Le début des attentats
contre les Juifs
Cependant, un article signé " Un groupe de Juifs algériens
" approuve l'Appel de la Soummam et les perspectives politiques qu'il
ouvre, et condamne avec force la politique de reconquête coloniale
dite de " pacification " Un groupe de Juifs constantinois proclame,
à la suite de l'explosion de deux bombes : " Musulmans et
Juifs, fils d'une même terre, n'ont pas à tomber dans le
piège de la provocation. " En revanche, ils se doivent de
faire front contre elle. " Ne pas se laisser duper par ceux qui,
il n'y a pas si longtemps, envisageaient avec désinvolture l'anéantissement
total des Juifs comme une étape salutaire de l'évolution
de l'humanité. " Des Juifs d'Algérie résidant
au Maroc envoient à l'ONU, avant un débat de l'assemblée
générale portant sur le problème algérien,
un télégramme de solidarité avec le FLN.
Mais toutes ces manifestations sont anonymes. Elles ne représentent
que des réactions minoritaires de Juifs d'Algérie. Dans
leur immense majorité, ceux qui rejoignent les rangs du FLN appartiennent
au parti communiste algérien. Cependant, dans le Sud Oranais, parmi
ceux qu'arrête en 1958 l'armée française se trouvent
des Juifs qu'Henri Chemouilli appelle " les fellaghas juifs ".
Ce sont des Juifs nomades, vivant avec les Musulmans sous la tente, relevant
seulement de la loi de Moïse (...) Dina de malkhouta dina (la loi
du pays est la loi). Ma tribu fait la guerre à la France, avec
elle, je fais la guerre aux Français."À partir de la
fin de 1959, les appels lancés par le FLN aux Juifs se font plus
rares, dès 1960, il ne les sollicite pratiquement plus ayant alors
la certitude que l'Algérie sera indépendante, il n'a plus
besoin d'eux. En février 1960, il proclame "Vous êtes
partie intégrante du peuple algérien il ne s'agit pas pour
vous de choisir entre la France et l'Algérie, mais de devenir des
citoyens effectifs de votre véritable pays."
Le 29janvier 1961, El Moudjahid déclare que les israélites
d'Algérie ne sont pas "des envahisseurs coloniaux, qu'ils
ont leur place dans une Algérie indépendante". En juillet,
Krini Belkacem nuance : " Ce sont des autochtones, mais nous n'obligerons
personne à se prononcer dans un sens ou dans un autre. "
La position de Ferhat Abbas, président du Gouvernement provisoire
de la république algérienne (GPRA), est claire. Les Juifs
d'Algérie sont français, il faut partir de là. Le
17 février 1960, il déclare "L'Algérie est aux
Algériens, à tous les Algériens, quelle que soit
leur origine (...)" Un porte-parole du GPRA affirme que le "
gouvernement de Ferhat Abbas, quand il assumera le pouvoir en Algérie,
n'autorisera pas l'émigration juive et retirera aux Juifs leur
nationalité française. " Au début de 1962, le
FLN, inquiet de l'emprise de l'OAS sur la population européenne,
adresse son dernier tract aux Juifs d'Algérie :"Allez-vous,
aujourd'hui, vous faire les complices de ces colonialistes rétrogrades
en vous dressant contre vos frères algériens d'origine musulmane
? Nous nous refusons à le croire, parce que vous connaissez tous
l'antisémitisme des activistes et des factieux d'Algérie.
Vous savez bien que ces groupes de fascistes sont animés par d'ex-légionnaires,
anciens nazis et une poignée d'ex-officiers, battus sur le terrain
par l'Armée de libération nationale. "
La " révolution algérienne " adopte à l'égard
des Juifs une politique verbalement antiraciste. Pourtant, le FLN tue
des Juifs, et ses actions empêchent toute cohabitation future. En
juillet 1955, le rabbin de Batna est agressé. Le 20 août
1955, les Juifs constantinois sont traumatisés par le massacre
d'une famille juive connue, en route pour le week-end. On se demande dans
la communauté si on peut défendre de tels assassins. Un
samedi de mai 1956, des grenades sont lancées à Constantine
contre des cafés israélites. Des Juifs ripostent. En juin,
la synagogue d'Orléanville est incendiée ; en novembre,
une bombe tue dans sa maison, le rabbin Isaac Aziza de Nedromah et plusieurs
membres de sa famille.
En janvier 1957, des attentats, à Nedromah à nouveau, font
sept morts dont trois enfants en mars, le rabbin Chékroun de Médéa
est tué près de la synagogue ; en mai, des grenades sont
jetées dans le quartier juif de Constantine ; le même mois,
une bombe explose au Casino de la Corniche, à Alger, rendez-vous
de la jeunesse juive. Elle fait de nombreuses victimes. Lors de leurs
obsèques, des musulmans sont pris à partie dans les rues
européennes et lynchés. Des Algérois juifs cachent
alors des musulmans, les sauvant parfois de la foule. En juillet, c'est
autour du quartier juif d'Oran de subir des attentats dont les auteurs
sont pris et lynchés ; en août, dans la basse Casbah d'Alger,
David Chiche est arrosé d'essence par un groupe de musulmans :
une allumette et il meurt carbonisé. Le même mois, à
Bône, des personnalités juives sont menacées et agressées.
La peur s'empare de la communauté et des Juifs abandonnent les
villages où ils avaient toujours vécu.
(à suivre)
Richard Ayoun
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