-Le début des attentats contre les Juifs
"Pieds-Noirs d'hier et d'aujourd'hui juillet/aout 99 n°103, p31"

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Le début des attentats contre les Juifs


Cependant, un article signé " Un groupe de Juifs algériens " approuve l'Appel de la Soummam et les perspectives politiques qu'il ouvre, et condamne avec force la politique de reconquête coloniale dite de " pacification " Un groupe de Juifs constantinois proclame, à la suite de l'explosion de deux bombes : " Musulmans et Juifs, fils d'une même terre, n'ont pas à tomber dans le piège de la provocation. " En revanche, ils se doivent de faire front contre elle. " Ne pas se laisser duper par ceux qui, il n'y a pas si longtemps, envisageaient avec désinvolture l'anéantissement total des Juifs comme une étape salutaire de l'évolution de l'humanité. " Des Juifs d'Algérie résidant au Maroc envoient à l'ONU, avant un débat de l'assemblée générale portant sur le problème algérien, un télégramme de solidarité avec le FLN.
Mais toutes ces manifestations sont anonymes. Elles ne représentent que des réactions minoritaires de Juifs d'Algérie. Dans leur immense majorité, ceux qui rejoignent les rangs du FLN appartiennent au parti communiste algérien. Cependant, dans le Sud Oranais, parmi ceux qu'arrête en 1958 l'armée française se trouvent des Juifs qu'Henri Chemouilli appelle " les fellaghas juifs ". Ce sont des Juifs nomades, vivant avec les Musulmans sous la tente, relevant seulement de la loi de Moïse (...) Dina de malkhouta dina (la loi du pays est la loi). Ma tribu fait la guerre à la France, avec elle, je fais la guerre aux Français."À partir de la fin de 1959, les appels lancés par le FLN aux Juifs se font plus rares, dès 1960, il ne les sollicite pratiquement plus ayant alors la certitude que l'Algérie sera indépendante, il n'a plus besoin d'eux. En février 1960, il proclame "Vous êtes partie intégrante du peuple algérien il ne s'agit pas pour vous de choisir entre la France et l'Algérie, mais de devenir des citoyens effectifs de votre véritable pays."
Le 29janvier 1961, El Moudjahid déclare que les israélites d'Algérie ne sont pas "des envahisseurs coloniaux, qu'ils ont leur place dans une Algérie indépendante". En juillet, Krini Belkacem nuance : " Ce sont des autochtones, mais nous n'obligerons personne à se prononcer dans un sens ou dans un autre. "
La position de Ferhat Abbas, président du Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA), est claire. Les Juifs d'Algérie sont français, il faut partir de là. Le 17 février 1960, il déclare "L'Algérie est aux Algériens, à tous les Algériens, quelle que soit leur origine (...)" Un porte-parole du GPRA affirme que le " gouvernement de Ferhat Abbas, quand il assumera le pouvoir en Algérie, n'autorisera pas l'émigration juive et retirera aux Juifs leur nationalité française. " Au début de 1962, le FLN, inquiet de l'emprise de l'OAS sur la population européenne, adresse son dernier tract aux Juifs d'Algérie :"Allez-vous, aujourd'hui, vous faire les complices de ces colonialistes rétrogrades en vous dressant contre vos frères algériens d'origine musulmane ? Nous nous refusons à le croire, parce que vous connaissez tous l'antisémitisme des activistes et des factieux d'Algérie. Vous savez bien que ces groupes de fascistes sont animés par d'ex-légionnaires, anciens nazis et une poignée d'ex-officiers, battus sur le terrain par l'Armée de libération nationale. "
La " révolution algérienne " adopte à l'égard des Juifs une politique verbalement antiraciste. Pourtant, le FLN tue des Juifs, et ses actions empêchent toute cohabitation future. En juillet 1955, le rabbin de Batna est agressé. Le 20 août 1955, les Juifs constantinois sont traumatisés par le massacre d'une famille juive connue, en route pour le week-end. On se demande dans la communauté si on peut défendre de tels assassins. Un samedi de mai 1956, des grenades sont lancées à Constantine contre des cafés israélites. Des Juifs ripostent. En juin, la synagogue d'Orléanville est incendiée ; en novembre, une bombe tue dans sa maison, le rabbin Isaac Aziza de Nedromah et plusieurs membres de sa famille.
En janvier 1957, des attentats, à Nedromah à nouveau, font sept morts dont trois enfants en mars, le rabbin Chékroun de Médéa est tué près de la synagogue ; en mai, des grenades sont jetées dans le quartier juif de Constantine ; le même mois, une bombe explose au Casino de la Corniche, à Alger, rendez-vous de la jeunesse juive. Elle fait de nombreuses victimes. Lors de leurs obsèques, des musulmans sont pris à partie dans les rues européennes et lynchés. Des Algérois juifs cachent alors des musulmans, les sauvant parfois de la foule. En juillet, c'est autour du quartier juif d'Oran de subir des attentats dont les auteurs sont pris et lynchés ; en août, dans la basse Casbah d'Alger, David Chiche est arrosé d'essence par un groupe de musulmans : une allumette et il meurt carbonisé. Le même mois, à Bône, des personnalités juives sont menacées et agressées. La peur s'empare de la communauté et des Juifs abandonnent les villages où ils avaient toujours vécu.

(à suivre)
Richard Ayoun