L'ANCIENNE PRISON
CIVILE D'ALGER, dite SERKADJI et aussi BARBEROUSSE -
C'est un endroit familier pour les anis du Vieil Alger,
non pas qu'ils y aient jamais séjourné, bien entendu, mais
parce que c'est leur point de ralliement lors des visites de la vieille
ville. "Rendez-vous devant Barberousse", tout le monde sait,
sans ambiguité, où il faut se trouver.
Malgré sa nouvelle destination, en effet la prison va devenir musée,
nous continuerons à la nommer Barberousse, pour la bonne raison
que les amis du Vieil Alger sont, par essence, traditionnalistes.
Combien n'a t-on pas dit, et même écrit de bêtises,
ces derniers temps sur l'édification et sur les noms donnés
à ce bâtiment ? ! Certains allaient jusqu'à croire
qu'à l'origine se trouvait un château construit par les fameux
corsaires Barberousse.
Il est visible que cet édifice se trouve à l'extérieur
des remparts d'EL DJEZAIR, dont il reste des vestiges à proximité
immédiate, ce n'était certes pas le lieu propice pour construira
à cette époque un édifice quelconque : fort ou château,
l'extérieur des fortifications devait être libre.
D'ailleurs nous savons bien où se trouvent les forts aidant à
la défense d'EL DJEZAIR(voir
Feuillets d'El Djezair): Fort l'Empereur, Fort de l'Étoile,
Fort de Bab Azoun, Fort des 24 heures, Fort neuf, Fort de Sidi ben Nour,
etc... Mais rien dans cette région.
D'autre part, le plan Morin de 1831 mentionne sur cet emplacement "
Broussailles d'agaves et de figuiers de barbarie". Un peu plus tard,
en 1832, comme on peut le voir sur la carte d'État-Major, commencent
à se dessiner les virages de la Rampe Valée. C'est le terrain
compris dans la dernière boucle de cette voie que la Commission
des alignements choisit pour l'édification de la Prison Civile
(Voir l'État des Établissements
à créer sur des emplacements réservés en date
du 10 Mai 1846 cité par René LESPES in-"ALGER, Étude
de Géographie et d'Histoire Urbaines" in-8° PARIS ALCAN
1930 p. 285 note 2)
Il semble difficile de préciser la date de sa construction, les
dates de 1849 ou de 1852, mais sans donner de référence
(Voir Henri KLEIN : Feuillets d'EL DJEZA1R,
in-4°, Alger L. CHAIX (1937) p.55 et p. 177 ).
Ce qui est certain, c'est que en 1856 fut approuvé le plan de la
future rue
RANDON "qui devait joindre le futur Palais de Justice
à la Rampe Valée où s'élevait déjà
la Prison. Civile (LESPES Op. cit..p.
310-)
C'est en effet le seul nom officiel qui lui ait été donné.
Les textes et les plans portent la même désignation, depuis
le plan Delaroche, de 1848, où elle figure sous le nom de "Prison
Civile projetée" , jusqu'aux documents les plus récents,
elle ne porte pas d'autre nom. Cependant, le peuple la nommait SERKADJI
et ainsi BARBEROUSSE.
Pourquoi ? C'est toute une histoire.
Du temps des Turcs, les incarcérations se faisaient, pour les femmes,
chez le Cheik el Bled ( Maire de la Cité) ; pour les prostituées,
chez le Mézouar ; pour les hommes, près de Sidi Ramdan (future
rue Barberousse, notons-le au passage), enfin pour les Turcs à
Dar SERKADJI, Maison du Vinaigrier ( Voir
Dictionnaire Turc Français par A.C. BARBIER DE MEYNARD PARIS LEROUX
1886 B.N.A. 035 - SIRKEDJI : fabricant et marchand de vinaigre),
en raison de l'existence dans un bâtiment attenant, d'un entrepôt
de vinaigre appartenant au beylik (KLEIN,
op. cit. p. 177 -) dans une rue qui devint plus tard la rue
Salluste.
Du temps des Français, la prison civile fut après 1830 à
Dar SERKADJI, rue
Salluste, puis près de Sidi Ramdan rue Barberousse,
ainsi nommée par le chef de Bataillon FILHON, Commandant de la
Brigade topographique, qui avait pour mission de baptiser toutes les rues
d'ALGER (Voir Ministère de la
Guerre -Mémorial du Service Géographique... T.V. La Carte
d'Algérie - PARIS 1930, p. 13 et 35), du nom donné
par les Chrétiens, d'abord à AROUDJ, premier Sultan d'ALGER,
puis, après sa mort en 1518, à son frère et successeur
KEIR-ER-DINE, premier Beyler bey (Vice-Roi) nommé par les Turcs
dans la régence d'ALGER.
Cette rue Barberousse correspondait aux anciennes rues de Sidi Ramdane,
Dar Serkadji el Djedida el Ketta Redjel. Comme cela se fait couramment,
le nom ancien fut reporté sur l'édifice nouveau ; c'est
ainsi que la prison de la Rue Barberousse fut désignée par
les Algériens sous le nom de SERKADJI.
Enfin on 1856, lorsque la prison civile s'édifia où
nous l'avons connue, ces noms la suivirent et elle fut nommée SERKADJI
par les Algériens et BARBEROUSSE par les européens et aussi
les Musulmans.
Voilà un point de la petite histoire élucidé.
M. PH I L I BERT
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