-----Je me souviens
de cette propriété appartenant à mr De Quillacq.
Des champs de vigne à perte de vue,de l'allée de caroubiers
qui menait à la route, des figues de Barbarie ( roulées
sur le sol avant d'être épluchées). Je revois le bassin
, ses grenouilles et son éolienne à norias.
-----La rivière qui traversait la propriété
à environ1 km de la maison était un endroit attractif. Nous
nous cachions sous les arcades du petit pont de 4 à 5 m qui l'enjambait.
Rivière ou ru ? Combien de fois avons-nous percé le cul
d'une bouteille qui plongée dans les quelques centimètres
d'eau devaient nous apportait la pêche miraculeuse ! Il était
bon de patauger, chaussé de bottes...
-----Souvenirs aussi les fossiles d'huîtres, le marabout
sous son bosquet d'eucalyptus, les eucalyptus à foison, les mimosas,
les orangers, citronniers, néfliers.Des potagers regorgeant de
légumes les plus variés.Du goût des tomates cueillies
à la fraîche, des balades en char à bancs , je tenais
parfois les rênes.Des raisins grignotés sur place. Des poireaux
sauvages. Des chevaux que je harnachais parfois. Des caves avec leurs
cuves gigantesques, de l'odeur du moût, de la cuve remplie d'un
liquide bleu : le sulfate de cuivre. Des jours de chasse où je
parcourais la campagne avec pépé. Des olives vertes que
ma grand-mère fendait sur une pierre avant de les mettre dans la
saumure. Des "Kiki" les cochons ( il y eut ainsi, comme les
rois, Kiki 1 , Kiki 2, etc...qui terminèrent non guillotinés
mais égorgés) qui devenaient saucisses, boudins, soubressades,
graisse (délicieuse, étalée sur du pain avec du sel
ou du sucre), jambons noyés dans le sel ( que l'on entamaient ,
rituellement et religieusement, à Pentecôte) ....
-----Le bassin, cité plus haut, servait à l'irrigation
des potagers : le potager des employés essentiellement arabes,
celui de mes grands-parents, celui de mme Morla, ceux des patrons, celui
près du "Château", ...Oui, la demeure centrale
était une grande bâtisse ressemblant à un château...C'était
un plaisir d'observer mon mahonnais de pépé de fermer et
d'ouvrir avec une binette les différentes rigoles où l'eau
passait pour arroser légumes, fleurs..Je poursuivais l'eau de son
départ à son arrivée. L'eau n'était pas gâchée
mais bien gérée.
----- Espaces infinis de liberté :
je ne raconterai pas les bêtises que j'ai pu faire surtout quand
mon cousin Philippe venait ...Espaces infinis de sensations, d'odeurs,
de sons. J'étais dehors, du matin au soir, explorant les coins
et recoins sans personne sur le dos...Surveillance attentive et discrète..
Jamais conscience du danger...J'en ai fait des armes, des outils...Promenades
sous la pluie...Promenades sous le soleil ( bien plus nombreuses)...Escalades
des bottes de foin...Parcours sous les toits aux charpentes vermoulues
pour dénicher les pigeons (ça, c'était risqué
! j'aurais pu passer au travers, ...mais râté!))
-----Souvenirs. Il y avait, parmi les indigènes, "Mouïa",
sorte de contre-maître, "Moustique", "Bourracho",
toujours avec son sourire à deux chicots. Tout ce monde semblait
vivre en bonne entente. Et puis le garçon d'écurie, Ali?,
qui s'était égorgé avec son couteau (refus de nous
"attaquer"?).
-----Souvenirs; La saison des vendanges. Ils étaient très
nombreux à "descendre de la montagne" , c'est que la
superficie le réclamait.Le matin, je partais parfois avec pépé
à la boulangerie de Réghaïa, en char à bancs
ou calèche, pour chercher le pain des "hommes". De gros
gros pains. À midi ?, c'était la distribution. Les vendangeurs,
en file, se présentaient devant la maison. Pépé ou
Claude distribuaient les pains et inscrivaient une barre au crayon dans
un cahier. A la fin de la semaine, c'était la paye. Chaque ouvrier
recevait son salaire défalqué du prix du pain. Dans la journée,
nous parcourions les vignes où pépé surveillait l'avancement
de la cueillette : les grandes hottes, le va-et-vient des tombereaux,
le raisin dans l'immense "moulinette", le jus , le bouillement,
la surveillance des thermomètres, des alcoolmètres?, l'odeur
entêtante...Je circulais au milieu de tout ça.
-----La grande
(ou les? il devait y en avoir deux, non?) cuve, à l'extérieur
de la cave, remplis d'une eau bleue. Mais bleue de sulfate de cuivre.
Pour sulfater la vigne. N'aurait pas fait bon d'y chuter.
-----Souvenirs. Vu l'espace libre, mes premiers essais de conduite
avec la Dauphine. Essais non concluants !!! J'arrivais mieux avec les
charrettes !!!
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