La nouvelle Poste (à
gauche, grilles) et le Monument aux Compagnons du 8 Novembre 1942
par Jacques Missé
IL Y A DIX ANS LA FRANCE ALLAIT RENOUER
AVEC LA GLOIRE
L'anniversaire du débarquement du 8 novembre a été
célébré avec ferveur
" Ce n'est pas de puissance, mais d'indépendance que nous
avons besoin
Nous ne sommes pas dupes de ces marchands d'illusions qui veulent parfois
nous donner des leçons. Nous n'en avons pas à recevoir
d'eux " a déclaré M. CLAUDIUS PETIT
Le dixième anniversaire du 8
novembre 1942 a connu à Alger un saisissant relief. Par la présence
de ces fortes personnalités que sont MM. Claudius Petit, grand
résistant et grand ministre ; le général Grossin,
envoyé du président de la République et animateur
de la résistance africaine ; le colonel Romans-Petit, l'homme
qui, le 11 novembre 1943, fit défiler ses maquisards dans les
rues d'Oyonnax.
Par l'importance nouvelle que donne l'actualité à quelques-uns
des acteurs de ce moment capital de la guerre, tel le général
Eisenhower. Mai aussi, mais surtout par la leçon toujours valable
qui se dégage du 8 novembre 1942. La France, il y a 10 ans, s'apprêtait
à renouer avec son destin glorieux. Dans l'union et dans l'espérance.
Une situation internationale incertaine et difficile nous crée
aujourd'hui les mêmes devoirs d'union et d'espérance que
le 8 novembre 1942. Et c'est sans doute pourquoi ce dixième anniversaire
fut si riche d'émotion et de vérité.
M. Claudius PETIT pose la
première pierre du monument du 8 novembre
Samedi, en début de matinée, des gerbes furent déposées
devant le commissariat central, à l'endroit où tomba le
capitaine Pillafort, par le général Grossin, au pied du
buste du capitaine Pillafort par M. Achiary, président des "
Compagnons du 8 novembre " et au pied de la plaque scellée
à la mémoire du lieutenant Dreyfus, par M. Bertaume, chef
de cabinet de M. Claudius Petit.
A 10 h. 30, M. Claudius Petit posa avenue du 8-Novembre, la première
pierre du monument, qui doit rappeler l'action de la résistance
algéroise. M. André Achiary prit le premier la parole pour
évoquer les heures émouvantes du débarquement, "
ce jour où les L.S.T. anglo-saxons chassaient les ombres des felouques
du maréchal de Bourmont ". Ici a Alger, poursuivit-il, fut
amorcé le grand tournant de la bataille. Cette bataille à
laquelle les fils d'Algérie dévalent prendre une part si
considérable ". M. Achiary évoqua la part prise à
l'entreprise de libération par le général Eisenhower
" cet homme à qui l'Amérique vient de prouver sa confiance
".
M. Claudius Petlt insista sur le courage et la volonté de ceux
qui avaient, le 8 novembre 1942, facilité le débarquement
allié. " Ici, dit-il, est apparu le moment décisif
d'un destin qui n'a jamais paru trouble à ceux qui avaient le cur
bien accroché. Mais cet événement, par surcroît.
rendait l'espoir à ceux qui avaient pu douter ".
" Le 8 novembre est une date qui nous impose des devoirs, un devoir
d'union, au tout premier chef ".
Reprenant la phrase du général de Gaulle : " Un seul
combat pour une seule patrie ", M. Claudius
Petit insista. sur la nécessité " d'un coude à
coude fraternel ". " Résistants de la première
heure, dit-il, et résistants de la dernière, ceux qui n'ont
jamais douté et ceux qui se sont repris après s'être
trompés, tous ceux-la doivent s'unir au service de la Liberté.
"
Prise d'armes et défilé
Après avoir posée la première pierre du monument.
M. Claudius Petit gagna la tribune officielle pour assister, au défilé.
Le ministre, accompagné de M. Roger Léonard, gouverneur
général de l'Algérie ; du général Grossin,
chef de la maison militaire du président de la République.
et du général Morlière. représentant le ministre
de la Défense nationale, passa les troupes en revue.
Le général Grossin procéda ensuite a une remise de
récompenses. Il décora de la croix de guerre MM. Temime
André, Bouchara Charles, Sebaoun Paul, Atlan Émile, Hagay
Maurice, Van Cauvanberghe et Zemmour Lucien.
Le défilé commença alors conduit par le général
Lardin. Des éléments de toutes les armes y participaient
: fusiliers-marins, aviateurs. 9° zouaves, 13° R.T.S., 19°
génie, 45° transmissions, 27° train, 10° légion
de la garde, G.T.R.G. 520, 65° d'artillerie et 19° génie.
Des avions à réaction survolèrent les troupes pendant
le défilé.
Parmi les personnalités qui entouraient; le ministre et le gouverneur,
nous avons reconnu le général Grossin. envoyé du
président de la République ; le général Morliére,
représentant le ministre de la Défense nationale ;: M, Perriès,
représentant le ministre des Anciens combattants ; M. Cuttoli,
secrétaire général du gouvernement ; MM. Cadi Abdelkader,.
Aït Ali, députés ; M. Trystram, représentant
MM. Blachette, Ribére. Paternot et J. Chevallier ; M. Raymond Laquière,
président de l'Assemblée algérienne et de nombreux
délégués ; M. Tremeaud, préfet d'Alger ; M.
Bélaïche, représentant le président du Conseil
général, et de nombreux conseillers généraux
; M. Gazagne, maire d'Alger ; le général Bonnaré
; l'amiral Sala ; le général Leroy ; MM. Baron et Guellati.
conseillers économiques ; les représentants des puissances
étrangères accrédités à Algerles représentants
du culte ; de très nombreux représentants de la résistance
africaine et notamment MM. Achiary, Fourment, Lalanne, ainsi que le colonel
Romans-Petit, délégué du Comite d'action de la resistance.
président des Maquis de France.
Banquet au
centre " Clarté " (
)
A l'issue d'un grand banquet. organisé an Centre " Clarté
", de nombreux discours furent prononcés.
M. Achiary, aprés avoir souligné la participation du général
Eisenhower au débarquement, ajouta, trés applaudi : "
Nous demandons à Eisenhower de se souvenir que sur ces côtes
habitent des Français et des Français qui veulent rester
Français ".
Le general Weiss et le colonel Romans-Petit définirent le rôle
et les mérites de la Résistance africaine.
M. Gazagne salua, à son tour, les héros du 8 novembre.
MM. Harry et Deross apportèrent ensuite l'hommage de la Grande-Bretagne
et des États-Unis.
Le président Laquière exalta le sacrifice des résistants
obscurs dont personne ne se souvient et mit en évidence le rôle
admirable joué par la jeunesse algérienne dans le conflit.
Le gouverneur Léonard déclara en préambule : "
Vous me permettrez de négliger les devoirs du protocole et de me
souvenir que je suis ici un modeste résistant parmi d'autres résistants
".
" La Résistance. poursuivit le gouverneur, a été
l'image la plus éclatante de la patrie. La Résistance c'est
l'expression la plus authentique du patriotisme français, cette
grande vertu qui a toujours, au cours des âges, soulevé les
Français : ce sentiment qui anima une humble bergère de
Lorraine, qui souleva les volontaires de 93, qui galvanisa les combattants
de Verdun " ?"
Après avoir proclamé son attachement à la Résistance,
le gouverneur enchaîna : " Nous servons aujourd'hui sans ambition
et sans haine, avec le seul souci de maintenir un idéal sacré
qui nous vient du plus profond des siècles et qui est l'idéal
même de notre pays.
Ce n'est pas de puissance que nous avons besoin mais d'indépendance
"
M, Claudius Petit prit à son tour la parole : " L'esprit qui
nous a animés, l'esprit qui nous anime encore, c'est l'amitié
de la communauté française. La leçon profonde que
l'on peut tirer de la Résistance est une leçon profondément
humaine. Il y a des gens qui osent, il y a des gens qui hésitent,
il y a ceux qui espèrent et puis il y a les autres, il y a les
audacieux, il y a les timorés. C'est la loi de l'histoire. C'est
la loi de la vie. Et comme disait Jaurès : " Il est plus difficile
de vivre chaque jour avec courage que d'être courageux dans un combat
rapide et exaltant.
Nous devons, nous Français, rappeler au monde que ce n'est pas
de puissance que nous avons besoin, niais d'indépendance et ce
n'est pas la même chose. Nous devons conduire tous les hommes de
toutes opinions et de toutes races vers l'évolution et le progrès.
Mais nous ne sommes pas dupes de ces marchands d'illusions qui veulent
parfois nous donner des leçons. Nous n'en n'avons pas à
recevoir d'eux.
Entraîner l'Union française derrière la France, faire
l'Europe contre vents et marées, affirmer notre besoin d'indépendance,
tout cela n'est possible que si nous n'éprouvons plus l'angoisse
de l'inconnu, la peur du mouvement, Tout cela n'est possible que si nous
demeurons dans l'esprit de la Résistance. Tout cela n'est possible
que si nous ne désespérons ni de la Résistance, ni
de la France. ni de la liberté, ni surtout des hommes ".
M, Claudius Petit et le général Grossin ont regagné
Paris hier matin par avion.
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