Service radiophonique public France-Algérie
" Allô, Allô,
Paris, Alger vous appelle, vous écoute et vous entend ".
Depuis quelques semaines, bien des amateurs, entraînés
à la pratique des ondes courtes, ont entendu ces phrases et adressé
aux stations d'émission leurs félicitations pour la qualité
et la stabilité de la parole entendue ; qu'ils se hâtent
de profiter de cette aubaine, car bientôt sur le même réglage,
ils n'entendront plus que des sifflements et bruits incompréhensibles,
sauf bien entendu pour leur destinataire. En voici la raison :
Ce qu'ils ont entendu constituait les premiers essais de contact entre
les stations terminales en France et en Algérie de la nouvelle
voie radiophonique entre les abonnés au téléphone
de France et ceux d'Algérie.
L'Administration Algérienne des Postes et Télégraphes
d'une part et celle de la Métropole d'autre part ont, en effet,
chargé une Société spécialisée dans
la technique radioélectrique de réaliser entre l'Algérie
et la France une voie permettant l'écoulement simultané
et permanent de quatre conversations téléphoniques dans
chaque sens, inintelligibles pour qui ne possède pas des récepteurs
spéciaux et très compliqués, et deux circuits télégraphiques
à grande vitesse.
La Française Radioélectrique (S.F.R.) a été
chargée de cette mission. Rappelons les nombreuses installations
déjà réalisées par cette Société
:
Emetteur " Radio-Alger ", émetteurs "Radio-"
Paris ", " Radio-Toulouse ", Strasbourg, poste Parisien,
Rabat, Saïgon en broadcasting ; les liaisons à grande distance
en télégraphe assurées par la station de Sainte
Assise, les centres radiotélégraphiques de Beyrouth, Saïgon,
Belgrade, Constantinople, etc..
En téléphonie, depuis plusieurs années, fonctionnent
des services publics avec le Maroc, l'Indochine, la République
Argentine équipés par la Société Française
Radioélectrique.
Pour assurer la transmission des ces six circuits simultanés,
la S.F.R. a utilisé son montage de téléphonie secrète
appliqué aux ondes courtes, ondes dont on connaît la stabilité
dans certaines conditions d'emploi.
Ce système est déjà depuis neuf mois exploité
sur la voie beaucoup plus longue et tourmentée Paris-Buenos-
Aires.
Depuis le début de l'année 1932, un ensemble de téléphonie
secrète fonctionne en effet entre Ste-Assise (émetteur
du centre de Paris) et Monté grande (émetteur du centre
de Buenos-Aires).
Simultanément, deux circuits téléphoniques secrets
et un circuit télégraphique fonctionnent entre ces deux
villes et permettent sur une seule onde à deux abonnés
de France de causer avec deux personnes de Buenos-Aires.
Les autres liaisons Maroc et Saïgon sont actuellement effectuées
en clair. Elles peuvent être comprises par des amateurs expérimentés
ou par des stations étrangères et espionnées.
C'est pour cette raison que les liaisons entre l'Algérie et la
France sont rendues secrètes.
La liaison France-Maroc par Rabat est du reste en cours de modifications
pour utiliser également la téléphonie secrète
et multiplex. Vu son trafic moindre, elle ne comportera qu'une voie
téléphonique et une voie télégraphique à
grand rendement sur la même onde.
Fonctionnement de la liaison multiplex et secrète France-Algérie.
L'abonné algérien qui voudra s'entretenir avec un abonné
de France ou de tous pays d'Europe en passant par Paris, sera relié
par les canalisations téléphoniques modernes actuellement
existant en Algérie, à la station centrale de relais de
Belcourt. Là un appareil automatique branchera par câble
souterrain lorsqu'il parlera, l'abonné avec la station d'émission
des Eucalyptus, et lorsque le correspondant répondra, lui renverra
la réponse reçue par Boufarik, ramenée par câble
à Belcourt. Les fréquences des paroles échangées
sont déplacées et modifiées avant la modulation
de l'onde porteuse et rendues inintelligibles pour qui ne posséderait
pas l'outillage très compliqué du récepteur. En
même temps que cet abonné parlera, sur la même onde
émise pourront se superposer une seconde communication téléphonique
également secrète de la part d'un autre abonné
téléphonant en France, et enfin l'émission à
grande vitesse d'un télégramme pour la France.
Les fréquences acoustiques de ces trois communications distinctes
présentent des valeurs différentes mais très voisines,
d'où la difficulté de les séparer les unes des
autres sans utiliser des filtres très précis et calculés
pour les cas particuliers.
L'onde unique portant ces trois spectres de modulation est concentrée
dans un faisceau étroit, par l'antenne directive d'émission
(système Chireix-Mesny) dans la direction de Paris. Elle est
reçue au centre de Noiseau dans la banlieue Est de Paris sur
une antenne dirigée du même modèle que celle d'émission,
braquée sur Alger, et recevant l'onde d'Alger dans les meilleures
conditions sans être gênée par les ondes très
voisines mais venant d'autres directions que celle d'Alger.
Au récepteur de Noiseau, les fréquences toujours inintelligibles
sont séparées les unes des autres, et après avoir
subi les altérations inverses de celles reçues dans l'émetteur,
redeviennent claires et parfaitement intelligibles comme au départ.
La parole rétablie rejoint par câble souterrain la station
relais de la rue des archives à Paris qui l'aiguillera automatiquement
sur la ligne de l'abonné en conversation avec celui d'Alger,
ceci sans avoir d'action sur la ligne de l'émetteur, reliée
cependant à la même ligne de l'abonné français.
Si l'abonné français à son tour répond,
sa voix est automatiquement dirigée sur l'émetteur de
Pontoise ou elle est rendue secrète avant de moduler l'onde porteuse
pour être reçue et retraduite par Boufarik qui, par Belcourt,
l'incorporera clans la ligne de l'abonné algérien sans
agir sur l'émetteur. L'onde de retour peut, elle aussi, comporter
une seconde téléphonie secrète et une télégraphie
dans le sens France-Algérie. La marche des paroles entre les
abonnés des deux pays est représentée sur le graphique
ci-joint indiquant le parcours semi-terrestres et semi-hertzien accompli
par les paroles entre les correspondants.
Le rôle des centraux téléphoniques de Belcourt et
de la rue des Archives à Paris est d'aiguiller alternativement
sur l'abonné, la station émettrice ou la station réceptrice
suivant que cet abonné parle à son correspondant ou l'écoute
parler.
Cet aiguillage automatique et instantané, sans la moindre inertie
permet d'éviter les échos téléphoniques
du correspondant.
Les quatre communications téléphoniques et les deux communications
télégraphiques simultanées sont assurées
par deux émetteurs et deux récepteurs juxtaposés
dans la même salle et rayonnées par deux antennes dirigées
et reçues par deux autres dans chaque sens France-Algérie
et Algérie-France. Les ondes utilisées sont voisines de
25 et 33 m. de longueur.
De cette façon, avec deux ondes seulement dans l'éther,
les mêmes résultats sont obtenus qu'avec six ondes et six
émetteurs, suivant les anciennes méthodes d'exploitation.