sur site le 22/01/2002
Robert Castel,
Notre grand frère est un homme libre
PNHA n°40 novembre 1993
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"Je souhaite que notre magazine soit un trait d'union ouvert, tonique, tolérant et qu'il se souvienne que quoi que l'on soit, on est toujours le fils de quelqu'un. Je vous souhaite longue vie et prospérité"
Robert Castel


-------Lui demander s'il est pieds-noirs est pour lui insultant. C'est s'apprêter à recevoir une gifle tant Robert est pieds-noirs jusqu'au bout des ongles.
-------Notre communauté lui doit beaucoup sur scène, à l'écran (le grand, comme le petit) car avec humour, il ravive nos souvenirs et rend présent plus que jamais notre cher passé.

-------"Parle-nous du Maître Labassi, ton père et de ton quartier Bab el Oued
- Chanteur, auteur, compositeur et violoniste de musique algérienne dite Chââbi (populaire), mon père fut adoré, adulé par tout un peuple.
C'est ce public qui lui a donné son nom, Labassi "qui vient de Bel Abbés" en arabe, phonétiquement. A 16/17 ans, c'était déjà un maître.
-------Né Boulevard de Champagne, face à l'école de la place Lelièvre, j'ai toujours été bercé par la musique. Je joue du luth et du violon. Bab El Oued, mon quartier, était un petit New York avec ses maltais, ses espagnols, ses juifs, ses arabes.
Ce fut ma source vive, spirituellement parlant. Il m'a tout donné.
J'y ai fait mes études primaires, secondaires. Je fus footballeur à l'ASSE (Saint Eugène. Ne pas confondre avec Saint Etienne).

"Te destinais-tu à la scène ?
- Non. Instituteur pendant quatre ans dans le département d'Alger, je fus ensuite journaliste à "Dernière heure" le quotidien du soir d'Alger.
-------En première année de licence de lettres, je me suis trouvé à la croisée des chemins.
-------Inscrit au CRAD d'Alger, je fais la connaissance de Lurette Sahuquet en 1956. J'avais auparavant eu un petit rôle dans la "Clémence du Pacha". J'y jouais du luth !
-------Le virus du théâtre commençait à m'envahir. Lucette au cours de surprises parties, pour amuser la galerie commença à improviser, créant petit à petit le personnage de la famille Hernandez.
Avec son amie Anne Berger, elles me demandèrent de faire le bègue pour faire long, gagner du temps...
Je me suis mis à écrire des sketches. Notre premier spectacle fut "scènes de la vie algérienne" qui allait devenir, au fil des improvisations de la troupe, la famille Hernandez de Geneviève Baïlac.

" Et ton retour ?
- Avec Lucette Sahuquet, nous avons fait du Music Hall, puis nous avons écrit "la Purée de nous z'ôtres". II fallait un sacré courage à l'époque pour écrire et jouer cette pièce. Le succès fut énorme.
Nous faisions de la radio, des disques, de la télé, des tournées, des galas.
-------C'est alors que j'ai publié "Inoubliable Algérie" (Edition P. Horay)

"Et Kaouito le Pied-Noir
- C'est Georges Folgoas qui m'a invité dans son émission "Alors, raconte".
-------Les pieds-noirs, nous étions complexés tels des provinciaux qui approchaient les grands.
-------Je me souviens de mes premières scènes des "Saintes Chéries" avec Daniel Gelin et Micheline Presle (celle qui avec Danielle Darrieux avaient conquis Hollywood !) ou Charles Vanel que j'ai adoré et amusé par mes milliards de questions !
Puis, nous nous aperçumes que chez nous aussi, nous avions des gens de qualité, peintres, recteurs, généraux...
-------Maintenant c'est fini, avec le temps, plus de complexes et j'ai créé de toute pièce ce Kaouito. Je rigole quand certains me disent l'avoir vu avant hier !

"As-tu connu le racisme ?
-Dans mon univers, jamais mon père ne nous en a parlé. Il était au dessus de cela. Je connaissais le mot bien sûr mais ne l'ai jamais ressenti.
-------De la Bassetta à la place du gouvernement, je prenais le T (notre tramway) comme tout le monde. J'étais inscrit au RUA sans complexe aucun.
-------Il y a un mois, j'ai fait un gala, à la demande de l'Unesco pour les enfants dyalisés de l'Algérie.
Ce fut merveilleux.

"Ne te dit-on pas que tu ressasses le passé ?
- On ressasse toujours le passé ! Ça m'énerve mais oui je ressasse le passé.
------Le vent de l'histoire, on ne peut pas l'oublier. Oui je ressasse toujours les mêmes choses. (Les instituteurs en France ne ressassent-ils pas toujours les 95 départements, la Vienne, la Loire...) et bien moi aussi, je ressasse ce vent de l'histoire, ces pauvres instituteurs dans les gorges de Palestro, les couteaux au vestiaire, la paix des braves. "Inutile de dire que l'Algérie est française, cela va de soit", croyez-moi, je ne peux pas oublier. On ne peut pas quitter un pays comme on nous l'a fait quitter ! Ça a été possible ça !!! Un chien, tu le perds, tu pleures. Et vous ne voulez pas pleurer un pays !
J'aime la France, je ne connais pas d'autres pays. Mon diplôme était le même que celui de Dieppe, Biarritz ou Quimper mais je ne peux pas oublier que nous étions le département 91. C'est l'Assemblée Nationale à Paris, qui décidait de tout. Grave erreur, ils avaient décidé que nous n'aurions pas la même monnaie ! Il y avait mille manières de perde ou de garder l'Algérie. On a choisi la plus mauvaise.

 

"Aujourd'hui on te voit moins à l'écran ?
-Je dois moins intéresser les metteurs en scène ! Il faut dire que je fais mal mon métier. En 36 ans, je n'ai jamais eu d'agent. Je ne suis pas un courtisan. La « promostitution" ne m'intéresse pas.
-------C'est pour cela que je n'intéresse pas les Druker et feu Sabatier... Il est possible que je sois un ringard.
-------A la télé, le copinage est de règle. On fait venir les copains du pouvoir. Je ne dois rien à Mitterand, ni aux autres d'ailleurs.
Je suis assez fier de n'avoir jamais été demago... ou si peu !
-------Il faut de la dignité. Beaucoup mangent de manière inimaginable. Certains ont gaspillé des milliards dans des Festivals. Aujourd'hui à la télé on voit les mêmes. Elisabeth Guigou et Jack Lang.
-------Moi je suis neuf tous les matins. Enfin, j'essaie.
Croyez-moi l'araignée est bien fixée sur sa toile. Pour couper les fils, c'est une usine de ciseaux, que dis-je, il faut tout Nogent !.
-------Qui voit-on à la télé aujourd'hui ?
-------Anne Sinclair a toujours son 7/7. Levail est toujours à France Inter. Comment peut-on accepter les leçons de morale de tous ces gens ?
-------Je n'ai pas besoin de Paul Amar, Bromberger, Yves Montand ou Poivre d'Arvor. Les vrais maîtres à penser sont dans ma bibliothèque, Chamfort, Chateaubriand, Vauvenargues, Moïse et Jésus.
-------Pour voter je n'ai pas besoin d'envoyés spéciaux. Avec mon pois-chiche, je sais réfléchir. J'ai certes le droit à l'erreur. Même Moïse s'est trompé et Moïse c'était pas Marguerite Duras !
Le Christ en avait marre des marchand du temple de la synagogue, et je vois qu'avec Monsieur Toubon, rien ne change.

"Y a-t-il une culture du français d'Algérie ?
- Je ne sais pas. J'aime la qualité de l'écriture de Jean Brune (c'est pas Serge July). Camus est PiedsNoirs dans Noces ou l'Eté. Meursault dans l'Etranger n'est pas Pieds-Noirs et la Peste peut se passer partout ailleurs qu'à Oran.
-------Il y a une culture française avec une couleur pieds-noirs.

"Comment définir les Pieds-Noirs ?
- Ils sont comme tout le monde mais ils le sont un peu plus.
-------Je suis un français pieds-noirs qui souffre devant le drame des harkis, des cimetières (à propos, on a toujours pas de réponse pour celui de Carpentras !) les Pieds-Noirs sont des hommes. Ils pleurent comment les Japonais.
-------J'ai peur pour notre survie. La culture est toujours celle du pays économiquement le plus fort. Nos petits-enfants seront avec "Hélène et les garçons" ou "Premier Baiser". Ils iront à la cafet... Hélas !


"Merci Robert pour ton accueil. Il est sûr que tes propos vont aller droit au coeur de nos amis, de tes amis".

Propos recueillis par Fernand d'Abbundo et Jean-Marc
Lopez


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