort exiguë et très incommode
où l'eau ( ressource indispensable) manquait totalement. Ils ont
quitté cet endroit inhospitalier et sont descendus à Ben-Chicao
où ils ont trouvé une vaste propriété et de
grands bâtiments, qui auraient pu donner asile à une très
nombreuse communauté, Ils furent bientôt 15.
*****Malheureusement,
la propriété appartenait à l'Assistance Publique
et par ce fait était inaliénable. Ils n'étaient même
pas locataires. Il fallut chercher autre chose gour la fondation définitive.
Les recherches des pères aidés par des amis dévoués
leur firent découvrir le beau domaine de Tib- Harine (le refuge
N.D. de la Délivrance), avec sources abondantes et terres irrigables,
à 70 km d'Alger avec une grande maison et une ferme dans un site
de montagne remarquable à 1100 m. d'altitude, où un clocheton
dominait les habitations comme un signe de la divine providence à
fonder là, le monastère désiré au pied des
Monts de l'Atlas (dans la filiation de N.D. d'Aiguebelle) à 7 km
de la petite ville de Médéa. Tib-Harine qui signifie "les
jardins" loin de tout village important était idéal
aussi pour leur solitude monastique, sur un domaine de 400 ha. On cultive
des arbres fruitiers des pays tempérés pommiers, poiriers,
pêchers, abricotiers, pruniers, etc... la vigne pousse à
merveille et donne un vin de première qualité.
*****On installe
l'ancienne propriété de Staouèli en laquelle le passé
se trouve relié au présent.
*****La contrée
est peuplée en majeure partie d'Arabes tous agriculteurs menant
une vie très primitive et pauvre par manque de motivation et d'organisation.
Ici tout est pour ainsi dire à créer et un champ immense
de labeur s'ouvre à l'action des moines. Ces peuples courbés
depuis des siècles sous le joug musulman, rebelles en général
à l'action du missionnaire ne peuvent être gagnés
que par l'action de la prière, du sacrifice, du bon exemple, des
oeuvres de charité.
*****Mais
la situation s'arrange en Yougoslavie, aussi le Révérend
Père Abbé Dom Placide ne pouvant diviser sa communauté
trop petite et n'ayant pas les fonds nécessaires pour acheter le
domaine, jugea qu'il ne restait plus qu'une solution possible si l'on
ne voulait pas abandonner Tib-Harine et ses incomparables avantages C'était
de le confier à une autre abbaye du même Ordre qui en aurait
la charge la fondation nouvelle des Cisterciens en Algérie. Dom
Placide montra en cette circonstance toute
sa grandeur d'âme et son surnaturel désintéressement
en rencontrant le Révérend Père abbé de l'abbaye
d'Aiguebelle, Dom Bernard, et en lui offrant de continuer sa fondation,
il accepta sans tarder, envoya certains de ses moines (convers) en renfort,
des moines d'Aiguebelle, de Belle-fontaine, de Melleray et des anciens
de Staouèli. Il acheta le domaine dont les locaux furent rapidement
aménagés pour recevoir la communauté.
*****La grande
croix de la fondation fut érigée dans le préau le
7 mars 1938 en la fête des Saintes Perpétue et Félicité
et leurs compagnons martyrs berbères, à Carthage en l'an
203.
*****A l'alerte
de 1938, notre Révérend Supérieur Dom Robert, jeune
encore, fut mobilisé aux Spahis de Médéa. il obtenait
facilement l'autorisation de venir chaque soir passer la nuit au monastère
pour assister aux matines. Mais bientôt, il fut rendu à la
communauté.
*****Comme
tout le monde, ils ont eu à supporter la mobilisation de plusieurs
membres de la communauté, certaines réquisitions et enfin
quelques restrictions. A la déclaration de guerre, deux religieux
prêtres furent mobilisés. Père Anselme, lieutenant,
tué à l'ennemi, décoré de la Croix de Guerre
et ensuite à titre posthume, de la Légion d'Honneur.
*****Père
Edmond, infirmier, qui à la deuxième phase de la guerre
fut nommé aumônier militaire et fit à ce titre les
campagnes d'Algérie, d'Italie, de France et d'Allemagne. Il fut
blessé en Italie.
*****Trois
"oblats" furent mobilisés, l'un est resté au noviciat
de N.D. d'Aiguebelle, les deux autres ne sont pas rentrés.
L'Hôtellerie avait été offerte, sur sa demande, à
la Croix Rouge.
Après l'indépendance, neuf moines ont continué cette
vie cistercienne consacrée au service humble de Dieu et au travail
agricole au milieu d'une population musulmane aimée et respectée
dans leur foi et leur cheminement spirituel, il ne leur restait que 14
hectares de terrain, "donnant" 360 hectares, à la réforme
agraire ?
*****Ils ont
tissé des liens avec la population en travaillant au défrichage
de la terre, au creusement de puits, en coopérative avec les fermiers
voisins. A Tib-Harine (Thibhirie après l'indépendance) les
moines parvinrent à gagner le respect et la sympathie des Arabes.
L'Arabe religieux par nature, respecte l'homme qui prie, à quelque
culte qu'il appartienne.
*****Depuis
le mois de mai 1994, quinze prêtres, religieux et religieuses ont
été assassinés.
*****Dans
la nuit du 26 mars 1996 (date prémonitoire) sept moines (six d'Atlas,
plus le père Bruno, supérieur d'une communauté Cistercienne
de Fès au Maroc) sont enlevés. S'en échappent père
Jean-Pierre et père Amédée.
*****Un groupe
armé se présente chez le jeune gardien qui vit avec sa famille
à l'entrée du monastère. Ils disent qu'ils ont besoin
de Frère Luc, le médecin. ils cassent les vitres et entrent
par effraction. Père Christian refuse de laisser partir Frère
Luc, en raison de son grand âge (82 ans).
*****On emmène
Frère Luc, mais aussi tous les membres de la communauté
qu'on trouve (déjà menacés, il y a 2 ans.) Père
Amédée et Père Jean-Pierre se rendent compte qu'ils
sont seuls dans la maison. Une demi-heure plus tard, le jeune gardien
qu'on voulait emmener avec les moines, réussit à s'échapper
dans l'obscurité. Impossible de téléphoner à
la gendarmerie car les lignes sont coupées. Trois prêtres
et neuf religieuses se trouvaient à l'hostellerie mais le groupe
armé ne semble pas s'être rendu compte de leur présence.
Il s'agissait de membres du groupe de dialogue Chrétien Musulman,
qui n'avait pas pu se réunir depuis très longtemps à
cause du danger.
Père Jean-Pierre et Père Amédée se rendirent
à la mosquée, pour prévenir les gens au moment de
la prière. Personne ne vint à la prière ce matin-là.
Il semble que les gens ont peur. Sur la route, on trouve un sac avec la
coule de frère Michel, on prévient la police de Médéa
qui commence son enquête, dont on attend encore les résultats.
On prévient Monseigneur Teissier Archevêque d'Alger, grand
ami du monastère.
Ils seront retrouvés deux mois plus tard, assassinés le
21 mai 1996... 7 frères cisterciens au cur pur ont donné
leur vie, immolés par les nouveaux barbaresques, au nom du Dieu
unique. Nous pouvons dire que depuis le 19 mars et le 3 juillet 1962,
la "Berbérie" retourne à la "Régence"
et au "Paganisme". Le Prophète n'a-t-il pas dit "il
existe d'autres Prophètes... Sidna Aîssa" ( Jésus
) lequel n'est certes pas reconnu comme Fils de Dieu. Sa mère Lalla
Meyriem (Marie) vénérée par les musulmans.
Leur enveloppe corporelle est devenue poussière d'Afrique, elle
est partie rejoindre celle des bâtisseurs d'empires, celle des Romains,
Saint-Augustin, sa mère Sainte Monique et tous nos saints et Empereurs
Berbères d'AEN.
Sept hommes de Dieu au sein d'une population très pauvre, dans
une région dangereuse, malgré les menaces, l'insécurité,
ils avaient choisi "nous voulons rester porteurs d'un message d'espérance".
C'est cela la Fidélité à une vocation, à l'appel
de Dieu, entendue aux heures de leur jeunesse... Bien sûr la prudence,
les conseils pressants des autorités françaises les invitaient
à retrouver la douceur du sol de France, l'horizon clair de leur
monastère... Ils ont dit non.
Nous resterons, nous partagerons jusqu'au bout la vie
de ceux parmi lesquels nous avons voulu être des témoins
de l'amour. Les moines ont toujours refusé la protection de l'armée
et observent une très grande neutralité face aux événements
ce fut leur attitude durant la "guerre d'Algérie", (de
1954 à 1962, ils étaient 8270 français
mono-nationaux). Et ils sont restés... et ils sont morts d'une
mort révélant l'atroce barbarie de leurs assassins. Ils
sont morts d'avoir trop aimé... Ce massacre est une injure faite
à l'Islam.
Ils savaient très bien à quoi ils s'exposaient en restant
obstinément là-bas. Ils passaient leurs jours à assister
les plus démunis, à soigner sans distinction aucune, le
paysan du coin, ou le rebelle en armes.
Des justes, dans la pleine acception du terme. C'étaient des religieux
très ordinaires en somme trop ordinaires. Ils l'étaient
tellement qu'ici on ne soupçonnait même pas leur présence
en Algérie avant leur enlèvement et que l'on n'envisageait
pas leur possible destin tragique après. C'est fait et l'émotion
a aussitôt réveillé et submergé les médias.
Il y avait enfin matière à illustrer le drame.
*****Désormais,
ils ont besoin de silence et de recueillement.
*****Les fleurs
sauvages ont envahi le monastère de Tibhirine, et les villageois
l'entretiennent en attendant des jours meilleurs.
Aujourd'hui à Citeaux - à St Nicolas les Citeaux - petit
village de Bourgogne en Côte d'Or, à proximité de
Dijon subsiste l'âme et quintessence d'un passé prestigieux,
c'est surtout le cur de l'ordre. L'Abbaye fut victime des ravages
de la Révolution Française La fureur des hommes a tout de
même épargné de nombreux bâtiments. La restauration
a joué son rôle ainsi que le travail acharné et assidu
des "moines paysans" et la vente de leurs excellents produits.
*****En effet
depuis 1898, une communauté dynamique a pris en main le destin
de l'Ordre. Cette fin de siècle est une véritable renaissance
pour Cîteaux.
*****En ce
printemps 1998, flotte parfois à Cîteaux comme un air de
nostalgie. Ces jours-là peut-être, les âmes apaisées
de ces pauvres moines assassinés, viennent en pèlerinage.
*****Sept
vies de trappistes venus de tous les horizons, viscéralement attachés
à l'Algérie où ils étaient installés
depuis plus ou moins longtemps et à son peuple, les sept moines
cisterciens sont allés jusqu'au bout de leur engagement: Dom Christian-Marie
de Chergé (né à Alger), Luc Dochier, Célestin
Ringeard, Michel Fleury, Bruno Lemarchand, Christophe Lebreton, Paul Favre
Miville.
*****En 1959 fut
dressée une Vierge provenant de Lourdes "Notre-Dame de la
Paix" sur le rocher Sidi-M'cid sur le lieu dit Tib-Harine, couronnée
d'étoiles, le pied posé sur le croissant de lune.
*****La Vierge
domine.., toujours... dans son trigone (formant un angle protecteur),
les yeux fixés sur l'intérieur du continent. Aucun mort,
aucun blessé fut déploré dans ce faisceau, pendant
les "événements" d'Algérie.
Raymond Perez
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