Radio-Alger se perfectionne.
L'inauguration du nouvel orchestre et du nouveau Studio.
Le programme des émissions pour 1930-1931.
Nous avons assisté,
mercredi 22 octobre, dans le nouveau studio, à la présentation
du nouvel et grand orchestre symphonique de Radio-Alger aux critiques
musicaux de la presse algérienne.
Le nouvel auditorium est situé dans les locaux du Gouvernement
Général, près de la Salle des Fêtes, rue
Berthezène prolongée.
Les salles réservées au studio, à l'auditorium,
aux amplificateurs microphoniques, au contrôle, au speaker et
à la direction sont beaucoup plus vastes que les précédentes
et spécialement adaptées aux besoins d'une telle organisation.
Les travaux d'installation
ne sont pas encore achevés et, en ce qui concerne l'aménagement
de l'auditorium du grand orchestre, de nombreux essais sont faits sur
l'acoustique, l'emplacement de chaque instrument et l'aménagement
des échos nuisibles.
Grâce à l'activité, à la compétence
et au dévouement des différents services et en particulier
du personnel technique des P. T. T., le changement des lieux s'est effectué
sans arrêter un seul jour les émissions de Radio-Alger.
Pour qui connaît les difficultés d'un tel déménagement,
on ne peut que féliciter chaleureusement les artisans de ce travail
si rapidement réussi.
Interview de M. Hubert Guillet, chef d'orchestre.
Au cours de l'Inauguration précitée, notre curiosité
nous a conduit à solliciter deux interviews qui vont nous permettre
de renseigner les milliers d'auditeurs de Radio-Alger.
Tout d'abord nous avons eu un entretien avec M. Hubert Guillet, le chef
d'orchestre de Radio-Alger. Au préalable nous avions pu nous
procurer les quelques notes biographiques que voici :
M. H. Guillet est né en 1895. A commencé la musique à
5 ans, sous la direction de Mme Guillet, sa mère, organiste à
l'église Saint-Roch, à Paris. Il fut successivement l'élève
de A. Brun et Berthelier, pour le violon, et de A. Tandon, pour l'harmonie.
Après la guerre, organise et dirige un orchestre de 30 musiciens
et donne de nombreux concerts symphoniques Salle Chaptal et Salle du
Journal. En 1920, le maître Inghelbrecht, auquel il doit ses meilleures
connaissances de chef, lui confie la direction de l'" Association
Chorale de Paris ". Sous la direction de M. Guillet. cette association
a prêté son concours à toutes les grandes manifestations
musicales officielles, tant à l'Opéra qu'à la Comédie-Française,
lors du centenaire d'Hernani, ainsi qu'au Trocadéro. Le maître
Gustave Charpentier lui a confié le soin de faire enregistrer,
au printemps dernier, plusieurs de ses uvres,
Enfin, après avoir l'ait partie de l'orchestre de Radio-Paris
et étudié la question orchestre radiophonique, M. Guillet
dirigea de nombreux enregistrements phonographiques.
- Quels sont vos projets pour Radio-Alger, lui avons-nous demandé
?
- Avant tout obtenir une exécution soignée aussi bien
de musique classique que de musique légère. Un nombre
de répétitions suffisant nous le permettra. Essayer, dans
la mesure du possible, de rendre notre orchestre intéressant
pour tous les publics, en créant des émissions en quelque
sorte spécialisées.
- Qu'entendez-vous par cela ?
- C'est-à-dire de la musique pour tous les goûts, par exemple
le lundi (je dis lundi comme je dirai un autre jour) concert réservé
à une musique facile, aimable : petites suites, petits ballets,
mélodies, opérettes. Mercredi, concert classique avec
court commentaire des uvres exécutées. Ceci pour
permettre au public non initié do s'intéresser et de mieux
comprendre. Vendredi, concert consacré à un genre de musique
déterminé : musique russe, allemande, choix d'un auteur
ou toute autre forme de concert, sinon excentrique du moins inédit.
Samedi, une heure de musique très légère et une
heure de danse. Tous les jours, à midi et demi, généralement
musique légère et mélodies connues.
J'ajouterai que ce qui précède n'est pas un programme
absolu, car la direction du poste se tiendra le plus possible en contact
avec les auditeurs et suivra l'opinion des sans-filistes.
Interview de M. Joubert, directeur de Radio-Alger.
Après avoir remercié M. Guillet de son amabilité
nous avons pu trouver M. Joubert, le directeur de Radio-Alger, qui était
cependant très affairé. De fort bonne grâce il nous
consacra quelques minutes. Nous lui avons l'ait subir un véritable
interrogatoire. Abusant de sa gentillesse nous lui avons demandé
:
- Quel est votre programme pour 1930-1931 et quelles sont les améliorations
dont vous allez faire bénéficier les auditeurs ?
- Vous avez entendu notre nouvel orchestre. Il présage déjà
de sérieuses améliorations dans nos émissions.
Sa mise en service se complète d'une série de mesures
propres à donner à Radio-Alger une place prépondérante
dans la radiodiffusion européenne.
Émission sans arrêt de 19 h. à 23 heures.
Tout d'abord laissez-moi vous annoncer qu'à partir du ler novembre,
nous fonctionnerons sans arrêt de 19 h. à 23 heures. Les
auditeurs nous avaient réclamé cette réforme qui
leur permettra d'écouter nos émissions aux heures des
repas. Pour les auditeurs de la campagne où l'on dîne et
se couche tôt, cet horaire répond à leurs desiderata.
Pour la partie musicale, M. Guillet vous a déjà donné
quelques précisions.
Chants et Comédies.
En ce qui concerne les chanteurs amenés à participer à
nos émissions, une sélection plus sévère
éloignera du micro les personnes sans talent. Avant toute audition
publique, la commission artistique fera passer un examen devant le micro.
Toute voix non radiogénique sera impitoyablement refusée.
Vous savez également les efforts que nous avons faits dans le
domaine de la comédie. Constituant une troupe homogène,
au lieu de nous contenter de l'aire entendre des pièces superficielles,
nous nous orienterons vers les uvres susceptibles d'intéresser
l'auditeur. C'est ainsi que nous comptons donner entre autres "
Au téléphone ", " L'Homme qui a vu le diable
" ; etc.
Notre organisation technique nous permet des mélanges de disques
et de voix naturelles ; nous comptons utiliser ces possibilités
pour combiner des pièces particulièrement radiogéniques.
Théâtre, Littérature Algériens.
A ce sujet je dois vous dire que le théâtre radiophonique
a tenté certains auteurs algériens et vos lecteurs constateront
bientôt que Radio-Alger contribuera à lancer ces auteurs
et participera au développement de la littérature algérienne.
Je ne parle que pour mémoire des soirées qui seront réservées
à un poète, à un littérateur avec lecture
commentée de leurs uvres ; des soirées réservées
à un genre ; le maintien de la chronique en sabir du populaire
Jeannot.
Chorales. Orphéons, Estudiantinas.
Nous allons intensifier les auditions des sociétés artistiques
algériennes. Nous ferons, de plus en plus, appel aux chorales,
orphéons, musiques civiles et militaires. Nous réservons
également des émissions spéciales pour différentes
régions de France avec commentaires et chants régionaux.
Le développement artistique de Radio-Alger se poursuivra sous
la direction vigilante de notre Comité Artistique, qui comprend
MM. Simian, de Galland. le général Trestournel, Barbès,
Chevalier, Barbier, etc.
T. S. F.
suite de l'interview des principales
personnalités de Radio-Alger
Conférences, Informations.
- Voila de quoi assurer déjà de belles émissions,
mais en dehors de la partie artistique que comptez-vous faire ?
- M. Joubert, en veine de confidences, continua ; La partie artistique
ne tiendra pas évidemment toute la place, une large part est
réservée aux conférences de tous ordres, en particulier
celles intéressant notre important auditoire agricole. Le service
d'information va être sérieusement renforcé dès
le début de novembre.
Les efforts du général Meynier, en vue de doter les postes
de l'Extrême-Sud et du désert de postes récepteurs,
nous mettent dans l'obligation de servir de trait d'union entre le monde
civilisé et les sahariens. Abolissant les distances, nous leur
donnons le jour même les nouvelles qu'ils ne recevraient que près
d'une semaine après. C'est pourquoi nous réservons trois
entractes d'informations au cours des émissions du soir.
Nous venons de prendre des accords pour renforcer nos chroniques financières,
sportives, maritimes, etc...
Ajoutez à cela un cours de culture physique, un cours d'espéranto
et un cours d'anglais.
La transmission d'images.
- Deux fois par semaine, et grâce au Bélinographe que nous
allons installer, nous ferons directement, par la photo, une large publicité
à l'Algérie, à ses sites merveilleux, à
son originalité.
Les radioreportages.
- Un beau programme en perspective, mais les retransmissions qui sont
de plus en plus goûtées par les sans-filistes ?
- Elles font l'objet de nos principales préoccupations actuelles
et vont retenir une bonne part de l'activité de la station. La
période des fêtes du Centenaire a démontré
que les services techniques des P. T. T. étaient capables de
réaliser de belles choses. Nos projets actuels portent surtout
sur les retransmissions de certaines salles de spectacle d'Alger. Malheureusement,
nous rencontrons de ce côté de grosses difficultés
: exigences d'artistes, de musiciens, qui sont prohibitives.
Malgré cela, nous espérons que les auditeurs de Radio-Alger
pourront entendre une partie de spectacle de l'Alhambra, de l'Opéra,
du Casino, du Majestic. Une ligne spéciale va nous relier avec
la Salle des Beaux-Arts et la Salle des Fêtes ; nous serons à
même de retransmettre les principales manifestations. L'établissement
d'une ligne avec les Facultés sera réalisé incessamment.
Enfin, et chose qui vous fera certainement plaisir, car vous l'avez
demandée au cours de plusieurs articles, les services techniques
préparent l'interception et la retransmission des grandes stations
françaises et étrangères. Ainsi ceux qui ne possèdent
qu'un simple appareil à galène pourront, par le relai
de Radio-Alger, suivre les grands radio-reportages et les principales
retransmissions de la Métropole.
Les radioreportages.
- Profitant de cette question, nous demandons à M. Joubert ce
qu'il compte faire dans ce domaine.
- Le radioreportage, nous dit-il, est la forme la plus captivante et
la moins banale de la retransmission; elle a le mérite de l'originalité
et les reportages que viennent d'effectuer MM. Antoine et Virot des
voyages du Président de la République en sont une brillante
démonstration. Une de mes plus grandes préoccupations
est de mettre sur pied une sérieuse organisation de radioreportage
et je sollicite d'ores et déjà votre concours. Vos camarades
de la Presse sont également préparés par profession
et j'espère fermement, d'ici peu, promener, de cette façon,
les auditeurs de Radio-Alger à travers les différentes
manifestations de la vie algéroise et peut-être même
beaucoup plus loin.
Interview de M. Garcin, président de l'Amicale.
Nous avons remercié M. Joubert d'avoir bien voulu nous confier
son programme et ses projets et, profitant de ce que M. Garcin, Président
de l'Amicale de Radio-Alger, passait près de nous, nous avons
pu nous entretenir quelques instants avec le grand animateur de la T.
S. F. en Algérie. Après nous avoir confirmé le
programme précédent, M. Garcin a ajouté : J'espère
que l'effort considérable fait par l'Amicale de Radio-Alger,
pour améliorer constamment les émissions du poste algérois,
provoquera de nouvelles adhésions d'amateurs. J'espère
également que, comme dans le Midi de la France, les Conseils
Généraux, Municipaux, les Associations Agricoles, Industrielles
et Commerciales, les Syndicats d'Initiatives aideront de leurs subventions
la station algérienne.
Il ne faut pas oublier, en effet, que le fonctionnement, l'entretien
d'un émetteur aussi puissant, l'organisation et l'exécution
de la matière à radiodiffuser coûtent fort cher.
Pour ne vous citer qu'un chiffre, la Société des Droits
d'Auteur exige 2 francs par minute d'émission, ce qui représente
par an une somme de 120.000 francs.
Le chiffre de 2 francs par minute nous a laissé rêveur,
d'autant plus que la radiodiffusion est une uvre d'intérêt
général et public, et que les auditeurs ne versent aucune
redevance. On se demande, devant de telles exigences, si on n'essaie
pas d'étrangler la radiophonie. Et cependant, il ne faut pas
oublier que la T. S. F. est le plus puissant facteur de vulgarisation
musicale qui a fait naître, dans la masse, des besoins artistiques
et musicaux qui rapportent, d'autre part, aux auteurs.
Mais revenons à Radio-Alger et félicitons l'Amicale et
tous ses collaborateurs du bel effort qu'ils font pour doter l'Algérie
de programmes éclectiques et dignes de sa population. Souhaitons
que tous ceux qui s'intéressent à la radiodiffusion algérienne
apportent leur concours à l'Amicale de Radio-Alger.